Au fil des jours

Chronique
par  J.-P. MON
Publication : mars 2018
Mise en ligne : 5 juillet 2018

Peut-on être dupe à ce point ?

Les grands médias prétendent qu’une majorité de la population approuve la suppression du statut des cheminots entreprise par le gouvernement. Les croire, c’est admettre que la majorité des Français sont des idiots, car sinon, et s’ils estiment que le statut des cheminots est meilleur que le leur, ne revendiqueraient-ils pas plutôt d’avoir droit aux mêmes avantages qu’eux  ? Et comment peut-on croire que c’est le statut des cheminots qui ruine la SNCF  ?

Passer au privé tous les services publics

La politique que M.Macron mène tambour battant est celle, ultra libérale, de la Commission européenne, à savoir : livrer toute l’économie à la concurrence libre et non faussée. Ce qui impose, entre autres bienfaits, de se débarrasser des services publics, la SNCF par exemple… alors que les Anglais comprennent l’erreur qu’ils ont faite en privatisant leurs chemins de fer ! Suppressions des lignes non rentables et développement des TGV, non entretien des voies, entrainant de très graves accidents, sont parmi les méfaits les plus évidents de cette politique. Mais il en est d’autres, qui devraient aussi faire réfléchir…

La bonne affaire des PPP (partenariats public-privé)

Le passage du public au privé passe souvent par des contrats que passe l’État avec de grandes sociétés privées. Le bilan pour les contribuables est catastrophique, nous en avons déjà donné des exemples. Donnons quelques chiffres concernant la ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux.

Inaugurée le 28 février 2017 pour raccoucir d’environ deux heures l’ancien parcours, c’est Lisea, une filiale de Vinci, qui en est le partenaire privé… et qui va encaisser la totalité des recettes, sous forme de péages payés par la SNCF (en déficit, évidemment) pendant les 44 ans de la concession, alors que Lisea n’a payé en fait qu’une partie des 7,6 milliards d’euros investis !

Le communiqué de presse Vinci et Réseau Ferré de France (RFF) du 16/06/2011, en détaillant le montage financier, laissait entendre que Lisea, en apportant 3,6 milliards sur 7,6 milliards, allait financer presque la moitié de l’investissement. Il n’en est rien : Lisea n’apporte en réalité que 2,4 milliards (fonds propres + emprunts), le reste étant des subventions publiques (42%) et des investissements de SNCF réseau (26%). Et sur ces 2,4 milliards, elle n’apporte que 772 millions de fonds propres, car emprunte le reste sous forme de crédits bancaires qui sont garantis par l’État et RFF. Et, cerise sur le gâteau, comme le révélait le Canard Enchaîné du 20/07/2011, « le contrat de concession limite la responsabilité financière de VINCI à 350 millions, soit 4,5 % de l’addition finale ». On voit ainsi comment un contrat public-privé impose un transfert des risques au public, donc scandaleusement favorable au privé.

Notons encore que la SNCF, bien que contribuant au financement pour 26 %, voit non seulement disparaître toute recette sur ce tronçon mais subira des pertes supérieures à 100 millions d’euros par an. Car en outre, et malgré des études qui ont montré que 13 aller-retour directs par jour suffisaient largement pour répondre à la demande des usagers, Lisea a livré bataille et a fini par en obtenir 19, afin de garantir une forte rémunération à ses actionnaires, celle-ci est estimée à 14 %, et cela pendant près d’un demi siècle !

Et voila comment chaque TGV qui circule maintenant sur cette ligne creuse un peu plus le déficit de la SNCF, et donc plombe encore sa capacité à investir et entretenir le réseau existant. Et le gouvernement veut nous faire croire que le problème à la SNCF, c’est le statut des cheminots [1] !

Travail et revenu universel

Personne ne voudra plus travailler, essaie-t-on de faire croire pour s’opposer à l’instauration d’un revenu universel. Et pourtant, des expériences de longue durée et concernant un grand nombre de personnes, prouvent le contraire.

C’est notamment ce que montre la récente enquête effectuée par le Pr. Damon Jones de l’Université de Chicago et par Iona Marinescu, de l’Université de Pennsylvanie, qui se sont intéressés aux bénéficiaires du revenu inconditionnel du Fonds Permanent de l’Alaska. Ce Fonds a été créé en 1976 par un amendement à l’article 9 de la Constitution de l’Alaska. Alimenté en partie par les ressources pétrolières de l’État, il permet de verser un petit revenu (environ 2.000 US$) à toutes les personnes (adultes ou enfants) qui ont résidé en Alaska pendant un an. Cette enquête n’a enregistré aucune baisse ni de l’emploi ni du nombre d’heures travaillées. Les auteurs de cette étude suggèrent que ceci pourrait être dû à l’augmentation de la consommation occasionnée par le surplus monétaire que constitue le revenu inconditionnel. Le seul changement observé dans l’étude est un accroissement de 17% du travail à temps partiel.

Des études du même type, menées dans divers pays, notamment en Inde et en Afrique, aboutissent à des conclusions semblables..

Et nombre de plus en plus élevé de pays sont en train de mettre en place des expériences de revenu universel [2].