Qui conseille le chef de guerre au sommet de l’État français ?

Billet
par  C. JANVIER
Publication : mars 2024
Mise en ligne : 24 août 2024

Claude Janvier constatant le discours belliciste de notre président, nous propose une piste d’influence.

Depuis l’intervention de la Fédération de Russie en Ukraine le 24 février 2022, Emmanuel Macron se pose en chef de guerre incontesté en Europe. Ce doit être une idée fixe chez lui, car le 16 mars 2020, au début de la "crise sanitaire", ce dernier martelait au peuple français  : «  Nous sommes en guerre, en guerre sanitaire certes. Nous ne luttons ni contre une armée ni contre une autre nation, mais l’ennemi est là, invisible, insaisissable, et qui progresse…  »

Je supposais à tort que son instinct guerrier allait s’amenuiser avec le temps. Or, ce modus operandi intellectuel supposé temporaire" est devenu, malheureusement, permanent. [...]

Voici quelques dates clé de l’escalade de l’Attila français  :

– 24 février 2022. Ukraine  : "À cet acte de guerre, nous répondrons sans faiblesse", déclare Emmanuel Macron  ;

– 29 août 2022. Extrait de son entretien avec Mateusz Morawiecki, Président du Conseil des ministres de Pologne. «  Nos échanges de ce jour porteront bien évidemment sur la guerre en Ukraine et sur notre détermination commune à soutenir l’Ukraine pleinement, aussi longtemps que cela sera nécessaire.   »

– 31 décembre 2022. À l’occasion des vœux présentés aux Français, il avait envoyé un message aux ukrainiens  : «  Nous vous aiderons jusqu’à la victoire  », «  soutien sans failles  ». Il venait de déclarer, de facto, la guerre à la Russie, mais il nous souhaitait une bonne année et une bonne santé.

– 17 et 18 février 2023. Les leaders occidentaux étaient réunis à la conférence de Munich pour un "Davos de la sécurité internationale". Emmanuel Macron y a accusé la Russie d’être une «  puissance de déséquilibre et de désordre  ». [1]

– 16 février 2024. Emmanuel Macron a demandé au gouvernement de faire, devant le Parlement, une déclaration «  relative à l’accord bilatéral conclu avec l’Ukraine  » suivie d’un débat et d’un vote. Cet accord de sécurité «  inscrit notre soutien à l’Ukraine dans la durée pour faire échec à la guerre d’agression de la Russie.  » Dans ce texte, signé avec Volodymyr Zelensky à Paris, la France s’engage à fournir en 2024 «  jusqu’à trois milliards d’euros d’aide militaire supplémentaire  » à Kiev, après un soutien qu’elle chiffre à 1,7 milliard en 2022 et 2,1 milliards en 2023. Soit un soutien civil et militaire dans la durée… [2]

– 26 février 2024. Le chef de l’État avait affirmé que l’envoi en Ukraine de troupes au sol ne devait pas «  être exclu   », au nom d’une «  ambiguïté stratégique   ». La plupart des autres pays européens et même les États-Unis, se sont démarqués de cette position, tout comme les opposants en France. Quant au Kremlin, il a accusé et à juste titre, le président français «  d’augmenter le niveau d’implication directe de la France  » dans le conflit.

– 7 mars 2024. Ayant réuni les chefs de parti à l’Élysée, ses paroles ont été sans ambiguïtés. Extrait du magazine Le Point. «  Guerre en Ukraine. Ce qu’a dit Emmanuel Macron aux chefs de parti  : aucune limite, aucune ligne rouge… au soutien de la France à l’Ukraine  ». [...]

Depuis l’opération spéciale lancée en Ukraine le 24 février 2022 par la Russie, une partie du haut commandement militaire, s’exprime régulièrement dans les médias. Des généraux, tels que Yakovleff, Goya, Trinquand, Pellistrandi, Minguet, multiplient les interviews. Leurs analyses séduiront certainement les férus de l’art de la guerre et conforterons les soutiens inconditionnels de la "suprématie" de l’armée ukrainienne face à "l’infériorité" de l’armée de la Fédération de Russie. Présentées finement, leurs explications comportent immanquablement une plaidoirie en faveur d’un rehaussement constant du budget des armées. Plus de bombes, de chars, de balles, plus de destructions, donc plus de morts [3]. [...]

Abordons maintenant le nerf de la guerre. Qui finance le complexe militaro-industriel  ? [4] Ce sont évidemment vos impôts. Grâce à l’émergence, depuis les années 1990, de fonds cotés en bourse (ETF [5]), beaucoup de financements ont été possibles sans que cela n’attire l’attention du grand public.

Le 30 juin 2022, au cours d’une cérémonie de signature organisée par le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, les dirigeants et les ministres de 22 pays de l’Alliance ont lancé le fonds OTAN pour l’innovation, premier fonds de capital risque "multi souverain" au monde. Voici un extrait de sa déclaration  : «  Ce fonds est unique en son genre. Grâce à son horizon d’investissement à 15 ans, il va permettre de développer des technologies naissantes qui ont le potentiel d’induire des changements profonds pour notre sécurité dans les décennies à venir, en soutenant l’écosystème d’innovation de l’Alliance, ce qui renforcera la sécurité de la population de nos pays, soit un milliard de personnes.  »

Le 1er août 2023, vingt-trois pays de l’Alliance (OTAN) sont officiellement devenus associés commanditaires du Fonds OTAN pour l’Innovation (NIF). C’est le «  premier fonds de capital-risque multi souverain au monde  », qui va investir 1 milliard d’euros dans des start-ups technologiques du secteur de la défense. L’industrie de la défense a retrouvé des couleurs et de l’intérêt auprès des investisseurs depuis le début de la guerre en Ukraine. Les budgets militaires ont explosé pour le plus grand plaisir des marchands d’armes.

Actuellement en Europe, les engagements d’aide militaire pour l’Ukraine ont augmenté de manière spectaculaire pour atteindre la fabuleuse somme de 50 milliards d’euros. Le complexe militaro-industriel européen n’a pas la capacité de produire aussi vite que celui de la Russie et pourtant, il continue de percevoir l’aide ukrainienne via le fonds spéculatif EFT de l’OTAN.

Pour produire plus d’obus, les lobbies militaires réclament plus d’aide des États pour générer encore plus de bénéfices. Emmanuel Macron a suivi cette tendance depuis 2022, en augmentant le budget du ministère des armées tout en déclarant sa volonté de créer une économie de guerre et un complexe militaro-industriel français.

En 2024, la France est devenue le deuxième marchand d’armes du monde, et l’Ukraine le troisième importateur d’armes [6]. À ce propos, une question  : je n’ai jamais entendu parler de mouvement de grèves dans les usines d’armement… Curieux, non  ?

Et la paix dans tout ça  ? Avec des va-t-en-guerre au sommet de beaucoup de pays de l’UE, des États-Unis et d’Israël, elle joue les abonnés absents. Ceci implique que la responsabilité de chacun de nous est engagée. Chaque personne peut influencer le cours de l’histoire. Le futur n’est pas écrit. Il sera ce que la population dans son ensemble en fera. Habiter un havre de paix ne dédouane en rien de ses responsabilités envers ses voisins et les peuples de la Terre. Continuer à faire l’autruche est le moyen le plus rapide pour que cette planète finisse un jour par exploser. Chaque personne a le pouvoir de dire non. Chaque personne peut s’élever contre des lois et des ordres liberticides. Chaque personne peut dire non à la guerre et à la misère. C’est juste une question de bon sens. Mais encore faut-il le vouloir.


Son dernier livre "Les démasqués – Qui dirige réellement le monde  ?" a été publié en août 2023, KA éditions.


[4Paragraphe cité dans l’ouvrage de Claude Janvier et de François Lagarde, l’État profond français. Qui, comment, pourquoi  ?, KA Editions, mai 2024

[5Un ETF (Exchange-Traded Fund) est un produit financier, similaire aux actions ou aux obligations, émis par des sociétés de gestion agréées. Contrairement à d’autres fonds, les ETF sont cotés en continu et peuvent être achetés ou vendus tout au long de la journée comme des actions. L’innovation réside dans le fait que, grâce à un seul ordre, les investisseurs peuvent diversifier leurs placements dans toute une série d’entreprises, regroupées dans un "pot commun" avec d’autres investisseurs. Les ETF répliquent généralement un indice boursier, offrant ainsi une diversité d’investissements, allant des grandes entreprises mondiales à des secteurs spécifiques tels que l’énergie verte, la technologie, la sécurité, l’armement, la cybersécurité, etc.


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