DEPUIS quelques années, et à une cadence
croissante, de nombreux jeunes urbains consacrent leurs vacances à
la recherche d’un mode de vie totalement différent, soit en s’incorporant
en équipes pour réanimer des villages moribonds, soit
en participant sans aucun échappatoire à divers travaux
ruraux. Il advient même de plus en plus souvent que des couples
prolongent l’expérience bien au-delà des vacances et tentent
une adaptation totale incorporant la vie familiale et professionnelle
: remise en état d’habitats plus ou moins abandonnés,
puis essais de cultures biologiques (souvent réussies) ou choix
d’un artisanat à caractère utilitaire ou artistique (poteries,
vêtements tissés à la main, ferronneries, conserves
alimentaires, etc...).
Eh bien ces initiatives ne sont pas du goût de Mme Benoîte
GROULT qui leur a consacré son « Billet du jour »
du 15 février 1978 sur France- Inter.
UN COMPLOT DE MALES
D’après cette éminente journaliste,
la plus grande méfiance s’imposerait aux femmes qui seraient
tentées par ces aventures écologiques dans lesquelles
elle croit pouvoir dénoncer un subtil complot ourdi par les mâles
pour mieux remettre sous le joug des compagnes susceptibles d’être
subjuguées par les sirènes émancipatrices. A toutes
ces jeunes filles ou jeunes femmes toutes prêtes à tricoter,
à tirer l’eau du puits, à faire des confitures, Mme Benoîte
GROULT lance un solennel avertissement : casse-cou ! Assoiffés
de revanche, les hommes ont vu là une occasion inespérée
de renforcer les structures patriarcales déclinantes et, en quelques
années, de transformer de ravissantes jouvencelles en Mères
DENIS !
Evidemment, il fallait y penser...
RETOUR AUX SOURCES
Dans ce journal, nous avons récemment dénoncé
l’exploitation éhontée des « modes » écologiques
et mis en évidence ce qu’elles pouvaient comporter à la
fois d’inefficace et même de dangereux dans la mesure où
elles contribuent à endormir l’opinion et à la détourner
des vrais problèmes (Voir « G.R. » n°750).
Nous n’en sommes que plus à l’aise aujourd’hui pour inciter les
jeunes à persévérer dans ces manifestations, profondément
symboliques d’une saine volonté de rejet de nos sociétés
de consommation forcenée de produits inutiles et même nuisibles.
En réalité ces jeunes cherchent à se prouver à
eux- mêmes et aux autres, en payant de leur personne, que l’être
humain peut asseoir son bonheur en s’assurant d’abord la satisfaction
de ses vrais besoins, équilibre familial, calme, air pur, nourriture
saine, logement et environnement à sa mesure, même s’il
faut, pour cela, sacrifier provisoirement ou peut-être définitivement
certains éléments du confort. Et, à cet égard,
il faut bien faire la différence entre des gadgets sans véritable
objet, générateurs de profits confortables, et les machines
qui permettent une véritable libération féminine
par la suppression des tâches répétitives, mécaniques
et fatigantes.
Chaque fois que ce sera possible sans sacrifier l’essentiel, oui à
la machine à laver et à l’aspirateur, mais non à
la nourriture industrielle et chimique, non aux 3 heures d’allées
et venues journalières, non à toute cette vie factice,
agitée et fébrile qui comble peut-être les émules
de Mme GROULT, mais que d’autres femmes ont bien le droit de rejeter
sans retomber pour autant dans les pires servitudes moyenâgeuses.
Et d’ailleurs, cette prise de conscience de la jeunesse, ces essais
plus ou moins naïfs et réussis de véritables retours
aux sources ne constituent- ils pas la meilleure préparation
des esprits à ce que pourrait être l’existence au sein
d’une économie des Besoins, précisément axée
sur la suppression des gaspillages et la réalisation de tous
les épanouissements individuels ?