Au fil des jours

Chronique
Publication : mai 2003
Mise en ligne : 7 janvier 2006

UMP

Alors que la guerre en Irak monopolise l’attention de la population, le gouvernement Raffarin poursuit obstinément son travail de “libéralisation” de la société : recherche, retraites, sécurité sociale,... tout y passe. L’Union pour le Massacre du Progrès (UMP) est en pleine action :

La recherche

Il y a quelques mois [1], j’avais dénoncé la campagne de calomnie entreprise par certains médias et notamment par la revue La Recherche, sous la plume de son directeur : coût exorbitant de notre recherche publique, bureaucratie, statut des personnels... et baisse du nombre des brevets pris par la France. Je pense avoir alors démonté la plupart de ces assertions, couramment reprises par le gouvernement pour discréditer la recherche publique. En ce qui concerne la baisse du nombre des brevets, je me bornerai à citer H.Audier, Directeur de recherche, membre du conseil d’administration du CNRS et ancien membre du Conseil supérieur de la recherche et de la technologie : « il y a erreur d’adresse : dans tous les pays, pour 90% ou plus, c’est le secteur privé qui produit les brevets. L’insuffisance de l’investissement du privé dans la recherche sur ses fonds propres, un système bancaire qui a horreur du risque et qui préfère spéculer, la frilosité du capital-risque, un nombre infime des cadres dirigeants de nos grands groupes ayant une formation par la recherche, sont des raisons autrement significatives. Le petit CNRS (7% des dépenses totales de recherche !) et a fortiori, les organismes plus modestes ou les universités, ne peuvent à eux seuls compenser ces carences et ces retards. » [2]

Aujourd’hui, sous couvert de réduction du déficit budgétaire, et reprenant ces arguments, le gouvernement vient de diminuer de 30% les crédits des organismes de recherche par rapport aux crédits initiaux de 2002. Qui plus est, si le “gel” actuel des crédits de 2003 se transformait en suppression, comme c’est très probable, la baisse totale pour cette année serait de l’ordre de 50% ! Devant les réactions soulevées par ces mesures, Claudie Haigneré, que l’on a connue plus courageuse comme cosmonaute que comme ministre, a annoncé le dégel de 160 millions d’euros de crédits. Une broutille par rapport aux besoins ! « Emplois de chercheurs, pas chercheurs d’emplois », « Recherche en péril, docteurs en exil », « Formés grâce à vos impôts, embauchés aux États-Unis », tels étaient les slogans inscrits sur les pancartes du millier de doctorants, chercheurs, techniciens qui manifestaient le 10 avril sur le parvis du Panthéon autour d’un cercueil de bois clair symbolisant la recherche défunte. Dans leur brièveté, ces slogans révèlent les graves problèmes que connaît la recherche française. « Le plus douloureux humainement, le plus lourd de conséquences pour l’avenir est celui des jeunes scientifiques [...] Ce n’est pas étonnant, car la thèse n’est souvent pas reconnue dans les entreprises et les carrières universitaires et de recherche sont peu attractives [2] ». Les mesures qu’avait prises le précédent gouvernement pour améliorer ces carrières [3] ont été purement et simplement annulées et en 2003, le secteur public recrutera 1.000 docteurs de moins que l’an passé alors que l’emploi dans le secteur privé continue à baisser. « Quel gâchis d’envoyer au chômage ou... faire leur carrière aux États-Unis des milliers de jeunes scientifiques brillants, formés et indispensables au pays, dont nous disposons... ! [2] » Dans le même temps, on s’extasie sur la puissance économique, politique et militaire des États-Unis en ayant l’air d’ignorer qu’elle est due avant tout à la relance par l’État de la recherche dans tous les domaines. À la différence des Français, les Américains ont compris depuis très longtemps que la recherche était un investissement prodigieusement rentable : « avec un enseignement primaire et un secondaire en moyenne très médiocres, les États-Unis compensent en drainant au niveau des universités, surtout après la thèse, d’excellents scientifiques du monde entier, qu’ils incorporent ensuite à leur système économique, sans avoir eu à débourser le moindre sou pour les vingt années de formation précédant la thèse » [2]. Apparemment le gouvernement de M. Raffarin n’a pas encore compris ça !

Retraites et sécurité sociale

Nous avons plusieurs fois abordé le problème des retraites [4] dans la Grande Relève. J’y reviens une fois encore parce que je suis scandalisé par les méthodes staliniennes d’intoxication utilisées par le Gouvernement pour faire passer son projet de destruction massive avec la complicité totale des médias qui reprennent tous en chœur l’argument de la nécessaire équité entre les divers régimes, en oubliant de rappeler que c’est Balladur qui en 1993 l’a rompue en portant à 40 ans la durée de cotisation des salariés du privé et en changeant à leur détriment le mode de calcul du montant de leurs retraites. En fait, le problème des retraites est un choix de société : il s’agit uniquement du partage des gains de productivité, comme nous l’avons déjà expliqué. En ce qui concerne l’assurance maladie, l’attaque est prévue pour l’automne. Là aussi, il s’agit avant tout de confier à des sociétés privées la gestion de la santé [5]. C’est cette fois l’Union pour le Massacre du Public (UMP) qui est en pleine action.


[1La Grande Relève, n° 1027, décembre 2002.

[2Henri Audier, « Il faut sauver notre recherche scientifique », Le Monde, 08/04/2003.

[3Un doctorant (5 ou 6 ans d’études, au moins, après le bacc.) gagne le smic ; un chercheur recruté, après un concours difficile, dans la recherche publique ou l’enseignement supérieur (après 5 ans en moyenne d’études post- doctorales) touche en début de carrière un salaire de 1.800 euros.

[4La Grande Relève numéros : 989, juin 1999 ; 1008, mars 2001 ; 1017, janvier 2002 ; 1022, juin 2002 ; 1026, nov. 2002 ; 1028, janvier 2003.

[5La Grande Relève, n° 1017, janvier 2002.