Il est bien difficile d’admirer l’ordre capitaliste en ce moment. La mécanisation et ensuite l’automation compliquée d’électronique ont désarticulé l’economie capitaliste et. ce sont les pays les mieux équipés qui doivent faire face aux dangers mortels qui les menacent. En premier lieu, les Etats-Unis, qui sont actuellement en flèche, éprouvent des difficultés insurmontables pour tenter d’accorder leurs désirs avec la réalité.
Des ouvrages publiés dans divers pays tentent de nous convaincre que l’automation, loin de provoquer le chômage, permet au contraire de multiplier les emplois !
Un Américain, Lester Velie, dans un article publié en 1966 par Selection du Reader’s Digest, parle de la « Grande peur des temps modernes », redoutée comme un fléau générateur de chômage et qui est devenue un bienfait pour tous !
Dans ce pays, après 10 années au cours desquelles les entreprises industrielles ont été transformées de fond en comble, le chômage y est à son point le plus bas depuis 1958. En 1965, l’expansion de l’économie nationale a permis la création d’environ 2.500.000 emplois nouveaux. Aujourd’hui, tout Américain qui cherche du travail en trouve.
Un autre Américain, Wienner, dans son livre « la Cybernétique », publié en 1948, prédisait que, d’ici à 1970, l’ouvrier d’usine deviendrait une espèce périmée, que le taux de chômage dépasserait celui des années qui suivirent la grande crise de 1929 et que ce serait la ruine pour beaucoup d’industries, même pour celles qui utiliseraient les nouvelles machines permettant d’économiser la main-d’oeuvre.
En effet, 10 ans plus tard, 4.500.000 Américains étaient en chômage, soit près de 7 % de la population active. Des quantités d’emplois étaient supprimés et l’on jetait des travailleurs sur le pavé, exactement comme l’avait prédit Wiener.
On donnait l’exemple d’une grande banque, où un appareil automatique lisait 900 chèques à la minute, puis transmettait, par impulsions électroniques, les montants et les numéros de compte à un ordinateur qui arrêtait les soldes des clients ; 700 comptables avaient été remplacés par 90 programmateurs !
Lester Velie réplique en affirmant que cette nouvelle organisation nécessitait de nombreux spécialistes pour faire fonctionner et entretenir ces machines et également des « vendeurs » pour les proposer à la clientèle. C’est ainsi que 6.000 nouvelles sortes d’emplois et de carrières furent créés entre 1949 et 1965.
Il parait qu’il était devenu difficile de trouver des sténographes et que les hôpitaux recherchaient éperdument des infirmières ! Les restaurants étaient en quête de chefs et les garages avaient un besoin pressant de mécaniciens. Les industries auxiliaires en pleine expansion, offraient sans cesse de nouveaux emplois.
Les ouvriers d’usines font des heures supplémentaires, car les employeurs n’arrivent pas à en trouver suffisamment. Et il y en a maintenant 1 million de plus qu’en 1963.
La leçon est claire. L’automatisation et la production plus efficace ne sont pas génératrices de chômage. C’est d’une économie défaillante que le chômage résulte. Quand l’économie est prospère, il y a du travail pour tout le monde. L’automatisation est en train d’apporter aux Américains la plus grande prospérité de leur histoire !
Mais il faut s’entendre. La prospérité d’un pays se mesure a l’augmentation des produits de consommation absorbés par la totalité des habitants ; une partie de la production peut être exportée en échange de matières premières indispensables et même de certains des produits de consommation faisant défaut. Mais, en aucun cas, cette prospérité ne peut être provoquée par l’état de guerre qui permet de supprimer une partie des chômeurs, d’abord par l’augmentation des effectifs de l’armée et ensuite par la multitude d’emplois dans les industries de guerre.
Or, aujourd’hui, on s’aperçoit aux Etats-Unis qu’il n’est plus possible de maintenir une politique « de canons et de beurre » ! La balance des comptes est en déficit. Et M. Joseph Barr, sous-Secrétaire du Trésor américain déclare devant un Comité du Congrès que si l’Administration persiste dans une telle politique, il faudra s’attendre à ce que le niveau de vie des Américains s’aligne sur celui des Soviétiques.
Le produit national brut des Etats-Unis a atteint en 1967, 784.000 millions de dollars, le double du produit national brut des pays membres du Marché commun, et entre 25 et 30 % de la production mondiale. Le déficit serait de 3.572 millions de dollars pour la même année. Ce dernier chiffre indiquerait donc un faible pourcentage du produit national brut, mais il représente cependant une somme considérable et le Sénat américain ne semble pas disposé à l’augmenter pour satisfaire aux nouvelles exigences de l’armée en guerre au Vietnam.
En France, une brochure de Maurice Restant : « L’Automation - ses conséquences humaines et sociales », publiée en 1959 par les Editions Ouvrières, veut nous convaincre également que l’automation n’a qu’une influence assez faible sur le nombre d’emplois, mais il ajoute que ce n’est valable que pour des entreprises en expansion.
Il cite, d’autre part, les résultats d’une enquête menée par Mac Grow Hill auprès de 1.575 firmes américaines qui avaient automatisé en partie leur production :
89 % l’avaient fait pour réduire les coûts de maind’oeuvre ;
78 % pour augmenter leur production ;
31 % pour augmenter la qualité de leurs produits.
La première réponse montre bien que c’est par la diminution de l’emploi que les entreprises réduisent leurs frais de main-d’oeuvre. Il est donc un peu léger de nous affirmer que l’automation ne provoque pas de chômage.
La deuxième réponse va dans le même sens, car elle montre une augmentation de production sans augmentation de personnel.
Maurice Restant admet toutefois que l’expansion ne pourra se poursuivre et le nombre d’emplois occupés ne pourra se maintenir, et à plus forte raison augmenter, que si les investissements productifs continuent à être assurés, si les exportations se développent et enfin « si le niveau de vie de la population s’élève, c’est-à-dire si le pouvoir d’achat s’accroît ».
Et voila, M. Restant, pourquoi votre fille est malade, car pour que l’expansion se poursuive, il faudra vendre, et c’est la seule chose que vous ne puissiez faire. L’augmentation du chômage dans notre pays nous montre bien que la machine s’arrête.
Il en est d’ailleurs de même en Angleterre et en Allemagne de l’Ouest (on n’ose plus nous parler du miracle allemand) et la confusion règne un peu partout. Quelle pagaïe !