- Existe-t-il encore des Africains anthropophages ?
À cette question, je connais deux réponses :
- Non, ils ont mangé le dernier l’année dernière.
- Oui, ce sont tous ceux qui ont été convertis au catholicisme.
La seconde est-elle plus offensante ? Sa caricature de la Communion constitue-elle un blasphème ? Elle me paraît assez rationnelle si on croit à la présence réelle du Christ dans l’hostie. Or, profaner une hostie consacrée, dans laquelle un athée ou un croyant d’une autre religion s’obstine malheureusement à ne voir qu’un peu de farine, un certain clan catholique avait réussi, chez nous et à une époque qui n’est pas si lointaine, à ce que cela fût puni de mort, et puisque Dieu est notre père, que le crime commis contre lui fût considéré comme un parricide, et qu’en conséquence, selon les lois alors en vigueur, le coupable eût au préalable le poignet tranché.
Il peut paraître outrecuidant de la part de dépositaires autoproclamés de la Volonté Divine de décider d’un châtiment aussi horrible au nom d’un Dieu Tout Puissant et Infiniment Bon qui aura toute l’Eternité devant lui pour décider de ce que cela mérite, et qui ne leur a sans doute rien demandé. Un tel projet fut pourtant présenté en 1825 par le Garde des Sceaux Charles-Ignace comte de Peyronnet et soutenu devant la Chambre des Pairs par le vicomte de Bonald. Il fit ensuite l’objet de cinq jours de débats à la Chambre des députés où, malgré l’opposition de quelques-uns, y compris de catholiques tel Royer-Collard, une loi fut votée dite “loi du sacrilège” [*] qui, heureusement, ne fut jamais appliquée et dont l’abolition intervint aussitôt après la révolution de 1830.
Il faut reconnaître qu’on n’est pas loin de la charia et que cette loi validant la présence réelle du Christ dans l’hostie pouvait bien en retour justifier une plaisanterie sur l’anthropophagie des catholiques. C’est une plaisanterie que m’avait lancée un jour un de mes bons amis africains et qui me semble en tout cas beaucoup moins grave que les agissements de fanatiques religieux, à quelque religion qu’ils appartiennent.