Les Nouvelles Nourritures
Publication : 16 décembre 1935
Mise en ligne : 3 juin 2006
...Que l’homme, jusqu’aujourd’hui, n’ait pu s’élever au bien-être, celui même qui permet le bonheur, qu’aux dépens des autres, qu’en s’installant sur eux, voilà ce que nous ne devons plus admettre. Je n’admets pas davantage que le grand nombre doive renoncer sur cette terre à ce bonheur qui naît naturellement de l’harmonie.
Mais ce que les hommes ont fait de la terre promise - de la terre accordée... - Il y a de quoi faire rougir les dieux. L’enfant qui brise un jouet n’est pas plus bête, ni l’animal qui saccage le pâtis où il doit trouver nourriture, trouble la source où il va boire, ou l’oiseau qui souille son nid.
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...Je songe à ce que vous pourriez être, loisirs ! Ô jeux spirituels dans la bénédiction de la joie ! Et le travail, le travail même, racheté, réchappé d’une malédiction impie...
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...Redressez-vous donc, fronts courbés Regards inclinés vers les tombes, relevez-vous ! Levez-vous non vers le ciel creux, mais vers l’horizon de la terre. Vers où se porteront tes pas, camarade, régénéré, vaillant, prêt à quitter ces lieux tout’ empuantis par les morts, laisse t’emporter en avant ton espoir. Ne permets pas qu’aucun amour du passé te retienne. Vers l’avenir élance-toi. La poésie, cesse de la transférer dans le rêve sache la voir dans la réalité. Et si elle n’y est pas encore, mets-l’y.
Les soifs non étanchées, les appétits insatisfaits, les frissons, les attentes vaines, les fatigues, les insomnies... que tout cela te soit épargné.
Ah ! combien je le voudrais, camarade ! incliner vers tes mains, tes lèvres, les branches de tous les arbres à fruits. Faire crouler les murs, abattre devant toi les barrières sur lesquelles l’accaparement jaloux vient écrire « Défense d’entrer. Propriété privée. »
Obtenir enfin que te revienne l’intégrale récompense de ton labeur. Relever ton front et permettre enfin que ton cœur s’emplisse non plus de haine et d’envie, mais d’amour. Oui, permettre enfin que t’atteignent toutes les caresses de l’air, les rayons du soleil et toutes les invitations au bonheur.
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Camarade, n’accepte pas la vie telle que te la proposent les hommes. Ne cesse point de te persuader qu’elle pourrait être plus belle, la vie ; La tienne et celle des autres hommes ; non point une autre, future, qui nous consolerait de celle-ci et qui nous aiderait à accepter sa misère. N’accepte pas. Du jour où tu commenceras à comprendre que le responsable de presque tous les maux de la vie, ce n’est pas Dieu, ce sont les hommes, tu ne prendras plus ton parti de ces maux.
Ne sacrifie pas aux idoles.
(Les Nouvelles Nourritures.)