Au fil des jours
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Publication : mars 1977
Mise en ligne : 14 octobre 2006
Bonnet blanc et blanc bonnet : A Orléans le 25-1-77, le Premier ministre déclare : « Il serait illusoire de penser que nous allons résoudre rapidement le problème de l’emploi ».
Au Colloque sur l’avenir de l’industrie française, organisé les 12 et 13 février 77 par le Parti Socialiste, M. J. P. BACHY prévient : « Ni rêve, ni démagogie, le chômage ne pourra être supprimé en quelques mois ».
Le Colloque en question a d’ailleurs été assez décevant à quelques exceptions près, on n’y a pratiquement proposé que des solutions banales dignes de celles préconisées par le Pouvoir en place. Quelques exemples :
- L’emploi ne sera plus un résidu, un sous-produit, mais une finalité.
- Seule, une politique à moyen terme, dosant une relance modérée de l’industrie, un développement des emplois publics et une série de mesures sera susceptible de conduire au plein emploi.
- Combinant les impératifs de la nouvelle forme de croissance, la revalorisation du travail et du plein emploi, le Plan définira des directives...
On comprend pourquoi le P.S. ne s’est jamais senti très à l’aise sur le terrain de la politique industrielle. Mais, heureusement, François Mitterand nous rassure :
« Ce n’est que le commencement d’un débat, non sa fin ».
Lecteurs qui militez au Parti Socialiste et qui souhaitez l’avènement d’un véritable socialisme, diffusez vite les thèses de J .Duboin auprès des responsables économiques de votre parti, avant qu’il ne soit trop tard, car, vous le savez bien, l’échec de la Gauche signifierait l’instauration du fascisme.
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Pourtant, l’idée que le plein emploi n’est plus et ne sera jamais plus possible fait son chemin, même dans les organismes officiels. C’est ainsi qu’on peut lire dans le rapport du Comité Travail Emploi du Vlle Plan : « Il faut le dire très clairement, si le travail est considéré uniquement comme un facteur de production devant s’adapter à des objectifs économiques extrinsèques, il n’y a pas de solution possible au problème du plein emploi ».
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Dans un article sur la hausse des revenus et le pouvoir d’achat intitulé « Le miroir aux alouettes », J. FOURASTIE montre que « tout ce qu’ont obtenu les Français, comme les Suisses, les Allemands, les Américains et comme tous les hommes de la planète ont pu et peuvent obtenir, ils l’ont obtenu par une amélioration de la productivité du travail, par le progrès des techniques de production, par l’organisation de l’entreprise et de la nation ».
Quel dommage que M. FOURASTIE ne tire pas de cette bonne analyse les conséquences qui s’imposent !
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Le premier économiste de France, qui est accessoirement Premier ministre. est un pincesans-rire. N’a-t-il pas déclaré lors de son récent voyage en Aquitaine : « La mobilité professionnelle est devenue une des conditions du progrès économique et social et aussi du plein et du meilleur emploi ».
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Alors que nos gouvernants n’arrêtent pas de nous dire que nous vivons au dessus de nos moyens, l’examen des COMPTES de la NATION pour 1975 montre, après actualisation, que si la répartition du revenu était parfaitement égalitaire, chaque ménage français disposerait d’un revenu mensuel de 5 500 francs, après déduction des impôts directs. Autrement dit, le S.M.I.C. à 5 500 francs est parfaitement concevable, dès à présent, pour tous les ménages français.
Ce qui, encore une fois, montre que l’économie distributive n’est pas une utopie.
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Après avoir souligné que tous les rapports, toutes les prévisions, tous les experts sont d’accord pour affirmer que la situation de l’emploi ne s’améliorera pas avant les années 1980, même si la croissance économique est soutenue (5 à 6 % par an) ce qui est loin d’être acquis, M. François de Valence écrit dans son éditorial de la « Revue de l’Entreprise » de janvier 1977 : « La crise économique que nous traversons n’explique pas à elle seule le haut niveau du chômage qui s’y inscrit. A l’analyse, des causes structurelles profondes sont apparues, liées à la nécessité d’ une restructuration de l’économie. (...)
L’évolution simultanée de la technologie et de l’organisation du travail exercent une influence prépondérante sur l’emploi. L’introduction de procédés technologiques nouveaux a comme résultat, sinon comme objectif, d’économiser et de simplifier le travail humain. (...)
Seule une planification rigoureuse conduirait à terme à une gestion sociale de la technologie qui a. jusqu’à présent, fait défaut. Elle ne manquerait pas. plus rapidement. de poser la question : l’industrie restaurera- t-elle l’emploi ? Sa productivité, sa compétitivité pourront-elles progresser si elle n’est pas dégagée des contraintes de l’emploi ? ».