Au fil des jours
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Publication : décembre 2016
Mise en ligne : 2 mars 2017
Un exemple à suivre
La justice islandaise a condamné à des peines de prison ferme une quarantaine de financiers qui avaient spéculé lors de la crise bancaire de 2008 et mis l’économie du pays à terre [1]. Les procès continuent et deux dirigeants de l’ex banque Glitnir (une des trois principales banque du pays avant la crise) viennent d’être condamnés le 4 novembre à 12 et 24 mois de prison. Un procureur recruté spécialement pour enquêter sur les banquiers mène encore des investigations sur cinq dossiers. Il devrait avoir terminé avant la fin de l’année mais il faudra encore attendre quelque temps avant que les jugements soient rendus. Il y a fort à parier qu’ils subiront le même sort que leurs collègues déjà jugés. Quoi qu’il en soit, ces emprisonnements d’anciennes stars déchues de la finance sont un cas unique au monde car, malgré leurs dénégations et leurs protestations (= « C’est sûr qu’on aurait dû gérer la banque autrement mais il y a une grande différence entre dire qu’on a fait des bêtises et dire qu’on a agit illégalement, explique l’un d’entre eux condamné à quatre ans de prison… Ce qui nous a été infligé est horrible, la justice islandaise pratique une forme de harcèlement à l’égard des banquiers, renchérit un autre »), ils bénéficient de conditions de détention exceptionnelles dans un cadre magnifique, au pied d’un des plus beaux volcans d’Islande : chambres individuelles avec ordinateurs et télévision, salle de sport, salle de billard, bibliothèque, autorisation pour leur famille de passer des journées entières avec eux si elles le souhaitent et possibilité de faire leurs courses une fois par semaine au supermarché du village voisin. Évidemment ça les change des habitudes d’opulence qu’ils connaissaient à Londres, Lausanne ou Luxembourg… Peut-être le monde deviendrait-il plus respirable si tous les pays traitaient les as déchus de la finance comme en Islande !
La racine du mal
Dans les deux enquêtes internationales qui viennent d’être publiées, l’une de TIMSS [2] , sur le niveau des élèves en mathématiques et en sciences, par l’Association Internationale pour l’évaluation de l’enseignement et l’autre par l’OCDE, sur les performances des systèmes scolaires des 72 États membres, la France est plutôt mal placée, avec des notes en dessous de la moyenne internationale. « Les résultats sont mauvais : les élèves français sont en grand nombre peu performants. Par rapport aux pays de l’Union européenne, la France est relativement en retard » reconnaît-on au ministère de Mme Najat Vallaud-Belkacem. Et pourtant, c’est en France que les élèves ont le plus d’heures de maths ! Mais « lorsqu’ils arrivent dans l’enseignement supérieur, ils ne savent pas ce que sont les mathématiques, ils ont juste appris des recettes de cuisine pour passer le bac… Ils ne savent plus ce qu’est une démonstration mathématique. On leur apprend juste à aligner des calculs stéréotypés » disent les professeurs de mathématiques [3]. Qui plus est, ces études révèlent que l’école française est l’une des plus inégalitaires du monde.
Mais, outre les traditions et les programmes, peut-être faudrait-il aussi chercher un peu plus loin…
C’est ce que font nos amis espagnols. Ils n’ont pas peur de dénoncer les “icones” européennes dans un forum-débat autour d’un livre Nos quieren mas tontos dont les deux auteurs [4], qui appartiennent au monde de l’éducation, posent des questions toutes simples : pourquoi l’enseignement va-t-il aussi mal ? Pourquoi nous répète-t-on que le savoir importe peu, que ce qui est important c’est le “savoir-faire“ alors que nous ne pouvons pas comprendre la réalité quotidienne si nous ne “savons pas”.
Est-ce voulu ? — Bien évidemment, même si tout le monde n’en est pas conscient, car toute politique éducative est un projet de société. Pour les auteurs, dans la plus grande partie du monde et plus particulièrement en Occident, s’est imposée une formation dans laquelle la connaissance a été reléguée derrière ce que l’on appelle “les compétences”, un modèle éducatif conçu pour satisfaire aux besoins des entreprises, modèle dans lequel, selon les termes de Jacques Delors, le “savoir-faire” doit remplacer le “savoir”. Impulsée par la Banque mondiale, appuyée par le FMI et l’OMC, cette politique prétend créer une “société de la connaissance”… sans la connaissance, soumise au marché qui en détermine en fait les contenus et les outils.
La déclaration de Namur
Après s’être illustré dans le combat contre le CETA (l’accord de libre échange Canada-UE, voir GR 1180), le Parlement Wallon vient de se lancer dans un examen minutieux d’un texte sur le commerce entre le Vietnam et l’UE. Il s’agit d’un projet dont le but est d’éliminer presque toutes les barrières douanières entre les participants. (En fait l’UE importe beaucoup plus du Vietnam qu’elle n’y exporte). Le ministre président de la Wallonie, M. Magnette, qui poursuit son combat contre les accords commerciaux tels que les négocient les technocrates bruxellois, vient de présenter le 5 décembre la “Déclaration de Namur” [5]. C’est un texte, signé par une quarantaine d’universitaires nord-américains et européens, qui demande à la Commission européenne de ne plus considérer que « le commerce est une fin en soi. [Mais] qu’il n’est utile que s’il sert le développement durable, la réduction de la pauvreté et des inégalités et la lutte contre le réchauffement climatique ».
Voilà qui pourrait constituer un changement notable par rapport à la culture du secret et du lobbying bruxellois !
[1] Le Magasine du Monde, 03/12/2016.
[2] TIMSS = Tendances Internationales en Mathématiques et en Sciences
[3] Le Monde, 30/11/2011.
[4] Pilar Carrera et Eduardo Luque, Ils veulent faire de nous des idiots, http://www.elviejotopo.com
[5] Le Monde, Eco et Entreprise, 09/12/2016.