J’ai pris connaissance très tardivement du texte de François sur "le libéralisme sexuel" qui me semble particulièrement bienvenu car il s’agit d’un thème rarement évoqué en profondeur par les médias dominants. La question de la prostitution est un vaste sujet qui m’inspire de nombreuses remarques et réflexions que je vais m’efforcer de synthétiser ci-dessous.
Si l’on s"exprime en termes économiques la prostitution est un "service" que l’on peut décrire en termes d’offre et de demande.
1 - L’offre :
Comme François le souligne fort justement, l’immense majorité des personnes se livrant à la prostitution sont recrutées, par les réseaux mafieux, dans les pays pauvres. Il faut souligner avec force que l’origine de la prostitution est à rechercher prioritairement dans la paupérisation des peuples. Il s’agit souvent d’une question de survie. Au-delà de l’interdiction et de la règlementation la lutte contre la prostitution passe donc par l’éradication de la grande pauvreté.
Mais au risque de mécontenter le mouvement Me Too il faut aussi dénoncer certaines pratiques qui, bien que plus marginales et sournoises, n’en sont pas moins toxiques pour les fondements éthiques d’une société. En effet, depuis toujours, certaines femmes utilisent leurs corps (et la bêtise des mâles) pour parvenir à leurs fins. On ne compte plus, dans l’Histoire, les favorites, les courtisanes, les concubines qui exercent, pour le meilleur ou pour le pire, une influence considérable sur les détenteurs du pouvoir, rois, empereurs, milliardaires influents... Ces pratiques se poursuivent encore de nos jours. On en trouvera un excellent exemple en la personne de Paméla Harriman qui fut, entre 1993 et 1995, Ambassadrice des états-Unis en France, nommée par le Président Clinton en récompense de dons substantiels au Parti Démocrate. Après avoir été l’épouse du fils de Winston Churchill, elle deviendra le maîtresse de nombreuses personnalités, toutes richissimes (Elie de Rothschild, le Prince Ali Khan, Gianni Agnelli....) et finira par épouser l’homme d’affaires et diplomate William Averell Harriman. Selon le Time de Londres, elle avait pour habitude de déclarer, avec un brin d’humour pour faire passer la formule « A rich man is never ugly » (= Un homme riche n’est jamais laid). Et l’on ne peut s’empêcher de penser à Jacqueline Kennedy et Aristote Onassis.
Plus simplement, de nombreuses femmes sont prêtes à utiliser leurs charmes comme un moyen pour parvenir à obtenir un rôle dans un film, la publication d’un livre, un poste avantageux dans une entreprise... Utiliser son corps pour obtenir un avantage c’est la définition même de la prostitution. Ces pratiques sont encore exacerbées par le climat général de compétition qui imprègne notre société capitaliste.
2 - La demande :
Il n’y aurait pas de prostitution s’il n’y avait pas de demande masculine, or il me souvient qu’en 1968, alors que la libération sexuelle battait son plein, nous avion naïvement pensé que la prostitution deviendrait bientôt une pratique du passé. En effet, lorsque chacun est libre de choisir le partenaire qui lui convient, lorsque les couples peuvent s’afficher au grand jour sans passer par l’agrément de la société, la prostitution apparaît comme un archaïsme inepte. Cinquante ans après, force nous est de déchanter ; la location des corps féminins fait partie, avec les armes et la drogue, des trafics les plus lucratifs. Pire, comme François le souligne, elle a même parfois été légalisée sous prétexte de contrôle !
Comment expliquer cette absurdité apparente ? J’avoue ne pas pouvoir répondre vraiment à cette question. Il me semble qu’il faut convoquer ici la psychologie et la psychanalyse, sonder les profondeurs de l’inconscient humain. On y trouve probablement en première ligne ce goût pour la domination qui caractérise malheureusement notre espèce. En ce sens, le capitalisme, qui n’est qu’une adaptation de la loi du plus fort, ne peut que contribuer à développer cette volonté de soumettre à ses désirs les corps féminins. Par ailleurs, comme François le souligne aussi, la marchandisation généralisée du vivant confère à la prostitution une forme de banalisation.
Dernier point, mais pas des moindres. On évoque souvent la prostitution des corps, mais plus rarement celle des esprits qui touche une proportion beaucoup importante de nos populations. On y trouve pêle-mêle des pratiques forts diverses : la corruption, l’utilisation de ses connaissances pour produire des artefacts nuisibles à l’intérêt général (cela va des armes de guerre aux produits toxiques utilisés par l’agriculture ou la médecine...), la diffusion en toute connaissance de cause de fausses nouvelles par le personnel politique ou les publicitaires, mensonges qui contribuent à la confusion des esprits du plus grand nombre....
On le voit, ma vision de la prostitution va bien au-delà de ces malheureuses femmes qui arpentent le Bois de Boulogne. Je comprends qu’elle puisse déconcerter, mais bien sûr le débat est ouvert...