Les temps sont proches
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Publication : 24 janvier 1939
Mise en ligne : 14 mai 2006
Oui, le moment des grands bouleversements arrive à grands pas dans le monde. La Société des Nations vient de révéler que les armements atteignent 604 milliards par an pour tous les pays. Il y a quelques mois à peine, nous parlions d’un milliard par jour que nous trouvions déjà fantastique. Voyez à quelle cadence le mouvement s’accélère !
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Rien n’est plus curieux que la mine de nos adversaires ! « Quelle horreur, disent-ils, alors que tous ces milliards pourraient être si utilement employés à améliorer le bien-être des hommes ! » Or, à qui la faute ? répondons-nous.
Depuis 10 ans, l’équilibre est définitivement rompu entre l’offre des marchandises et la demande solvable. La preuve en est qu’on réduit la production par- tous les moyens légaux et illégaux ; aussi bien chez nous que dans tous les pays modernement équipés.
Au lieu d’accepter le fait, et réaliser les réformes de structure qui s’imposent pour que tout le monde vive dans le bien-être, on s’entête à conserver le beau régime capitaliste, alors qu’il ne peut subsister momentanément qu’en fabriquant des armements à outrance.
Car je vous supplie d’écouter ceci : en régime capitaliste la production étant la source de tous les revenus, et cette source n’étant plus assez abondante pour acheter les produits offerts, quel est le problème à résoudre ? Il consiste à trouver une production nouvelle, créant, elle aussi, des revenus, mais dont les produits n’iront pas augmenter le stock de ceux qui sont déjà offerts.
Vous aurez beau chercher, vous ne trouverez plus que les armements pour répondre à cette double condition créer des salaires et des profits à ceux qui les fabriquent, sans augmenter les stocks des produits agricoles et des articles manufacturés.
C’est la raison pour laquelle, l’Allemagne, industrialisée à outrance, fut la première à armer. Tous les gouvernements ne tardèrent pas à suivre son exemple, chacun racontant à ses nationaux que des armements massifs étaient nécessaires pour se protéger contre les armements du voisin.
De fil en aiguille, les armements ont atteint le chiffre astronomique de 604 milliards par an. Et voilà le président Roosevelt qui se met, lui aussi, à faire fabriquer des canons, des mitrailleuses, des forteresses, des chars, des gaz, des sous-marins et des cuirassés.
Pour l’instant, ces fabrications de guerre pulvérisent des milliards en une pluie de revenus qui viennent grossir le fleuve des revenus sortant de la production et dont tes eaux sont -de plus en plus basses. Si les armements devaient être vendus au public, il y a longtemps qu’on aurait assaini leur marché, comme celui du blé, du vin, du sucre, des betteraves, du poisson, des chaussures, de la farine, des agrumes, des tomates, etc...
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Mais, malgré cet appoint exceptionnel, le revenu national continue à baisser dans tous les pays modernement équipés. En France, sa chute fut de 50 % en 6 ans, disait récemment le président du Conseil. C’est exact, si on la mesure avec le même étalon monétaire, car le nôtre a changé trois fois pendant ce même laps de temps !
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Alors de deux choses l’une : ou l’on arrêtera les armements : c’est alors quarante millions de nouveaux chômeurs, une baisse catastrophique du revenu national, la mort sans phrases de notre régime économique et social - ou l’on continue cette course effrénée dans ce cas crédits budgets et monnaies sauteront partout dans un gigantesque feu d’àrtifice, saluant l’effondrement brutal du régime- économique et social actuel.
Donc, dans les deux cas le résultat est le même.
J’écarte volontairement l’hypothèse où les hommes seraient assez fous pour vouloir utiliser ces armements gigantesques et détruire tout ce qui existe.
Concluez ! En Allemagne, le Dr Schacht abandonne la partie. C’est signe que le régime capitaliste - dans ce pays - vient de perdre son dernier bastion.
Le Dr Schacht, par le troc, s’était procuré des matières premières en fournissant du matériel de guerre aux peuples qui n’en étaient pas encore saturés. Mais le point de saturation est atteint.
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Malgré tout, les hommes d’Etat au pouvoir dans tous les pays, ferment volontairement ou involontairement les yeux et les oreilles. Comme des somnambules, ils répètent : Travaillez ! Travaillez ! Ne comprendront-ils donc jamais qu’il est impossible de travailler d’une manière productive dans le régime actuel, et que, le seul travail possible, c’est de préparer la mort des hommes, des femmes et des enfants ?
Ils ne me croient pas ! Alors qu’ils m’expliquent pourquoi toutes les frontières sont actuellement hermétiquement fermées aux travailleurs, alors qu’elles sont largement ouvertes aux touristes ?
Oui, d’immenses pays, comme le Canada, l’Australie, rie veulent plus recevoir de travailleurs, alors qu’ils pourraient faire vivre une population trente fois supérieure à la leur.
Ailleurs, on jette à la porte des israélites ; et, dans un pays que nous connaissons bien : les ouvriers étrangers.
Où voulez-vous qu’ils aillent puisque personne ne veut les recevoir ?
Et vous supposez que cela peut durer ?
Si le hommes au pouvoir le comprennent : en avant pour les réformes de structure qui permettront enfin de travailler à des choses utiles !
Et, s’ils ne le comprennent pas : qu’ils s’en aillent, car, indignes de conduire les peuples, ils les acculent à la grande inconnue. Comment vont réagir des masses intoxiquées d’une folle propagande de mensonges, de haines et d’inepties ?