Au fil des jours


Publication : octobre 2004
Mise en ligne : 5 novembre 2006

Le Ministère de l’économie et des finances fait de gros efforts pour la création d’emplois : il a accordé à Vivendi Universal un crédit d’impôts d’au moins 3,5 milliards d’euros pour lui permettre de créer 2 100 emplois.

En lisant cette brève information, parue sur internet, on peut simplement conclure qu’en moyenne, chacun de ces emplois promis nous coûtera au moins 1 666 666 euros. Et on peut aller voir qu’il a déjà eu un effet bénéfique… sur l’action Vivendi Universal.

Mais l’information complète dans Le Monde du 26 août permet de mieux comprendre que si le gouvernement prétend lutter contre le chômage c’est vraiment par des voies indirectes et perverses. On apprend d’abord ce qu’est ce crédit d’impôt accordé par Bercy : il s’agit d’un régime fiscal spécial dit du “bénéfice mondial consolidé” qui, en gros, l’autorise à incorporer dans ses résultats ceux de ses filiales, qu’elles soient domiciliées en France ou à l’étranger, pourvu qu’il les contrôle à plus de 50 % et non à plus de 95 %. Ceci va permettre à Vivendi de dégager entre 500 et 555 millions d’euros supplémentaires par an au cours des 7 prochaines années, soit au total entre 3,5 et 3,8 milliards d’euros.

De son côté, Vivendi Universal a « pris auprès des pouvoirs publics plusieurs engagements en faveur de la création d’emplois dans des territoires français qui sont touchés par le chômage et par les restructurations industrielles ». Lesquels ? — VU « implantera, via des sous-traitants, deux centres d’appels représentant au moins 300 emplois chacun dont l’un sera ouvert à Belfort en automne 2005, l’autre à Douai, un an plus tard » ; et par ailleurs, VU « apportera un soutien de 5 millions d’euros par an pendant 5 ans à la création dans des régions en difficulté d’au moins 1.500 emplois en cinq ans. Ces financements seront attribués à des sociétés de reconversion qui agiront en étroite concertation avec les collectivités locales concernées et le concours des représentants de l’État. »

En attendant, faites le compte.

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LA CONSTITUTION… COMME SI C’ÉTAIT FAIT… !

Les journalistes ne doutent de rien… à moins qu’ils ne participent à une campagne d’intoxication. C’est ainsi qu’on pouvait lire [1] cet été les deux informations suivantes, assénées comme des réalités :

Mardi 12 août, M. Giuseppe Pisanu, ministre de l’intérieur Italien, a rencontré son homologue allemand, M. Otto Schilly, pour mettre au point un plan de lutte commun contre l’immigration clandestine, consistant à faire financer par l’Union européenne des centres d’accueil et de regroupement en Lybie et dans d’autres pays africains d’où partent clandestinement des candidats à l’immigration en Europe.

C’est, d’après M. Pisanu, une excellente initiative en faveur … de la Constitution européenne, car, prenant ses désirs pour des réalités, il n’a pas eu peur d’affirmer : « la constitution européenne est aujourd’hui une réalité juridique, mais il faut des actes concrets pour la faire entrer dans la réalité de la vie quotidienne ».

M. Charlie Mc Creevy, nouveau commissaire européen au marché intérieur et aux services, a géré l’adhésion des dix nouveaux membres de l’Union et assuré l’adoption du projet de Constitution européenne.

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LA CRISE PÉTROLIÈRE

Dans un tout autre domaine, les médias nous ont tout au long de l’été, abreuvés d’informations sur la nouvelle crise du pétrole. En clôture, le 2 août à Londres, le prix du brut de référence produit en mer du Nord, atteint 39,75 dollars le baril ; à New-York, le prix du brut texan de référence est fixé à 43,82 dollars le baril. Certains n’excluent plus un baril à 50 dollars à la fin de l’année. C’est une bonne nouvelle pour les producteurs, les compagnies pétrolières [2] et les fonds spéculatifs, mais une mauvaise nouvelle pour les pays importateurs, notamment pour les plus gros, États-Unis et Chine, suivis par l’Inde, le Brésil et la Russie.

Première explication : « les démêlés de Ioukos avec le Kremlin affolent le marché mondial » [3]. Décidément, ces Russes ne sont pas sérieux.

On ajoute à cela les tensions persistantes au Proche-Orient, l’insécurité en Irak, les incertitudes politiques et sociales au Nigéria et au Vénézuela, mais pas un mot sur l’épuisement à court terme des réserves de pétrole [4].

Même silence dans les articles qui suivent le 21 août, le 24, et enfin une petite phrase dans l’éditorial du Monde du même jour : « … la demande d’énergie grossissant avec le développement des géants chinois et indiens, et l’offre restant mesurée, en particulier en matière de pétrole dont les ressources pourraient s’épuiser dans moins d’un demi-siècle, le monde est entré dans une nouvelle phase. » C’est un avertissement très discret.

Remercions France culture d’avoir entrepris de nous donner des informations beaucoup plus complètes dans son émission “Terre à terre” du samedi matin à 7 heures.

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LA MARCHANDISATION…MÊME DU PARADIS

Mardi 17 août, Mgr Jacques Perrier, évêque de Tarbes et Lourdes a annoncé [5] qu’un déficit d’environ 1,3 million d’euros menaçait l’épiscopat français après le pèlerinage du pape dans la cité de Bernadette. Il précise que les dons des fidèles ne se sont élevés qu’à 200.000 euros environ pour un coût estimé à 1,5 millions d’euros. « Si vraiment il le faut, nous ferons un emprunt » a-t-il ajouté, en déplorant que le réflexe français de « l’Église, c’est gratuit » ait joué à plein.


[1Le Monde, 14/08/2004.

[2Parmi elles, le groupe français Total a enregistré au deuxième trimestre des bénéfices en hausse de 22% (soit 2,16 milliards d’euros) par rapport à la même période de 2003.

[3Le Monde, 04/08/2004.

[4Voir Grande Relève , N°1036, octobre 2003.

[5Le Monde, 19/08/2004.