Demandez le programme ! - 1.
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Mise en ligne : 2 avril 2006
Il est permis de souhaiter, en vue des prochaines élections, l’émergence puis l’évolution d’une prise de conscience générale sur la nécessité de remettre en question l’espace politique de notre pays. Il faudrait qu’elle concerne aussi et surtout les méfaits du système économique en vigueur et qu’elle se traduise par une volonté mondiale de construire un nouveau programme économique. Ces souhaits ne vont-ils être que des rêves ? Certains événements, certains mouvements contestataires semblent montrer que l’utopie sort du virtuel, que sa silhouette commence à faire de l’ombre sur les certitudes actuelles. Ils sont de plus en plus nombreux, ceux et celles qui répondent à la définition de “l’homme révolté” d’Albert Camus. Ils veulent signifier : « les choses ont trop duré ; jusque-là oui, au-delà non... »
Ce qui discrédite le système actuel
Internes ou externes à la société, nombreux sont les problèmes qui confirment le bon droit de leur prise de position :
• le chômage, la précarité du travail, le stress, la compétition, la constatation de ne plus rien contrôler ;
• le démantèlement des services publics, les écarts outranciers des revenus et des niveaux de vie ;
• la pression de la politique européenne et celle de la mondialisation financière sur les orientations politiques et économiques ;
D’autres commencent à éveiller les consciences :
• le réchauffement climatique, dont la réalité s’affirme chaque jour davantage alors que ses conséquences commencent à se manifester ;
• l’épidémie de maladies dites “modernes” comme les cancers, le diabète, les maladies auto-immunes, les allergies, qui touchent désormais aussi la jeunesse ;
• l’obstination à maintenir une agriculture basée sur la chimie, responsable pourtant de l’empoisonnement des sols, de l’eau, de l’air et de nos aliments ;
• l’obstination à conserver les élevages intensifs, pourtant néfastes à l’environnement en raison des pollutions engendrées, néfastes pour la santé en raison des maladies et des produits nocifs ingérés, néfastes pour les pays émergents tenus à la monoculture céréalière, pourtant destructrice des sols mais qui nourrit le bétail occidental, et néfastes également, ne l’oublions pas, pour des milliards d’animaux dont l’existence est un enfer ;
• la grande disparité mondiale entre la richesse du Nord et la misère du Sud, qui provoque une émigration sauvage, des guerres, des holocaustes, des situations sociales et sanitaires intolérables.
Certes, la montée protestataire contre les méfaits d’une idéologie destructrice sur le système économique est réelle. Mais leur énumération, ci-dessus, devrait faire réagir l’ensemble de l’humanité. Or l’école de l’endoctrinement et de l’endormissement s’avère puissante. Et quand le doute, les frustrations et le sentiment d’insécurité s’installent dans les esprits, la secte intéressée sait proposer des remèdes tels que l’asservissement au productivisme et à la consommation, l’abêtissement, le conformisme.
Le mécontentement existe et il se manifeste de façon souvent désordonnée ou violente. Les réactions sont diverses, peu structurées ou coordonnées, faute d’un programme substitutif au capitalisme, établi par l’ensemble des mouvements contestataires.
Nombreux, parmi ceux-ci, se laissent séduire par la tentative de récupération des privilégiés de l’idéologie prônant le développement durable. Ils misent aveuglément sur la science et la technique pour les sortir du mauvais pas ou au moins protéger leurs privilèges. Peut-être, mais toutes les interrogations et les réserves sont permises tant qu’elles seront les complices du néo-libéralisme. Ils prétendent l’humaniser par des lois et par des mesures dans le but de protéger l’environnement. Autant tenter de civiliser un renard dans un poulailler !
Trop de déséquilibres et de méfaits suffisent à discréditer cette idéologie et à motiver son élimination. Elle ne fait que maintenir l’humanité dans une adolescence nombriliste et déraisonnable qui l’a menée à revêtir le triste statut de plus grand parasite de la Terre et de sa propre espèce.
Et les générations futures ?
En maintenant ce système, quels cadeaux l’humanité présente se propose-t-elle d’offrir aux futures générations ?
•Une prolifération d’objets les plus divers... dont la plupart ne sert qu’à nous infantiliser et nous rendre esclaves et irresponsables ;
• des monceaux de médicaments mis à leur disposition... pour lutter contre les maladies créées par la pollution et l’empoisonnement de l’alimentation ;
• un allongement de l’espérance de vie... pour se trouver davantage soumis au travail précaire ;
• la disparition de toute éducation familiale, remplacée par celles de l’école et de l’entreprise ne faisant qu’une ;
• une déculturation et une infantilisation... qui empêchent le développement de l’esprit critique et de l’action citoyenne ;
• la généralisation de règles éducatives soi-disant naturelles, comme la loi du plus fort ou l’incapacité génétique des pauvres à “réussir” ;
• l’exhortation à l’individualisme, au culte du Moi, à la compétition, à confondre vie en société avec exploitation des besoins d’autrui pour son propre compte ;
• un clivage social outrancier, indécent, dans lequel le sort des plus démunis ne dépend que de la charité ;
• un État républicain qui livre les services publics au pouvoir de l’argent et qui ne sera bientôt plus représenté que par l’armée, la police et la justice, signifiant ainsi une injonction à se soumettre à l’ordre capitaliste établi et considéré comme la panacée de l’ordre humain ;
• un environnement saccagé, la beauté bafouée ou confinée derrière les clôtures de parcs à entrée payante ;
• un assouvissement psychique à “l’Avoir” et l’ignorance d’une vie basée sur la culture de “l’Etre” ;
• le chantage moyens de vivre contre travail, alors qu’il n’y a pas d’emploi pour tout le monde. Devoir vendre des heures de sa vie au profit d’actionnaires et en fonction de l’information professionnelle que restitue la mémoire ;
• et aussi le chantage mérite contre niveau social. En principe, la soumission et le dévouement à l’entreprise se traduisent par le pouvoir d’atteindre un niveau social gratifiant dans l’échelle de la dominance. Il est vrai que plus le boulet est pesant, plus il est en métal précieux.
J’oublie certainement d’autres semblables cadeaux aux générations futures, mais cette énumération suffit pour vouloir destituer le despote et son idéologie.
Et j’ai gardé le plus énorme pour la fin :
La violence perdure
S’il est vrai que la violence a, plus ou moins, accompagné l’humanité tout au long de son Histoire, est-ce que le premier objectif d’un programme de progrès humain ne devrait pas être de l’éliminer ?
Les horreurs des guerres mondiales et de tous les conflits, non moins ignobles, du siècle dernier, auraient dù inciter tous les gouvernements et toutes instances religieuses à bannir toute arme de la surface de la Terre ! Les holocaustes et autres exterminations auraient dù faire l’objet de campagnes médiatiques et de mobilisations officielles non-violentes contre toutes les sortes de racisme ! Comment une civilisation qui, après cela, exerce et prône la violence sous toutes ses formes peut-elle perdurer, que cette violence soit armée ou mentale, qu’elle s’exerce par l’exclusion, la compétition, la non-assistance à personne en danger ou l’exploitation ?
Atteindre l’âge adulte, pour un individu, c’est chercher à évoluer dans les domaines de la responsabilité, de la solidarité, de la connaissance, de l’expression de soi dans l’échange avec les autres, bref, de la sagesse. De même notre espèce, qui prétend vouloir progresser, ne le fera qu’en se donnant pour objectif d’améliorer son humanisme et sa compassion. Qu’attendons-nous pour inviter les générations futures à développer un tel objectif, dès lors que l’abondance matérielle et alimentaire est dans nos moyens présents et que nous avons des machines pour la maintenir ?
Le fleuron de notre “civilisation” se trouve outre-atlantique, d’où part la croisade qui prétend répandre la démocratie et la paix... avec le plus grand stock d’armes du monde, dont elle fait le commerce honteux. Comment pareille hypocrisie peut-elle encore trouver quelque assentiment ?
Vouloir se protéger de la nature est tout à fait légitime, à la manière d’un adolescent vis à vis de sa mère. Mais la respecter reste primordial. En garder la cruauté et en éliminer la beauté n’est pas un choix judicieux. En infligeant aux animaux tant de souffrances, sous diverses formes, on ne se montre pas supérieur à eux. Est-ce pour prouver qu’on a la faculté de dire “Non” qu’imiter la cruauté des autres espèces qui, à leur décharge, ne possèdent pas cette faculté ?
À l’étape de son évolution où se situe le monde occidental, en avance sur les pays qui en sont encore à tenter d’échapper à la misère, il lui incombe de se poser la question : la nature du “bonheur” atteint et la cohésion sociale actuelle correspondent-elles à son objectif ?
Dans l’affirmative, la route est libre.
Mais sinon, une sérieuse remise en question est nécessaire.