La dérive climatique, mythe ou réalité ?
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Publication : avril 2004
Mise en ligne : 8 novembre 2006
Ancien Directeur adjoint de l’Organisation Mondiale de la Santé, notre ami Jacques Hamon a bien voulu nous transmettre l’article qu’il a publié dans la revue des Anciens de l’OMS, Nouvelles trimestrielles, au 4ème trimestre 2003, sachant qu’il s’agit d’un sujet auquel nos lecteurs sont sensibles :
Même dans le passé récent, le climat terrestre n’a jamais été stable d’une année à l’autre, et dans une même année, les variations observées par rapport à la moyenne divergent souvent d’un lieu à un autre, fournissant d’innombrables arguments à ceux qui mettent en question l’existence même d’une dérive climatique.
Origine de l ’effet de serre
“L’effet de serre” est dû à des facteurs physiques : les rayons solaires atteignant la surface de la terre changent de longueur d’onde avant de rebondir vers l’espace et certains sont alors piégés par des gaz atmosphériques dont la vapeur d’eau, le gaz carbonique, le méthane, l’oxyde nitreux, et bien d’autres. Sans cet effet de serre, la température moyenne au niveau du sol serait inférieure d’environ 30° Celsius.
À l’arrivée, les rayons solaires atteignant habituellement notre sol peuvent être interceptés par des gaz et des particules émis lors des éruptions volcaniques, par de grands feux de forêt, et par l’impact d’énormes astéroïdes, comme celui qui causa la disparition de la majorité des espèces vivantes il y a des millions d’années. Toute modification majeure de la température moyenne au sol influence la séquestration marine du gaz carbonique et les courants marins, dont le Gulf Stream. Étudier le passé pour prévoir le futur n’est ainsi pas aisé.
Pendant des millénaires, l’homme n’a pas influencé la composition de l’atmosphère terrestre. Quand il brûlait du bois, le gaz carbonique produit était recyclé par la croissance des arbres. Cette stabilité a été détruite par le passage aux énergies fossiles, charbon, lignite, pétrole, gaz naturel, dont l’utilisation a massivement émis du gaz carbonique et du méthane. La production de méthane par la végétation pourrissante des marécages et dans l’estomac des ruminants sauvages a été accrue par le développement de la riziculture et par l’industrialisation de la production bovine. De nombreux produits chimiques de synthèse contribuent aussi à cet effet de serre. La capacité de notre atmosphère à recycler ces polluants est limitée. Nos émissions annuelles de gaz à effet de serre excèdent de loin cette capacité de recyclage, d’où leur accumulation atmosphérique, d’où la dérive climatique.
Que disent les experts ?
Le Groupe Intergouvernemental d’Experts sur le Changement Climatique (GIEC) a été établi à la demande des grands pays industrialisés et leur rend compte périodiquement. Il a rassemblé et analysé les données disponibles, des plus évidentes aux plus complexes, telles que les données thermométriques non urbaines, la composition des bulles d’air immobilisées depuis des millénaires dans la calotte antarctique, les cernes de croissance des troncs d’arbres immergés depuis des siècles, etc. Ce Groupe a aussi amélioré les modèles informatiques permettant de comprendre l’évolution récente de notre climat et d’essayer de prévoir son évolution, zone par zone, sur la base des millions de données validées. Son dernier rapport date de septembre 2001, dont les conclusions à l’intention des décideurs nationaux (300 pages en anglais) ont été approuvées par tous les pays finançant l’opération, dont les États-Unis.
Les principales conclusions du GIEC peuvent être résumées comme suit. Les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère ont été très stables de 1000 à 1700 AD, se sont lentement accrues depuis le début de la révolution industrielle, et augmentent beaucoup plus rapidement depuis 1960, les graphiques concernant le gaz carbonique, le méthane, et l’oxyde nitreux tendant maintenant vers la verticale. Depuis 1000 AD, la température moyenne au sol a varié, mais guère plus d’un demi degré Celsius d’une décade à une autre, avec une tendance à la baisse jusqu’en 1800, une stabilisation de 1800 à 1900 et, depuis, une croissance excédant un degré Celsius. Les données thermométriques très précises obtenues dans l’hémisphère nord depuis 1860 confirment cette évolution globale. Le délai entre l’accroissement des concentrations de gaz à effet de serre et celui des températures résulte de la grande inertie du climat terrestre, due à l’énorme masse océanique. Ce n’est pas la fonte des glaces arctiques qui provoque la très modeste, encore, élévation du niveau de la mer, mais la dilatation de l’eau de mer lorsque sa température augmente. L’énorme calotte antarctique a une grande inertie thermique ; lorsqu’elle fondra, le niveau de la mer montera de 70 mètres. Les données sur l’évolution de la composition de notre atmosphère et celles de la température moyenne au niveau du sol sont incontestables.
Prévisions
Réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre au niveau naturellement recyclable est facile, jusqu’à une réduction à 50%. Cela ne suffira pas à influencer la présente dérive climatique aussi longtemps que les émissions excessives passées n’auront pas été résorbées. Les pays en développement n’ayant aucune responsabilité dans la présente situation, les grands pays industrialisés devraient cesser de faire appel aux énergies fossiles, sauf pour subvenir aux besoins essentiels de leur industrie chimique.
Du fait de l’inertie climatique déjà mentionnée, des améliorations dans la composition de notre atmosphère ne seront que très lentement suivies par une baisse de la température moyenne et du niveau de la mer.
Comme rien de sérieux n’est entrepris actuellement pour remplacer les énergies fossiles par des énergies renouvelables, la dérive climatique va continuer et les prévisions 2001 du GIEC d’une augmentation de la température de 6° Celsius et du niveau de la mer de 50 centimètres au cours du présent siècle relèvent d’un optimisme béat.
Le GIEC n’a tenu compte que des émissions anthropiques, alors que l’augmentation de la température terrestre affectera celle de l’eau de mer, qui relarguera une partie du gaz carbonique dissous.
Elle entraînera aussi le relargage du méthane immobilisé sous la forme d’hydrates de méthane dans les sols arctiques gelés et dans les talus océaniques sous-marins. Le risque d’une auto-accélération des émissions de gaz à effet de serre hors de tout contrôle humain n’est ainsi pas négligeable.