Souriez, vous êtes manipulés !
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Publication : octobre 2021
Mise en ligne : 6 mars 2022
La manipulation et l’ingénierie sociale sont des sujets étudiés depuis des décennies et méritent d’être connus, afin de s’en préserver et rester l’esprit libre.
Au siècle dernier, a sévi un certain Edward Berneys, qui se présentait lui-même comme le « double neveu de Sigmund Freud » (mais si, c’est possible ! Il suffit d’être à la fois le fils de la sœur du célèbre médecin et d’avoir pour père le frère de son épouse. Vous suivez ? C’est un peu compliqué ? Normal. On est chez les Psy.) Cet individu, considéré, aux USA, comme l’un des hommes les plus importants de son siècle, a utilisé les apports de la psychanalyse pour orienter les choix des masses populaires, à l’insu de leur plein gré comme dit l’autre. C’est l’époque où les Américains entraient dans l’ère du consumérisme à grande échelle. Il fallait impérativement acheter ce qui était produit par l’industrie. Il fallait surtout éviter que les grandes grèves ne se répètent. Pour cela, il était nécessaire de transformer l’ouvrier, potentiellement dange- reux, en CONsommateur beaucoup plus facile à satisfaire et à contrôler. Et c’est en effet ce qui se passa…
On parlait alors sans complexe de « propagande ». À présent, le phénomène existe toujours mais il ne dit plus son nom. Lui aussi avance masqué ! Et nous avons parfois du mal à l’identifier. Ainsi, deux nouvelles techniques de manipulation, inspirées de pratiques de psychologie comportementale, font florès en haut lieu : la fenêtre d’Overton et l’effet « Nudge ».
La fenêtre d’Overton
Sans entrer dans les détails, on peut expliquer la fenêtre d’Overton (nommée d’après son inventeur : Joseph Overton, essayiste et membre de divers Think Tank libéraux) comme le procédé qui va permettre de rendre acceptable par l’opinion une idée qui, au départ, ne l’était pas du tout.
Exemple : comment l’idée d’une surveillance massive de la population et de la restriction de nos libertés fondamentales qui paraissait absolument inenvisageable avant l’état d’urgence terroriste, et plus tard sanitaire, a-t-elle pu être acceptée aussi facilement ? Simplement en brandissant la menace d’un mal plus grand encore : la maladie, la mort. Une idée radicale à l’extrême sera utilisée pour faire passer en catimini une autre idée, un peu moins radicale mais tout aussi inacceptable dans d’autres circonstances. La surveillance de la population est ainsi entrée dans la fameuse fenêtre. Un autre exemple, anecdotique cette fois : imaginez qu’un exploitant agricole veuille installer un élevage industriel de 10 000 canards dans votre village. Aussitôt c’est la levée de boucliers et tout le monde est vent debout contre une telle installation (j’ai dit : imaginez). L’exploitant fera mine de renoncer à ce projet et négociera pour 5 000 canards. Et ça passera en douceur. La politique du moindre mal. Quand Éric Zemmour ou Julie Graziani tiennent des propos choquants, ce ne sont pas des bévues ou des maladresses, ils savent pertinemment que cela ouvrira la porte de l’acceptabilité à des idées extrêmistes encore inacceptables pour le moment.
Ainsi, des idées hier totalement inimaginables seront demain socialement tolérables.
L’effet « Nudge », agir comme des moutons
Quant à l’effet « Nudge », il est supposé être moins problématique car son effet est de courte durée. C’est l’effet « coup de pouce ». Il s’agit de modifier les comportements en douceur, sans contrainte, d’influer sur les choix des uns et des autres en leur laissant toujours l’impression de décider par eux-mêmes. En fait, le « nudge » est une technique marketing, fondée sur les biais cognitifs, qui nous fait agir comme des moutons.
Exemple : quand on assène tous les soirs aux infos le nombre de morts, c’est pour que les gens aient la trouille, et plient plus facilement. Le résultat recherché est obtenu, le procédé est efficace. Quand on veut que les gens intègrent l’idée que la liberté de circuler ne va pas de soi, on rend obligatoire une attestation de sortie. Quand on veut réserver aux hôpitaux les masques FFP2 et chirurgicaux (au moment où on en manquait), on baptise les masques en tissu « masques grand public ». Quand on veut inciter les gens à se faire vacciner, on martèle sur toutes les ondes que le nombre de vaccinés augmente sans cesse, créant ainsi une réaction du genre : « alors moi aussi, j’y vais » (biais cognitif de conformité à la norme). Et quand on veut faire passer la 5G, on parle déjà de la 6G, comme si la 5G appartenait déjà au passé !
Il y en a de plus sympas : signaler les passages piétons en 3D pour forcer les automobilistes à ralentir, écrire des slogans humoristiques sur les contre-marches d’escaliers pour inciter les gens à délaisser l’ascenseur, dessiner sur le haut des poubelles une gueule ouverte de monstre rigolo pour inviter à y jeter les papiers etc., etc.
Mais, me direz-vous, toute éducation n’est-elle pas, au fond, une forme de manipulation ? Sans doute. Cependant la grosse différence entre les deux est que l’une se fait au nom de l’émancipation des esprits et du bien commun alors que pour l’autre, c’est exactement le contraire !
À l’instar de Noam Chomski, ne soyons pas naïfs : « la propagande est à la démocratie ce que la matraque est à la tyrannie ».
Initialement publié dans "La popote citoyenne", journal alternatif du Tarn. Le terme "popote" désigne bien sûr la soupe, mais aussi, dans le jargon des antiquaires, une substance que l’on passe sur les vieux meubles pour les décaper. La devise du journal est "Un journal local qui décape".