Manifeste - Programme

Ligue pour le Droit au Travail et le Progrès Social

Publication : 1935
Mise en ligne : 15 février 2020

Publié en 1935 notamment en fin du livre "En route vers l’abondance" de Jacques DUBOIN.

La « Ligue pour le Droit au Travail et le Progrès Social »

ESTIME que tous les Français sombreront dans la misère si l’on continue à fermer les yeux sur la cause réelle de « ce qu’on appelle la crise ».

Cette cause c’est le chômage.

Les chômeurs sont de plus en plus nombreux, leur nombre atteint près de trente-cinq millions dans le monde. Or ils ont femme, enfants, vieux parents à leur charge. Cela fait une population de plus de cent millions d’être humains que la société a rejetés de son sein sous prétexte qu’elle n’a plus besoin de leur travail.

Demain, tout travailleur peut être frappé sans qu’il y ait de sa faute. Sur l’heure, il risque, à son tour, d’être plongé dans la plus affreuse détresse.

Le travail des chômeurs est inutile, parce que, grâce au génie de l’homme, qui est le partrimoine de tous, les machines, mues par des forces extra-humaines, font aujourd’hui ce qui, autrefois, exigeait le labeur des hommes.

Or le monde regorge de richesses que l’on anéantit un peu partout : on dénature ou l’on brûle le blé, on jette le café à la mer, on raréfie la culture de la vigne, de la canne à sucre, on stérilise des millions d’hectares consacrés au coton, on lance par-dessus bord le poisson que l’on vient de pêcher, etc.

Il faudrait être aveugle pour nier que le développement extraordinairement rapide des progrès techniques (machines et chimie), au cours des dernières années, n’a pas eu pour conséquence immédiate de jeter à la rue, pêle-mêle, ouvriers, contremaîtres, employés, ingénieurs, artisans, petits patrons, etc.

*

Va-t-on laisser la situation empirer chaque jour et verrons-nous encore longtemps ce défi au bon sens : la misère sortir de l’abondance ?

*

Ce qu’il faut rappeler à tous les gouvernements :

C’est que, du seul fait que l’homme est au monde, il a le droit à la vie.

Ce droit appartient au sauvage. Or l’homme qui accepte de vivre en société ne peut pas avoir moins de droits que le sauvage !

Le sauvage exerce sont droit à la vie en prenant ce qu’il trouve, pour vivre et faire vivre les siens.

La société interdit de prendre quoi que ce soit, mais dit à l’homme que, grâce à son travail, il pourra vivre et faire vivre les siens.

Le droit au travail dans la société, c’est le droit à la vie du sauvage.

La société doit du travail à tous les hommes, ou alors le pacte social est rompu.

*

Chaque homme a donc droit à sa part de travail. Il doit l’exiger de la société, tant que celle-ci ne se sera pas adaptée au progrès technique qui, en fait, rend le travail de l’homme de moins en moins nécessaire, puisque les machines font aujourd’hui la plus grosse partie de la besogne.

La Ligue pour le Droit au Travail réclame pour chacun :

  1. Sa part de travail,
  2. Sa part de loisirs,
  3. Sa quote-part dans l’ensemble des richesses produites.

*

En attendant la réalisation de ce triple programme, — et courant au plus pressé — la Ligue réclame pour chacun sa part de travail. Donc il faut :

  1. Proclamer la reconnaissance, pour chacun, du droit au travail, équivalent, dans la société actuelle, du droit à la vie ;
  2. Organiser le droit au travail. De même que l’on distribue les vivres dans une ville assiégée, de même le travail, devenu denrée rare, doit être distribué entre toutes les parties prenantes, de façon que chacun ait sa part, car tous les hommes, tant que le travail sera nécessaire, devront être soumis à sa discipline ; de même aussi, il faut répartir le chômage entre tous les hommes pour le transformer en loisirs ;
  3. Baser cette répartition du travail sur la limitation du temps que chaque travailleur passera au service de la production ; selon le développement des techniques, l’heure de la libération sonnera à 50, 45, 40 ans, peut-être même avant ;
  4. Assurer une retraite aux travailleurs libérés, partie en espèces par la transformation des allocations de chômage, partie en nature par la distribution des richesses abondantes.

Et une législation de l’abondance

Code humain, qui se substituant à la législation de la rareté (législation civile, commerciale, fiscale, pénale, etc.), règlera les rapports des hommes en vue d’assurer, d’une part, la libre production des richesses en fonction des possibilités techniques et en dehors de toute idée de profit ; d’autre part, la distribution des richesses en vue de satisfaire tous les besoins solvables.

Cette nouvelle phase de la civilisation peut être ainsi définie :

Une société dans laquelle les richesses seront produites au maximum pour être réparties entre tous, en contre-partie d’un travail que tous devront fournir dans la limite qui sera nécessaire. Cette limite ne cesssera d’être abaissée par l’accroissement des forces extra-humaines et les perfectionnements des techniques.

Moyens

— AGIR (action individuelle, action collective : parole, écrits, journaux) pour faire comprendre que l’abondance ne saurait être une calamité ; que, organisée, elle ne peut qu’apporter aux hommes plus de bonheur.

Pendant soixante siècles, les générations qui se sont succédées n’ont fait que lutter, physiquement et intellectuellement, pour vaincre la rareté et créer l’abondance. Aujourd’hui que les hommes ont atteint leur but, on veut leur faire croire, pour sauver les privilèges des derniers bénéficiaires de la rareté, que l’abondance les opprime et qu’il faut la détruire.

Il n’y a pas de surproduction quand plus de cent milions d’êtres humains manquent du nécessaire.

— PROSCRIRE TOUTES MESURES DE VIOLENCE qui créeraient plus de misères encore et, par le désordre qui en résulterait, ajourneraient l’heure de la libération. Pas d’émeutiers, des techniciens.

— DONNER LE POUVOIR à un Gouvernement issu de tous qui, engageant sa responsabilité pleine et entière, assurera d’abord la période transitoire puis réalisera, dans le moindre temps et pour le bien de tous, l’organisation de l’abondance.


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