Le Bureau International du travail constate que, pour les jeunes, le
travail n’est plus une fin en soi. Selon P. Melvyn, chercheur au B.
I. T. : « Il est question de réduire progressivement les
horaires de travail avant la retraite.
Pourquoi ne pas inverser le processus pour les jeunes, de sorte qu’ils
puissent débuter avec des horaires allégés et augmenter
progressivement la durée du travail ? On ne tient compte que
trop rarement des besoins des travailleurs. La tendance est toujours
d’adapter le travailleur à ’emploi et non l’inverse : donc une
réorientation fondamentale et en profondeur de l’activité
est nécessaire.
On a le droit de reprocher à la société de culpabiliser
les jeunes en leur donnant le sentiment que le chômage est une
tare et qu’il est toujours synonyme de paresse et d’échec.
La société devrait admettre que, durant la vie professionnelle,
il peut y avoir des périodes de chômage, ce qui n’est pas
nécessairement négatif. Le chômage n’apparaîtrait
plus comme une tare, si, conçu dans un cadre de système
de sécurité sociale, qui assurerait un revenu, cette interruption
temporaire de l’activité professionnelle était mise à
profit pour tin recyclage ou pour des étude... »
*
Dans un article qu’il intitule « Ticket d’entrée
» (Le Monde du 27-6-1978), Pierre Drouin, faisant le point sur
les propositions concernant la réduction des inégalités
sociales, se demande « comment modifier l’opinion moyenne, rappeler
qu’un homme en vaut un autre, fut-il clochard, handicapé de naissance,
voué aux travaux les moins « reconnus » par la société
? ».
Puis P. Drouin nous fait part de l’idée géniale et très
simple qu’il vient de découvrir dans le livre de Jean-Baptiste
Jeener qui a pour titre : « Délivrer le travail »
: « En attendant qu’une redistribution des revenus par l’impôt
ou autrement diminue substantiellement les écarts entre riches
et malheureux, il faudrait qu’une « allocation de vie »
soit versée à chaque Français. Du seul fait qu’il
est né et qu’il a, par là même, des besoins incompressibles,
il toucherait mensuellement un millier de Bancs (la somme serait évidemment
révisable avec le coût de la vie). Une économie
développée doit pouvoir sans trop de dommages verser ce
« ticket d’entrée » dans la vie à chaque membre
de la communauté. La formule entraînerait en effet la suppression
des allocations familiales, les indemnités de chomage, d’une
partie des aides aux personnes âgées, aux veuves de guerre,
etc...
La réforme suggérée par M. Jean-Baptiste Jeener
est radicale et simple : nul n’aurait besoin de faire une déclaration
pour obtenir son minimum vital. L’acte de naissance déclencherait
automatiquement le versement mensuel qui se poursuivrait jusqu’à
la mort. On ne pourrait parler d’assistance puisque le « fils
de famille » comme l’enfant d’O.S. toucheraient la même
chose. Les parents bénéficieraient de cette prime jusqu’à
ce que l’enfant subvienne à ses besoins...
M. Jeener fait des calculs. Compte tenu de l’allègement de certaines
charges que supporte aujourd’hui la nation, grâce à cette
innovation, l’opération reviendrait en France à quelque
300 milliards de francs par an. Cette somme équivaut au sixième
du produit intérieur brut ».
Nos fidèles lecteurs auront reconnu là un certain nombre
de principes fondamentaux de l’économie distributive, mais ils
s’étonneront avec moi qu’un journaliste économique comme
P. Drouin n’ait pas déjà eu connaissance des travaux de
Jacques Duboin et ait dû attendre la sortie du livre de J.-B.
Jeener pour nous parler de revenu social.
P. Drouin ne semble toutefois pas convaincu, il parle « d’économie-fiction
» ; il ne voit cela possible que dans une génération
ou deux. P. Drouin devrait regarder plus attentivement autour de lui.
*
Il faudra pourtant bien arriver à l’Economie
distributive, car c’est le seul moyen (c’est ça ou la guerre)
qui permettra de sortir de « Ce qu’on appelle la crise »,
crise dont tout laisse présager l’aggravation.
En effet, dans un document établi pour le Commissariat Général
au Plan, document intitulé « La France à l’horizon
1983 », l’I.N.S.E.E. annonce à la fois une forte aggravation
du chômage, une persistance de l’inflation, une croissance ralentie
et une quasi-impossibilité de financer les dépenses croissantes
de la Sécurité Sociale.
Malgré une expansion plus rapide qu’à l’étranger,
le chômage devrait continuer à s’aggraver en France, le
gain de, productivité prévu (4,2 % par an et même
4,5 % à partir de 1979) dépassant sensiblement les progrès
de la production. De sorte que, selon l’I.N.S.E.E., le seuil de un million
cinq cent mille chômeurs serait atteint avec une moyenne de cent
mille sans- emploi supplémentaires chaque année.
Et l’I.N.S.E.E. ne tient pas compte dans ses prévisions des progrès
importants de productivité qui se manifestent dans le secteur
des services notamment grâce à l’informatisation du travail
de bureau.