Tous les moralistes, déontologues et autres
philanthropes s’accordent pour engager les hommes à manifester
une attitude morale en s’abstenant de toute activité nuisible
à autrui.
Celà reviendrait à demander aux cabaretiers de ne plus
vendre d’alcool et aux buralistes de fermer leurs guichets. C’est convaincre
les ouvriers des industries de guerre à ne plus oeuvrer au supplice
de leurs frères. C’est prier l’industrie de ne plus livrer à
la consommation des produits frelatés ou polluants.
Or, dans le régime actuel, chacun doit, à tout prix, se
créer et conserver une activité payante et la lutte est
d’autant plus implacable que le progrès technique élimine
toujours plus de main d’oeuvre.
C’est la raison pour laquelle il y a autant de cafetiers, pourvoyeurs
de drogues, prostituées, boursicoteurs, escrocs, militaires,
travailleurs pacifistes fabriquant de l’armement, gangsters, racketteurs,
avocats, geôliers, etc... Que ferait-on de ces gens si le désarmement
devenait une réalité, si l’alcoolisme était vaincu
et si l’honnêteté régnait en ce monde ?
Ça ferait beaucoup de chômeurs en plus. Et, c’est pas le
moment d’en rajouter... Voilà pourquoi les « Soupes populaires
» sont un pis-aller au chômage que chacun s’accorde pourtant
à trouver préférable à une réforme
fondamentale du système économique constamment différée
à seule fin de préserver les privilèges d’une minorité
vivant de manipulations monétaires.
Même si l’opinion publique n’en a pas encore conscience, la crise
nous enfonce dans une société duale où se creuse
un énorme fossé entre deux classes en formation. A savoir,
d’une part, un petit nombre de gens fortunés : Les uns vivant
de l’exploitation de gros capitaux et tenant les leviers de commande
du pouvoir ; les autres, ayant acquis un certain savoirfaire encore recherché,
qui perçoivent de gros revenus, fut-ce au prix d’un travail épuisant.
D’autre part, une foule croissante de sous-consommateurs, n’ayant que
leur force de travail à offrir sur un marché saturé
qui n’en a pas besoin. Ils sont condamnés à survivre en
occupant, à l’occasion, des emplois aléatoires, sans intérêt,
sans sécurité, ou à percevoir diverses allocations
ressenties comme une aumône. Tout ça, paradoxalement, vécu
au milieu de magasins regorgeant de marchandises, dans une atmosphère,
bien naturelle ; de violence et délinquance.
Il est vrai, inutile de le souligner, que nous sommes entrés
dans une ère où le croissance économique supprime
plus d’emplois qu’elle n’en crée. Il est évident qu’affirmer,
dans ces conditions, que l’on va créer des emplois nouveaux et
donner du travail à tous, relève d’une démagogie
à courte vue. A moins de déclencher un conflit mondial...
Alors, pour qu’il y ait encore une morale possible, reste une solution,
en attendant que soit mise en place le réforme fondamentale du
système : Faire accéder l’homme à un véritable
« Revenu social garanti » compatible avec les énormes
moyens de production existants. En vertu du droit sacré que détient
chacun d’entre-nous des lois de le nature : se juste part (avec ou sens
emploi) des richesses de le planète. Envisager, également,
le gratuité de certains services.
Perspectives, hélas ! qui échappent encore eux partis
politiques et eux syndicats corporatistes.
Vers une morale impossible ?
par
Publication : août 1985
Mise en ligne : 13 mars 2009