Au fil des jours
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Publication : janvier 2017
Mise en ligne : 6 mars 2017
Quelques chiffres
Tout au long de sa campagne électorale, Donald Trump a violemment dénoncé le pouvoir de la finance… Et maintenant, pour former son équipe ministérielle, ce milliardaire vient de choisir (entre autres, A. Scaramucci pour son équipe de transition, S.Mnuchin comme secrétaire au Trésor) des hommes de Goldman Sachs, de cette banque symbole de la puissance de Wall-Street, de cet « empire sur lequel le soleil ne se couche jamais » [1]. Les États-Unis vont donc être gouvernés par des responsables de la banque qui a ruiné des millions d’Américains en leur vendant des “produits toxiques”…
Et depuis l’élection du 8 novembre, l’action de Goldman Sachs a bondi de 32%… ce qui a arrondi de 140 millions de dollars le portefeuille de Lloyd Blankstein, son actuel patron, et de 52 millions celui de son actuel N°2, Gary Cohn… qui va diriger le Conseil économique national des États-Unis d’Amérique.
Les 17 personnes choisies jusqu’ici par Trump pour son gouvernement totalisent à elles seules une fortune de 9,5 milliards de dollars, soit plus que le patrimoine total d’un tiers des foyers américains [2].
Et ce n’est sans doute qu’un début, car deux jours avant Noël, l’indice Dow Jones, qui a gagné quelque 9% depuis l’élection, atteignait presque les 20.000 points, un seuil psychologique qui constitue un record absolu.
Plus fort encore, l’indice S&P 500, cet indice composé des 500 plus grandes sociétés cotées (le Dow Jones n’en compte que trente), a engrangé la bagatelle de 500 milliards de dollars de capitalisation supplémentaire, ce qui lui fait dépasser, pour la première fois, les 20.000 milliards de dollars de valorisation.
Et Trump n’a pas encore commencé la dérégulation des marchés financiers !
Quoi qu’il en soit, ce n’est pas Hilary Clinton qui aurait ramené les banques à la raison, pas plus que ne l’ont fait, en leur temps, ni Bill Clinton, ni George W. Bush… ni Barack Obama !
Adieu au bonheur collectif ?
Bernard Esambert, ingénieur et financier, qui occupa divers postes au ministère français de l’industrie dans les années 60-70, préside aujourd’hui la Fondation G. Pompidou. Il s’extasie sur l’état d’esprit de la France pompidolienne, bien différent de celui de la France actuelle. « Aujourd’hui, explique-t-il, l’esprit grognon des Français vient de leur insatisfaction face à la situation de leur pays, désormais moyen en tout… dans le meilleur des cas. Mais c’est le sentiment d’inégalité croissante qui en est le principal responsable. Il y avait en effet au début des années 1970 une certaine homogénéité dans leur niveau de vie : l’écart entre le smic et le salaire des grands patrons était de l’ordre de 1 à 12, puis, dix ans plus tard, de 1 à 25. Aujourd’hui, il est en moyenne de 1 à 240. Une société ne peut pas être satisfaite avec de tels écarts » [3].
Ajoutons que Pompidou disait que « Si la France atteignait le nombre des 500.000 chômeurs, ce serait la révolution »…
Il est vrai que l’on bénéficiait encore de l’effet des “Trente Glorieuses” d’après guerre et que plein emploi ne signifiait pas, comme aujourd’hui, précarité !
Selon que vous serez puissant ou misérable…
On sait que Mme Lagarde, directrice actuelle du Fonds Monétaire International et ancienne ministre des finances du gouvernement Fillon, sous la houlette de Sarkozy, comparaissait devant la Cour de Justice de la République (CJR) pour « négligence » dans l’arbitrage rendu en 2008 en faveur de Bernard Tapie dans le procès qui l’opposait au Crédit Lyonnais et qui a permis aux époux Tapie de recevoir une indemnité de 45 millions d’euros.
Bien qu’ayant confirmé que Mme Lagarde avait fait preuve de négligence, le CJR a jugé bon de la « dispenser de peine en raison de sa personnalité ». Comble de l’outrecuidance, Christine Lagarde, faisant preuve d’un profond mépris pour le CJR, n’a pas jugé bon d’attendre l’énoncé du verdict avant de reprendre l’avion pour Washington. Et le conseil d’administration du FMI n’a pas manqué d’assurer sa « pleine confiance » à sa directrice générale !
Dans le même ordre d’idées, la Commission de Bruxelles a annoncé le 21 décembre que Mme Neelie Kroes, ancienne Commissaire à la concurrence, puis à la société numérique, avait violé les règles en cachant que durant son mandat européen elle était administratrice d’une société off-shore aux Bahamas. Reconnue coupable, elle ne sera cependant pas sanctionnée, bien que certains parlementaires européens aient évoqué une collusion « dramatique » entre des responsables européens et le monde des affaires.
Ce qui n’est guère étonnant quand on connaît le poids des lobbies dans les affaires européennes.
Deux poids, deux mesures : quand on est coupable, il vaut mieux être ministre ou commissaire européen que petit voleur à la tire !
[1] Marc Roche, La Banque, éd.Albin Michel, 2010.
[2] Sylvie Kaufmann, Le Monde, 18-19/12/2016.
[3] Christian Roubaut, M le magasine du Monde, 24/12/2016.