Christiane nous a quittés…
Publication : février 2015
Mise en ligne : 22 avril 2015
Notre “équipe”, celle des rédacteurs habituels de La Grande Relève, est profondément attristée. La mort de Christiane Duc-Juveneton nous prive d’une amie dont le dynamisme, le courage, l’ouverture d’esprit, la joie de vivre mais avec le souci des autres, étaient pour nous un formidable stimulant.
Nous avons fait sa connaissance à Digne les Bains, à l’issue d’une conférence que la Ligue des Droits de l’Homme m’avait invitée à faire en mars 2010 (voir GR 1110). Christiane était venue d’Aix-en-Provence pour y assister, et elle s’était jointe ensuite aux quelques personnes qui avaient proposé d’aller “prendre un pot” ensemble pour faire connaissance. Elle avait alors manifesté son enthousiasme pour nos propositions d’économie distributive. Le courant avait si bien passé entre nous qu’elle a tenu à ce que je sois invitée, en juin 2011, à intervenir au Sixième Printemps de l’Université Populaire d’Aix-en Provence. Elle m’a alors reçue chez elle et nous sommes devenues amies, nous rencontrant le plus souvent possible. Elle avait à cœur de joindre ses efforts aux nôtres et nos lecteurs se souviennent des articles que cette psychiatre fort cultivée a offerts à notre mensuel. Elle s’arrangeait pour que ses voyages vers la région parisienne, qu’elle faisait surtout pour voir grandir Ismaël, son petit-fils, lui permettent de participer à nos réunions de préparation du journal. Si ce n’était pas possible, elle était quand même avec nous par internet (par l’intermédiaire du logiciel Skype). Et si les discussions avaient tendance à s’égarer, elle savait rappeler qu’il ne suffit pas de dénoncer ce qui ne va pas, qu’il faut être positif, expliquer les propositions réalistes de l’économie distributive, cette économie de partage et de convivialité dont elle était devenue une ardente militante.
C’est avec joie qu’elle est venue, en décembre dernier, partager le repas (type “auberge espagnole”) de La Grande Relève. Et c’est avec le même bonheur de vivre qu’elle a commencé l’année 2015 avec nos amis, dans le Tarn. Elle leur avait confié combien elle était heureuse à la perspective de participer au spectacle Une autre danse, du théâtre Bois de l’Aune : elle allait dire sur scène un texte qu’elle avait rédigé pour témoigner de sa propre évolution au cours de la vie.
Mais au cours d’une répétition elle s’est effondrée. Elle n’a pas survécu à un troisième accident vasculaire cérébral (AVC).
Voici ce texte, témoignage de la beauté de ses sentiments, d’autant plus émouvant quand on sait qu’elle avait vécu plus de trente ans, donc près de la moitié de sa vie, sérieusement handicapée à la suite d’un premier AVC :
MERCIJ’étais étroite, je me suis élargie. Christiane Duc-Juveneton |
Elle venait de rédiger, sur son ordinateur, cet autre texte destiné à son petit-fils :
Nuages
Au fil de l’air, au fil de l’eau. Rêverie Infinie.
Voyage. Où ? Quand ? Viens avec moi petit bonhomme !
Tu aimes les trains se faufilant dans nos campagnes,
Mais aujourd’hui, nous partons en bateau.
Au fil de l’air, au fil de l’eau.
Regarde cette rive. Regarde celle d’en face.
Gens d’ici et gens d’ailleurs, c’est notre monde...
Tu aimes la nuit. J’aime le soleil.
Tu aimes la nuit. Les hiboux, les brigands.
Petit bonhomme veut rejoindre notre ami Pierrot
En sa demeure la lune.
Mais reste avec moi !
Au fil de l’air, au fil de l’eau.
Nous allons en terre d’Ismaël. Terre vibrante, terre de feu ...
Terre de toutes les chaleurs. De tous les soleils.
Plus loin, bien plus loin. Le Nord. Glacial, blanc, brillant.
Au fil de l’air. Au fil des étoiles. De glace.
Petit bonhomme va aimer la lumière et j’aime dėjà la nuit.
Viens dans mes bras, Petit bonhomme !
Les clochettes tintinnabulent. Nous sommes loin déjà,
Shandernagor, Tananarive…
Au fil de l’air, au fil de l’eau.
Je t’aime. Amour. Tendresse. Caresse
Âge tendre. Âge mur
Au fil de l’air, au fil de l’eau.
Tu te souviendras de notre voyage. Petit Ismaël ...
Ismaël va avoir 3 ans, il ne se souviendra peut-être pas de sa grand’mère, mais nous, nous n’oublierons pas la leçon de vie qu’elle nous a si généreusement laissée…