Bâtiment et habitation

(Suite)
PAGE DE DYNAMO
Publication : 16 novembre 1935
Mise en ligne : 12 octobre 2006

Tous ces loyers sont beaucoup trop élevés pour les malheureux qui habitent les taudis qui les tuent, dans lesquels ils sont obligés de rester parce que, là seulement, les loyers sont à peu près en rapport avec leurs maigres ressources.

C’est pourquoi il existe dans Paris des quantités d’immeubles neufs qui ne sont pas habités ; ils donnent à penser que tous les besoins d’habitation sont satisfaits, qu’il n’est pas utile de construire de nouveaux immeubles tant que ceux-là ne seront pas habités.

C’est une erreur, les immeubles vacants ont été construits à une époque heureuse où l’on payait n’importe quoi, n’importe quel prix ; ils doivent rémunérer un capital beaucoup trop considérable à un taux trop élevé, et leurs loyers ne peuvent pas concurrencer ceux des taudis. C’est là la question à résoudre.

Il faut créer des habitations dont les loyers soient moins élevés que ceux des taudis. De tels immeubles ne seront jamais vacants.

C’est parfaitement réalisable ainsi que nous le montrerons plus loin.

REALISATIONS POSSIBLES

En matière de bâtiment la production varie avec les moyens dont disposent les entreprises.

Laissant de côté la fabrication du mortier sans machine qui ne se pratique plus guère à Paris, il faut compter qu’une entreprise de 100 personnes peut exécuter en 6 mois la maçonnerie d’un immeuble de 750 Mq comprenant sous-sol, rez-de-chaussée et 7 étages, soit deux immeubles par an.

Une entreprise de 300 personnes peut attaquer des chantiers beaucoup plus importants, utiliser en grand les pelles de terrassement ; la centrale à béton avec pompe et mât de distribution etc. et produire deux fois plus que trois entreprises de 100 personnes.

L’immeuble de 750 Mq de surface pris comme type pour cette étude peut loger convenablement 350 personnes dans des pièces de bonne grandeur et avec les dispositions d’hygiène indispensables.

Chaque entreprise de maçonnerie occupant 300 personnes, peut construire en un an 12 immeubles de 750 Mq et par conséquent satisfaire les besoins d’habitation de 4.200 personnes.

Il n’y a pas lieu de se préoccuper des autres corps d’état qui sont tous capables de suivre le rythme adopté par les maçons.

Si en présence des besoins urgents actuels on voulait mobiliser la totalité des entreprises de maçonnerie de Paris et du département de la Seine, les 72.600 hommes qu’elles réunissent pourraient construire les locaux indispensables aux quinze cent mille habitants dépourvus de logements sains, en dix-huit mois.

Mais il faudrait tout d’abord modifier les règlements de 1902 actuellement en vigueur.

Ces règlements relatifs à la hauteur des immeubles destinée à l’habitation ont amélioré très sensiblement les règlements antérieurs mais ils sont loin de donner satisfaction au point de vue de l’ensoleillement des habitations.

Les règlements futurs devront interdire les cours et les courettes et décréter que les espaces entre les façades devront être au moins égaux à trois fois la hauteur des immeubles.

Dans ces conditions une façade orientée au midi recevra le soleil au rez-de-chaussée sous la latitude de Paris même à l’époque du solstice d’hiver.

D’ailleurs la meilleure orientation d’un immeuble est obtenue lorsque l’une de ses façades est orientée vers l’est et l’autre vers l’ouest en lui évitant les trop grosses chaleurs du plein midi en été.

Cette raison d’ensoleillement total nécessite des terrains dont la surface est égale à 6 fois celle qui est nécessaire aux immeubles, permettant non seulement de créer des voies suffisamment larges pour l’ensoleillement des habitations, mais permettant l’établissement de terrains de sports et de piscines a proximité.

Par conséquent pour loger les 1.500.000 personnes qui peuplent actuellement les taudis il faut un ensemble d’immeubles couvrant 325 hectares. L’ensemble des terrains comprenant les voies et les espaces libres devront avoir une surface totale de 1.950 hectares qu’on peut facilement trouver en lots très importants :

Sur ce qu’il reste de la zone militaire ;

Sur la périphérie intérieure de Paris ;

Et sur la périphérie extérieure dans les limites qui seront prochainement desservies par le métropolitain.

La dépense à engager pour la construction des immeubles seuls serait de 9 milliards.

En admettant qu’on soit obligé d’acquérir tous les terrains nécessaires pour construction et espaces libres au prix moyen de 150 francs le mètre carré, la dépense serait de 3 milliards, soit au total une dépense de 12 milliards pour loger convenablement 1.500.000 personnes ce qui représente 8.000 francs par personne.

L’édification de ces locaux est parfaitement possible, nous disposons du personnel et des matériaux nécessaires pour réaliser cet indispensable progrès en moins de deux ans.

Reste à résoudre le problème financier, non seulement pour se procurer les capitaux nécessaires, mais surtout pour obtenir des loyers qui soient moins élevés que ceux des taudis et par conséquent qui soit en rapport avec les possibilités des futurs occupants.

(À suivre.)