L’ouverture d’un premier colloque international sur
le revenu garanti amont ré qu’un certain nombre de gens, en Europe,
commençaient à ressentir l’urgence d’assurer aux pauvres
au moins un minimum vital. Parallèlement à cette manifestation,
la « Coordination Européenne des Femmes » entreprenait
d’agir contre la pauvreté. Danièle Delcuze, qui participe
à cette coordination a assisté à la Conférence
de Presse donnée le 10 juin dernier par un ensemble d’associations
charitables. Voici le reportage qu’elle nous en a fait :
Selon la circulaire du 30.10.85, un plan d’urgence contre la pauvreté
et la précarité pour l’hiver 1985-1986 avait prévu
des axes d’intervention : le logement des familles en difficulté,
l’hébergement d’urgence, la nourriture et la réinsertion
sociale des personnes les plus défavorisées.
Au terme de l’hiver 85-86 et de ces mesures « Précarité-Pauvreté
» plusieurs associations, qui ont établi des « conventions »
avec l’Etat ou la DASS-Paris, se sont rencontrées pour faire
le point. Ces associations charismatiques (Armée du Salut, Association
Emmaüs, Centre d’Action Sociale Protestant, Conférence Saint
Vincent de Paul, Equipes Saint-Vincent, Fonds Social Juif unifié,
Secours Catholique, Petits Frères des Pauvres) se voient confrontées
tous les jours :
" à des besoins d’écoute et d’accueil : donner la
possibilité de se situer humainement, d’être reconnu comme
« une personne »,
" à l’afflux des personnes et familles précarisées,
parmi lesquelles dominent les « Sans domicile fixe », les
« Fins de droits » ou « sans travail » non indemnisés.
La Banque Alimentaire qu’elles ont constituée
a servi 524.136 repas.
Durant l’hiver, plusieurs centres d’hébergement ont pu être
ouverts grâce à des conventions passées :
" 3 pour Emmaüs avec 315 lits
" 3 pour le Secours Catholique avec 145 lits
" 1 pour le Centre d’Action Sociale Protestant avec 30 lits
" 9 pour l’Armée du Salut, avec 767 lits + la location
de « chambres d’hôtel ».
Au total 273.745 nuits d’hébergement.
***
Qui ces centres. d’hébergement ont-ils accueilli
?
En majorité, des hommes entre 25 et 40 ans ou des plus de 50
ans (chez les Petits Frères des Pauvres). Le plus souvent, des
personnes « seules », isolées, peu de couples, mais
on en a remarqué cependant une augmentation récente.
Il s’agit de :
" demandeurs d’emploi,
" chômeurs de longue durée, fin de droit,
" sans domicile fixe,
" sortants d’hôpitaux ayant encore besoin de soins,
" de femmes rejetées ou seules avec enfants,
" sortants de prison,
" sortants d’hôpital phychiatrique.
Ils viennent en majorité par le canal des services sociaux, officiels
ou privés. La Conférence de SaintVincent de Paul avec
114 implantations, a affaire à des personnes qui viennent par
connaissance « de bouche à oreille ».
A toutes ces actions s’ajoutent les actions favorisant l’insertion.
En particulier, celles animées par le Secours Catholique aidant
à l’accès à des stages de formation professionnelle,
ou des stages de français.
Mais ces associations se heurtent à des difficultés de
financement. En Avril-Mai, par exemple, elles ont dû faire face
au retard du financement d’actions qui avaient été engagées
par contrat.
Les besoins, accentués en période de froid, sont permanents,
c’est pourquoi l’arrêt brutal du financement des hébergements
provisoires et des lieux d’accueil de jour, innovés déjà
en 84-85 a été très durement ressenti et s’est
manifesté par une recrudescence des appels et sollicitations
dans les divers services d’accueil. Ne pas tenir compte de l’aspect
durable de ces besoins, c’est empêcher une action à long
terme, c’est parfois voir une situation s’aggraver, devenir irréversible,
coûter en fait plus cher à la collectivité, que
si elle avait été prise à temps.
Sans travail, sans domicile, il n’y a aucune reconnaissance sociale,
aucun droit. Or, on observe :
" une augmentation du nombre de personnes sans domicile, de plus
en plus jeunes,
" des fins de droit au chômage,
" l’augmentation du nombre de ceux qui avec le développement
des emplois provisoires et peu rémunérés vivent
une situation de précarité ne leur ouvrant pas droit aux
allocations de chômage.
S’y ajoutent des problèmes qui accentuent la
marginalisation et font cercle vicieux :
" où trouver à se laver, se changer, c’est-à-dire
assurer une hygiène corporelle et la possibilité de se
présenter pour en emploi ?
" comment se soigner, enrayer une dégradation de la santé
qui rend de moins en moins capable de reprendre une vie de travail ?
***
Ces associations veulent que le travail qu’elles fournissent
à longueur d’année soit reconnu et qu’on leur donne les
moyens de faire face à une année 87 qui s’annonce selon
eux, encore plus difficile. De plus, les situations des assistés
sont de plus en plus critiques et leur caractère durable exige
une action à long terme en vue d’une réinsertion.
Elles estiment donc nécessaire :
" qu’une action soit coordonnée entre elles ;
" qu’un soutien matériel et financier leur soit alloué :
État, Région, Département, Ville.
Mais elles se refusent à n’être que des
sous-traitants, vers lesquels les Services Sociaux Publics envoient
les « cas » qu’ils ne peuvent ou ne veulent assumer...
Elles refusent d’accepter une société « duale »
qui entérinerait l’enfoncement dans la misère, sans espoir
de réinsertion, d’une partie de la population qu’ils reçoivent.
Voici leurs propositions :
Dans le domaine de l’emploi : une activité pour tous, ce qui
signifie des espaces de créativités, un assouplissement
des contraintes administratives, et un soutien matériel. Le développement
de lieux d’accueil où les chercheurs d’emploi sont écoutés,
conseillés, aidés, incités à une formation,
et compris dans leur détresse.
Dans le domaine du logement : une véritable politique du logement
social*.
Elles demandent :
" que l’accès au logement social soit facilité,
" que le droit à I’APL ne soit pas refusé aux locataires
de certains logements sociaux,
" que les Commissions d’Impayés (de loyers et d’Edf-GDF)
assouplissement leurs critères d’aide et élargissent leur
champ d’action.
Dans le domaine de l’Accueil et de l’Hébergement
des personnes à la rue des structures permanentes à la
hauteur des besoins. Ces associations demandent aux Pouvoirs Publics
de prendre leurs responsabilités pour que :
" des lieux d’accueil permanents à taille humaine où
les « Sans domicile fixe » soient vraiment accueillis et
où ils se sentent chez eux, soient ouverts,
" des lieux d’hébergement permanents soient créés,
" des lieux pour l’hygiène (les bains-douches à
Paris) soient maintenus,
" des lieux pour les soins (les dispensaires à Paris) soient
sauvegardés.
*120.000 logements vacants à Paris ! 46.000
familles inscrites au fichier des prioritaires, et seulement 1.500 relogés
chaque année. Le coût social des expulsions est énorme
par rapport à celui du maintien dans les lieux, de même
que le coût des prises en charge par la DASS pour les hébergements.
**15.000 personnes sont sans toit à Paris ! Nombre de personnes
accueillies entre le 1/12/85 et le 15/4/86 par l’ensemble de ces associations
: 52.656 personnes.