Machines qui pensent
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Publication : 16 décembre 1935
Mise en ligne : 3 juin 2006
A côté des difficultés de réalisation de nos remarquables machines modernes, difficultés toujours surmontées victorieusement par les techniciens, malgré les moyens souvent précaires mis à leur disposition (particulièrement dans notre pays), un autre problème, d’une importance capitale, s’est posé celui de leur surveillance.
Le cerveau humain, organe remarquable, n’est cependant pas exempt de défaillance ou de périodes d’inattention, quelquefois assez longues, qu’une machine bien construite ignore. Une seconde de distraction peut compromettre le bon fonctionnement d’une usine.
Nous allons donc passer en revue quelques-unes des applications de l’Automatisme, qui s’est étendu aujourd’hui à toutes les branches d’industrie.
Grâce à lui, le rendement des exploitations a pu être considérablement accru ; la sécurité est presque absolue.
La machine conçue toujours pour libérer l’homme des travaux matériels, tend de plus en plus vers ce but.
Au sens étymologique du mot, automate signifie « qui se meut lui-même » ; seuls les êtres vivant peuvent répondre à cette définition.
An point de vue industriel, l’automatisme a pour but de remplacer l’intelligence humain, devant intervenir, pour assurer au fur et à mesure l’enchaînement des fonctions individuelles des divers éléments d’un mécanisme, et ce, d’après un programme déterminé à l’avance.
Pour illustrer cet exemple abstrait, considérons le cas d’une pompe alimentant en eau un réservoir. A un certain moment, l’eau passerait par le trop plein, si l’intelligence humaine n’intervenait pour arrêter la pompe. Elle interviendra encore pour la remettre en marche avant que le réservoir ne soit complètement vide. Si nous plaçons dans ce réservoir un flotteur agissant sur l’interrupteur du moteur pour en provoquer la marche ou l’arrêt, suivant que le niveau de l’eau atteint l’une de ces deux limites admissibles, nous aurons réalisé un dispositif automatique de commande de la pompe.
De même que le mot « rendement », le mot « automatique » est souvent employé à faux.
Un distributeur de chocolat qui, par introduction d’une pièce de monnaie et traction sur la poignée, libère une boîte, n’est pas un appareil automatique, car tout le travail est effectué par la personne qui fait cette manoeuvre, la libération de la boîte étant la conséquence logique du déplacement de la poignée.
Une des applications les plus anciennes et parmi les plus importantes, est le serrage automatique des freins sur les chemins de fer.
Un compresseur, dont le fonctionnement donne l’illusion d’une respiration haletante, alimente une conduite principale, disposée sur toute la longueur du train, et des réservoirs placés sous chaque wagon. Dès que la pression normale est atteinte, la triple valve de commande automatique des freins débloque ceux-ci. Si, pendant la marche, un attelage se rompt, l’accouplement de la conduite est arraché. La différence de pression entre le réservoir et la conduite agit sur la triple valve, qui relie le réservoir aux cylindres de frein. L’air comprimé agit sur les pistons et bloque les sabots de freins.
Le même effet se produit si un voyageur manœuvre la poignée de sécurité placée. dans tous les compartiments.
Dans le domaine de l’automatisme, l’électricité une fois de plus, s’est montrée l’esclave la plus fidèle, de l’homme et particulièrement sous la forme de la « cellule photo-électrique ». Cet appareil est basé sur la propriété du selenium de devenir conducteur de courant électrique sous l’influence de la lumière.
La sécurité a pu être ainsi accrue dans les chemins de fer, ce sont les signaux d’arrêt et de ralentissement qui commandent automatiquement en cas d’inattention du mécanicien, le freinage automatique dont, nous venons d’exposer le principe.
On se sert également de la cellule photo-électrique, commandant des relais dont le temps de fonctionnement n’est que de quelques millièmes de secondes, pour compter des objets. Cette opération peut se faire à raison de 1.200 à la minute.
En utilisant les rayons infrarouges, n’influençant pas l’oeil humain, on peut compter, à leur insu, les personnes se rendant à une réunion, ou à un spectacle ; faire fonctionner des signaux d’alarme en cas de visites indésirables, provoquer l’ouverture ou la fermeture de porte, allumer ou éteindre des motifs lumineux.
L’automatisme est devenu, dans les entreprises industrielles de fabrication et de manutention un des facteurs les plus importants du rendement économique. Des machines complètement automatiques prennent l’acier en barres, et livrent des bielles, des arbres, des boulons, des écrous, sans que le personnel ait à intervenir. D’autres réceptionnent des marchandises, trient, classent par dimensions et poids, ou rebutent des tôles avec une précision mathématique. Le même procédé existe pour la classification des oeufs.
Dans l’industrie du ciment, l’ensachage est automatique. Si la rapidité d’enlèvement des sacs par un ouvrier diminue, l’appareil de prise du ciment au silo de stockage voit son débit se proportionner exactement à la quantité nécessaire.
Dans les réseaux de distribution d’énergie électrique, le réglage de la tension et de la fréquence sont entièrement automatiques. Il en est de même de la surveillance générale du réseau.
Un schéma répétiteur lumineux transmet à l’ingénieur chargé du « dispatching » toutes les indications intéressantes sur l’état de marche des différentes unités et de tous les secteurs du réseau. Suivant la couleur du trait lumineux correspondant, il voit immédiatement quelles parties de l’installation sont sous tension, lesquelles sont hors de service, quelles machines sont en marche, quelle puissance elles débitent dans le réseau, quelle est la consommalion des différents secteurs, et comment se fait la répartition de la charge dans les mailles du réseau. Un court-circuit est indiqué instantanément par un signal sonore et par une intermittence caractéristique des signaux lumineux correspondant sur le schéma à la partie endommagée. A ce moment, si une manœuvre est à effectuer, pour permettre la reprise du service normal, le dispositif automatique constate l’état électrique des différentes parties de l’installation allant être manœuvrées. Le schéma lumineux répond à l’opérateur en lui indiquant de quelle façon l’état de l’installation va être modifié par la manoeuvre qu’il envisage. Si les conséquences de cette manoeuvre sont dangereuses, l’opérateur agit d’une manière différente, mais s’il passe outre à l’avertissement, le verrouillage automatique intervient, empêchant la manœuvre dangereuse, et enregistre cet essai de fausse manœuvre du surveillant.
Les thermostats et les thermocouples nous fournissent d’autres exemples de l’hypersensibilité des dispositifs automatiques électriques.
Dans un four électrique, un thermocouple régularisera automatiquement l’arrivée du courant nécessaire pour maintenir la température désirée.
Un thermostat maintiendra constante la température de l’eau contenu dans un réservoir, signalera les augmentations intempestives de température dans un local, fera fonctionner les dispositifs d’alarme qui éteignent les commencements d’incendie, réglera le débit et la température de l’air dans une salle de spectacle, par exemple ; conjugué avec un psychromètre, il en dosera la teneur en humidité.
Il serait facile de citer ou d’imaginer de nombreux autres exemples, montrant l’ingéniosité et l’importance capitale des dispositifs automatiques dans l’industrie moderne.
Bien compris et adaptes aux conditions individuelles des différentes installations, ils nous conduisent à une conception plus rationnelle et plus sociale du labeur humain.