Disposer d’une porte
donnant sur un jardin
L’ouvrir petit matin,
quand une brise apporte
des fragrances de terre
et d’été finissant.
Quand une brume fine
dans la douce lumière
entre soleil et lune
estompe les contours
et les frondaisons brunes.
Privilège ? Injustice ?
Il y a tant de portes
ouvrant sur des paliers
combien désespérants !
A la peinture sale,
aux plâtres fissurés,
à la lumière pale,
à l’ascenseur tagué.
J’en connus quelques uns..
Le palier c’est le sas
du silence à la ville.
Et pour des masse d’hommes,
en quittant leur amour,
il ouvre sur la haine.
Je voudrais partager…
le bleu, le vert, les roses.
Partager mon jardin.
Tous les hommes sont frères,
c’est une bonne cause.
Mon front contre la porte
libère mes pensées,
le projet se dessine :
Ils arrivent, ils déferlent,
Ils n’y tiendront pas tous !
Et ce grand nombre là,
serré, agglutiné
comme d’autres à la plage
va, je le vois déjà,
sans la joie attendue,
piétiner ses bordures,
et en un seul passage
éteindre sa lumière,
et tenir en échec
mon souhait de partage.
Je vois venir la boue.
Ensuite la poussière,
comme aux pieds de ces tours,
ces refuges "d’en bas",
au bas des paliers sombres
où rêvent mes semblables.
Où veille la révolte.
Dans ma tête naïve
sonne un rire qui gronde :
" Pour nous la poésie ?
" L’aurore aux doigts de rose ?
" Gardez votre jardin
et vos bons sentiments
" Il nous faut autre chose !
" Je le sais ! Je le sais…
Mes pensées se bousculent.
Tant de mots manipulent,
serais-je, moi aussi,
en quête d’exutoire ?
Partager mon jardin,
du vert et quelques fleurs :
Le rêve est dérisoire.
Et bien loin d’apaiser
mon trouble de conscience,
J’ai repoussé la porte.
Attristé d’impuissance.