Guerre et progrès techniques
Publication : 16 décembre 1935
Mise en ligne : 3 juin 2006
Beaucoup de capitalistes pensent sans oser l’exprimer qu’une guerre arrangerait bien des choses - plus de chômeurs, des commandes riches de profits, des destructions à réparer. Mais sur la pente où il glisse chaque jour plus vite, rien, pas même la réalisation de ce souhait affreux, ne peut arrêter le régime actuel.
Voyons un peu les conséquences économiques de la guerre italo-abyssine.
L’Italie, privée de certaines matières premières, a vu redoubler l’ingéniosité de ses ingénieurs et voici ce que nous conte « Le Petit Dauphinois » sous la signature de A.-E. Guillaume :
« La laine ? M. Ferretti invente la laine synthétique, plus chaude que l’autre, 40 % moins cher, qui se fabrique en partant du petit-lait et se travaille sur les mêmes installations que la soie artificielle, sans un sou de « premier établissement ». C’est un tour de force.
Le coton ? M. Sordelli invente un coton synthétique, blanc commue un duvet d’oie.
La chanvre ? On en avait trop, mais c’était long à rouir et cela sentait mauvais. Qu’à cela ne tienne Naples invente un procédé pour le décortiquer en huit jours et qui n’empeste plus. Quelles belles étoffes j’ai vues !
L’essence ? Avec les gaz de bois et le Diesel minuscule, dans un an toutes les autos rouleront sans rien devoir au Dieu du Pétrole, lequel est Anglo-Saxon et a les dents longues...
Ajoutons que l’équipement électrique est accéléré pour économiser le charbon.
Et tirons-en les conclusions.
Quand l’intérêt général est en jeu, les intérêts particuliers ne freinent pas le progrès.
Le capitalisme, tel le catoblépas, se dévore lui-même. Il croit que la guerre le sauvera ; mais elle accélère les progrès techniques qui le tuent sûrement. »