Les tribulations du Marché Commun
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Publication : novembre 1968
Mise en ligne : 23 octobre 2006
Ceux de nos camarades qui ont eu l’occasion de voyager ces derniers temps, dans les pays du Marché commun, ont pu constater que cette « communauté économique », a été réalisée essentiellement au détriment du consommateur ! Il est d’ailleurs difficile de voir comment il aurait pu en être autrement. En effet, l’inauguration du Marché commun s’est concrétisée par un nivellement des prix, et, en toute logique ce nivellement ne pouvait se faire que « par le haut ». Jadis, on pouvait constater que l’achat de certains articles ou produits, était plus avantageux en France qu’en Belgique, ou moins avantageux en Hollande qu’en Allemagne. Désormais tout cela est changé : il n’y a presque plus rien dont le prix soit plus avantageux ici ou là qu’ailleurs.
Il demeure cependant, quelques exceptions à cette règle. Ainsi, le vin, quoique cher aux yeux du consommateur français, demeure encore en France (même au restaurant), le moins cher en Europe. C’est une question de consommation. A l’opposé, les cigarettes et l’essence, demeurent en France, en Italie, aux niveaux les plus élevés. Il s’agit là du jeu des impôts indirects qui, comme chacun le sait, frappent le plus durement, les couches les plus défavorisées de la population.
A ce propos, il est intéressant de citer la théorie d’un économiste britannique (de l’Observer), d’après lequel le risque d’établissement d’un régime politique autoritaire existe surtout dans les pays où les dépenses publiques sont couvertes essentiellement par les impôts indirects, et non par les impôts personnels, directs. C’est ainsi que les dépenses publiques seraient couvertes dans les proportions suivantes, par les impôts directs (personnels) : Etats-Unis : 52 % ; Suède 50 % ; Angleterre et Belgique, 35 % ; Allemagne 33 % ; Italie : 25 % ; France : 17 %, Cette proportion est encore plus faible, dans des pays tels que la Grèce, la Turquie, le Portugal, l’Espagne. Même si elle n’est pas parfaite, il doit y avoir « un brin de vérité » dans cette théorie.
Mais revenons au Marché commun. Ainsi donc, les prix ont considérablement augmenté à l’intérieur du Marché commun en se mettant en général au niveau du pays qui était le plus cher, dans chaque secteur (produit) déterminé : merci pour le consommateur. En outre, le Marché commun, se défend contre les productions qui lui sont extérieures, en les frappant de droits considérables. C’est ainsi que les produits suisses, en France, qui, avant l’établissement du Marché commun, ne subissaient qu’une hausse de 20 à 30 %, sont frappés actuellement de droits de l’ordre de 50 à 60 % ! Par exemple, les machines à écrire.
D’autre part, et c’est là que les Suisses s’insurgent, les (pays du Marché commun ont une fâcheuse tendance à écouler en Suisse, ce qu’on nomme là-bas leurs « surplus ». De sorte, qu’il n’est pas rare de trouver en Suisse des produits français, allemands, néerlandais, italiens, belges, à des prix inférieurs à ceux qui sont pratiqués respectivement dans ces pays et souvent moins chers que les produits suisses.
Par ailleurs, on trouve des combinaisons, qui peuvent paraitre plus surprenantes encore c’est ainsi que l’on découvre en France, des articles « made in ltaly », qui sont en réalité d’origine britannique ou américaine.
On peut se demander à quoi correspond tout ce « micmac » ? Il semble que chacun des « partenaires », joue sensiblement le jeu suivant : vendre le plus possible chez le voisin, afin d’obtenir des « devises », c’est-à-dire, en dernière instance avoir la possibilité d’acheter des produits chez le voisin. Si bien qu’en exagérant quelque peu on finira par les recommandations suivantes : achetez les produits français ailleurs qu’en France, les produits allemands, ailleurs qu’en Allemagne, et ainsi de suite. Jeu plaisant, mais qui tend à hausser les prix pour le consommateur.
Espérons tout de même qu’un jour la raison l’emportera et que l’on s’apercevra que les combinaisons en cours ne sont pas vraiment « rentables ».
PROFESSEUR A LA FACULTE DES LETTRES - UNIVERSITE D’ANKARA