Le carnaval des animaux
par
Publication : juillet 2016
Mise en ligne : 10 décembre 2016
Le 14ème cycle des négociations du traité de libre échange entre l’UE et les États-Unis, désigné par différents sigles (TTIP, TAFTA, …) et que nous avons dénoncé à maintes reprises (voir GR 1150, GR 1158, GR 1163, …) a commencé à Bruxelles ce lundi 11 juillet.
Grâce à une fuite, les associations ATTAC et AITEC (Association Internationale de Techniciens, Experts et Chercheurs) avaient réussi à obtenir un document daté du 23 juin 2016, comportant le texte du chapitre Énergie et matières premières qui doit y être proposé aux négociateurs. Elles, elles l’ont publié.
Les précisions contenues dans ce document ont permis de constater que l’UE cherche toujours à encourager le commerce des énergies fossiles, donc à en inciter l’extraction. Outre qu’il renforcerait la dépendance de l’économie européenne à leur importation, ce traité y priverait les pouvoirs publics de tous les leviers qui permettent de contrôler la protection du climat et de l’environnement, de soutenir le développement des énergies renouvelables et de mener une politique efficace de sobriété énergétique. De plus, l’autre objectif principal exprimé par la Commission européenne dans ce texte est de « créer un précédent » en déterminant pour l’avenir les normes à suivre à l’échelle mondiale. La poursuite de ces négociations confirme donc, encore une fois et comme nous l’avons bien dénoncé, la primauté du “business” sur l’urgence climatique, en pleine contradiction avec les engagements de l’accord de Paris, signé à l’issue de la COP 21.
La “société civile”, tentant de réagir, a lancé contre ces traités une vague d’actions dénommée TTIP Game over ! (= “TTIP : le jeu est fini !”) dont les manifestations sont très diverses (voir photo ci-dessous), auxquelles les grands média ne font en général, nul écho.
La veille de la reprise des négociations, le dimanche 10 juillet, avait lieu la finale de l’euro de foot. La place De Broukère, à Bruxelles, était dominée par un grand écran portant haut et loin la publicité de Coca-Cola… dont le logo a subitement disparu, remplacé par ce message : No more negociations, no more free trade deals, it is time for action (= plus de négociations, plus d’accords de libre échange, il est temps d’agir »). Un groupe des TTIP game over ! dénommé “écran de fumée”, avait réussi la substitution. Selon l’un de ces participants : « cette action vise également à pointer du doigt les grandes publicités qui polluent notre espace public et qui sont de plus en plus présentes sans que le citoyen puisse choisir de ne pas les voir ; elles constituent une intrusion de plus des multinationales dans l’espace public. »
Bien que tout ait été fait pour que leur lieu de réunion soit tenu secret, les négociateurs qui se tenaient à huis clos ce 11 juillet au centre A. Borschette à Bruxelles ont eu la surprise de voir leur périmètre de sécurité envahi par des crocodiles et plusieurs dizaines d’autres animaux, armés de légumes qui dansaient au rythme de la musique du classique Carnaval des animaux ! Les activistes de EZLN voulaient, par ce happening symbolique et humoristique, incarner « la nature qui se défend », comme ils l’avaient déjà fait plus tôt dans un des bâtiments de la Direction Générale de la Commission Européenne.
Voici la déclaration de la sous-commandante Pingouin : « Nous étions prêts à nous faire arrêter aujourd’hui car nous savons à quel point ils veulent préserver le secret sur ces négociations et à quel point ils sont déterminés à faire passer la TTIP de manière anti-démocratique. Les responsables politiques sur ce dossier font semblant de ne pas voir l’opposition citoyenne à ce traité, ils ignorent les pétitions et les manifestations... Nous n’avons plus d’autres moyens aujourd’hui que de mener ce genre d’actions afin qu’ils interrompent les négociations et qu’ils enterrent ce projet liberticide et écocide. »
Qui a prononcé ces paroles, le 25 avril 2016, à la conférence environnementale :
« La France sera également très vigilante […] pour que les négociations internationales futures, les accords commerciaux, ne remettent pas en cause, de manière subreptice, les avancées qui ont été décidées lors de la COP21 […]
Je ne vois pas comment […] la France pourrait signer des traités commerciaux si les chapitres relatifs au développement durable ne sont pas contraignants. »