« Le cap que je fixe à la France… »

Éditorial
par  M.-L. DUBOIN
Publication : juillet 2018
Mise en ligne : 1er janvier 2019

Est-ce que le Tour de France cycliste, après le foot, va empêcher les citoyens de ce pays de prendre conscience de la voie sur laquelle les sponsors de Monsieur le Président Macron nous font marcher ? Les journalistes dits “sportifs” sont décidément très forts, à la fois pour exciter les chauvinismes et pour distraire les foules. Le chauvinisme vient d’atteindre un dangereux sommet avec la coupe du monde de foot. Quant à la distraction, ce qui se prépare est si grave qu’on peut craindre de violentes manifestations quand ne “marcheront” plus ceux que le “président des riches” a le culot de désigner par « ceux qui ne sont rien ».

Le gouvernement estime qu’il n’a pas d’argent à dépenser pour les services publics, la santé, les universités, la recherche fondamentale, etc., etc., mais il vient de signer une dotation de 300 milliards à l’armée. Par comparaison, les sommes dépensées pour que le bon peuple puisse voir sur les Champs Élysées défiler plus de 4.000 militaires et admirer leurs matériels, des plus sophistiqués, sont une broutille. Mais ces démonstrations, le transport de ces matériels, le déploiement de ces avions dans le ciel… et la pollution qui en résulte, c’est aussi le contribuable qui les paie. Or notre fête nationale n’est pas la commémoration d’une victoire militaire contre un ennemi, mais celle de la prise de la Bastille, mani­festation du peuple contre l’arbitraire. Alors pourquoi est-ce devenu l’occasion de spectaculaires défilés militaires… qui rappellent ceux organisés sous de sinistres dictatures  ? A-t-on demandé au citoyen-contribuable s’il était d’accord pour cette transposition  ? — Il n’a pas d’avis à donner, juste à mettre dans une urne, de temps en temps, un bulletin portant le nom du candidat qui lui a le moins déplu au cours de la dernière campagne électorale. Et pour mener une telle campagne, il faut dispo­ser d’énormes moyens financiers, la politique est donc réservée. Les médias, pour la plupart, sont sous contrôle, celui “des marchés”. L’éducation nationale forme bien plus à la soumission qu’à la lecture critique des informations. Et une loi sanctionne déjà le lancement de fausses nouvelles. Et pourtant, sous prétexte d’interdire les “falk news”, le gouvernement projette une vraie censure pour les prochaines élections… Mais c’est pour être leurs porte-parole que les citoyens choisissent leurs élus  ? — Dans le projet de révision de la Constitution par le gouvernement, il est envisagé de réduire le nombre de députés. — Il y a aussi des élus locaux à qui la décentralisation a donné quelque pouvoir  ? — Ils sont tellement mécontents de la façon dont certaines réformes leur ont été imposées que la plupart viennent de faire savoir, en refusant de participer à la Conférence Nationale des Territoires qu’« ils n’aiment pas le passage en force ».

Il est manifeste qu’E.Macron, comme ses prédécesseurs mais avec encore plus de détermination, est persuadé qu’on gouverne un pays comme une entreprise  : son chef, son “manageur”, doit attirer des investisseurs, favoriser les innovations pourvu seulement qu’elles soient rentables, aider la prospérité des entreprises en allégeant le plus possible tous leurs coûts (dépenses en personnel et contributions sociales). Le bon peuple, séduit par des promesses de “ruissellement”, croît encore que si de grandes entreprises font des affaires, elles vont embaucher et que tout le monde en profitera !!

Résultat : il ne reste déjà à peu près rien des institutions sociales obtenues à la Libération, ni des protections que le code du travail garantissait aux salariés. Les services publics rentables ont été cédés au privé ou sont en cours de l’être, les autres fonctionnent de plus en plus mal. La suppression de 50.000 postes de fonctionnaires est programmée. Les aides aux plus démunis ont été systématiquement réduites. Les conditions de travail des personnels de santé semblent faites pour débarrasser l’État des malades et des vieux.

Ces atteintes personnelles aux conditions de vie soulèvent des protestations qui, loin d’être entendues, sont au contraire réprimées de plus en plus brutalement. Une conséquence en est, malheureusement, une tendance chez beaucoup de Français à se désintéresser du sort fait aux migrants, à ne se soucier ni des causes de leur détresse, ni de la façon dont ils sont évacués par la force. N’ayant pas pensé que l’état d’urgence ouvrait la porte à des bavures policières, la plupart ne s’inquiètent pas du nombre de témoins qui en dénoncent ! Que des propos racistes se répandent comme la peste, qu’on évoque l’ouverture de camps de concentration, presque personne ne s’en indigne  !

Alors que des “réformes” désastreuses sont toujours menées bon train, beaucoup d’autres vont être entrepri­ses. Notre monarque moderne les a évoquées à mots couverts dans son discours au château de Versailles, qu’il a conclu sur sa détermination à vouloir suivre « le cap que je fixe à la France ».

Et il y a bien de quoi s’inquiéter.

Par exemple, E. Macron a prétendu « agir pour l’intérêt général » en remplaçant la solidarité, sur laquelle est bâtie la sécurité sociale, par un « appel à la responsabilité des individus ». C’est dire qu’il veut faire pour la sécurité sociale ce qu’il a fait pour l’assurance-chômage  : supprimer son financement par cotisations sociales et le remplacer par l’impôt, qu’il promet de diminuer encore.

Il a, une fois de plus, invité les partenaires sociaux à « refonder les conditions d’indemnisation des demandeurs d’emploi » de façon à ce que les chômeurs n’aient plus seulement des droits, mais aussi des « devoirs ».

Il a annoncé que les régimes de retraite vont être “refondés”… et comme ce propos était mal accueilli, il a ajouté « pas pour les retraités d’aujourd’hui », c’est avouer que les autres seront touchés…

Et comme sa réflexion récente sur « le pognon de dingue dépensé dans les minima sociaux » avait choqué, il a annoncé une nouvelle stratégie, mais en précisant qu’il ne veut « pas de nouvelles aides », ni augmenter les minima so­ciaux, ni étendre aux jeunes le revenu de solidarité. Et laissé entendre que pour « responsabiliser » les allocataires, les aides ne seront plus attribuées de façon automatique.