L’heure du choix a sonné
par
Publication : novembre 2014
Mise en ligne : 30 janvier 2015
– Partie I. L’homme et la nature, une sombre histoire de famille - GR 1155
– Partie II. Avec la nature, pourquoi et comment - GR 1156
Le réchauffement de la planète, dont les conséquences catastrophiques sont prévisibles, met l’humanité face à un choix décisif pour assurer sa survie. Elle ne peut plus se croire tout permis dans son exploitation de la nature, François CHATEL le rappelait dans La Grande Relève de juillet (1155), elle doit agir avec elle au lieu de la considérer comme sa propriété (GR 1156).
De trois voies envisageables, il examine celle du développement durable.
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À noter : Cet article, abrégé dans notre édition papier, est donné ici dans sa totalité :
Quel que soit le scénario choisi et appliqué par l’Homme [*], la planète va connaître un réchauffement minimum de 2°C pendant ce siècle, avec les conséquences imprévisibles de ce bouleversement en toutes régions sur la faune, la flore, le climat, l’agriculture, l’économie, la santé, etc…Ce message envoyé par la Nature, traduit par le GIEC, avertit l’Homme de son manque de connaissance et de considération envers l’environnement terrestre. Ainsi, l’Homme se trouve confronté à une prise de décision à laquelle il ne peut échapper puisque son destin et celui de la Nature sont entre ses mains. Les deux articles sur le même sujet qui précèdent celui-ci [1] font état de trois choix, trois voies possibles. Le Développement Durable en est une qui semble connaître des difficultés à se mettre en place et à trouver les moyens pour atteindre ses objectifs. Essayons d’y voir un peu plus clair.
En 1971, le Club de Rome lance l’alerte de la surexploitation des ressources naturelles en publiant "Halte à la croissance" et prône la croissance zéro. Le développement économique est alors présenté comme incompatible avec la protection de la Nature. Il prédit que "la croissance matérielle perpétuelle conduira tôt ou tard à un "effondrement" du monde qui nous entoure avant 2100, même en étant très optimiste sur les capacités technologiques à venir, l’aptitude à recycler ou à économiser les matières premières que nous consommons, le contrôle de la pollution, ou encore le niveau des ressources naturelles" [2]. Depuis, la "pollution" globale due aux gaz à effet de serre évolue de manière exponentielle, parallèlement à la production agricole (pour le méthane) ou industrielle (pour le CO2), exactement comme la variable "pollution" dans le modèle du rapport Meadows.
Dès 1980, l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) parle pour la première fois de développement durable qui dans le rapport de Gro Harlem Brundtland, "Notre Avenir à tous", publié en 1987, est défini par "un développement qui répond au besoin du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs".
Il consiste en une réforme ambitieuse afin de freiner puis contenir les dégradations environnementales tout en garantissant la bonne marche du système économique capitaliste jugé irremplaçable.
Ainsi, pour la France, après les lois issues du Grenelle de l’environnement entre 2007 et 2010, Ségolène Royal a présenté au Conseil des ministres du 30 juillet dernier, le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte [3]. De manière similaire, l’ensemble des gouvernements des pays occidentaux, proposent de tels projets.
La "croissance verte", d’après ses mentors, vise à engager les pays occidentaux dans la voie d’une croissance créatrice de richesses, d’emplois durables et de progrès, qui lutte contre le réchauffement climatique, protège la biosphère et réduit la facture énergétique. Le décor est planté.
L’objectif défini s’entend donc comme la poursuite d’une croissance infinie durable surtout destinée à insuffler de l’air frais au capitalisme. Cette position est celle des investisseurs, des industriels, de la plupart des politiques et des économistes libéraux.
La difficulté de la voie envisagée revient alors à lier l’impératif occidentaliste du "développement", entendu comme développement économique [4], avec celui du "durable" qui sous-entend de trouver les solutions aux problèmes de la dégradation de la Nature et du climat, auxquels s’ajoute celui de la réduction des ressources principales qui assurent la production d’énergies dont dépend l’ensemble des activités humaines : production, utilisation, services, recyclage, etc…
Afin de mondialiser les préoccupations environnementales et ce grand projet de Développement Durable, la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (La CCNUCC) a mis en place des négociations internationales sur le climat. Chaque Conférence des Parties (COP), se réunit tous les ans pour décider des mesures à mettre en œuvre.
Depuis 1992, année du Sommet de la Terre à Rio (Brésil), ces conférences n’ont donné que peu de résultats. La COP 21 qui aura lieu à Paris en 2015 doit mettre en place des engagements contraignants pour tous les pays. Sera-t-elle la conférence de la dernière chance ?
Les Etats-Unis, à Copenhague, ont pris l’engagement de réduire leurs émissions de CO2 de 17 % d’ici 2020 par rapport à celles de 2005. L’Union Européenne s’est fixée l’objectif d’une réduction de 20 à 30 % des émissions de GES d’ici 2020 par rapport à 1990. L’objectif de 30% ne sera établi uniquement si les autres pays développés s’engagent sur les mêmes objectifs.
Les pays émergents ne veulent pas fixer des objectifs de réduction d’émissions de GES pour ne pas empêcher leur développement économique et industriel. Ils parlent alors de réduction de leur intensité carbone (quantité de CO2 émis par unité de produit intérieur brut (PIB)) d’ici 2020.
Selon les experts, ces objectifs ne seraient pas assez contraignants pour limiter l’augmentation de la température moyenne à 2°C. [5]
Le taux de croissance du développement économique de type occidental est mesuré par le PIB (produit intérieur brut) qui reflète l’activité économique interne d’un pays et sa variation d’une période à l’autre. Pour Dominique Méda [6], le PIB présente l’énorme défaut de ne pas tenir compte que la production économique consomme en partie le capital naturel et produit des dégradations au patrimoine naturel. Le PIB a néanmoins été sélectionné par l’Insee parmi les onze indicateurs de développement durable. La partialité d’un tel choix montre combien la préservation d’une économie de type capitaliste est prépondérante sur à la fois la préservation de la Nature et sur le bien-être des peuples auquel la mesure du PIB ne correspond pas.
Georges Bush (senior) a prévenu : "Notre niveau de vie n’est pas négociable". Dans la même veine, à Kyoto, Clinton déclarait sans prendre de gants :"Je ne signerai rien qui puisse nuire à notre économie". Les déclarations des élus politiques et des économistes de la civilisation occidentale mondialisée font écho à celles des chefs d’Etat étatsuniens, en réclamant la croissance économique dont nous savons que dans la société productiviste elle se traduit par la poursuite de l’exploitation et de la destruction de la Nature. Pourtant, est-ce bien raisonnable ?
En tout cas, la plupart des économistes maintiennent qu’il n’existe pas de limites pratiques à la croissance. Elle ne peut être que perpétuelle, possible, nécessaire et inévitable. Ils récusent le fait que les contraintes en termes de ressources constituent au bout du compte un plafond à la production et à la consommation.
Transition énergétique
Environ 85% de notre énergie actuelle provient de trois sources primaires : le pétrole, le gaz naturel et le charbon, qui sont non renouvelables et producteurs de gaz carbonique, principal gaz à effet de serre. Il faut réduire leur utilisation. Conjointement, leur disponibilité va commencer à décroître dans les prochaines années et décennies, au risque d’engendrer de sévères pénuries. Ainsi, la transition énergétique enfantée par le développement durable affiche le défi des prochaines années de remplacer les énergies issues des ressources fossiles tout en assurant la croissance économique et l’augmentation de la population mondiale.
Cependant, malgré la hausse des prix, les marchés ne réagissent pas comme il serait souhaitable et la demande demeure importante de la part des pays en développement. "Pour preuve, entre 1997 et 2013, la consommation de pétrole est passée de 72,2 à 91,3 millions de barils par jour". [7]
En effet, les réserves de pétrole sont estimées, compte tenu du niveau de production actuel, durer encore une cinquantaine d’années. Le gaz sera disponible une décennie supplémentaire. Le charbon, un peu plus mais dépassera à peine le début du siècle prochain. Certaines théories économiques précisent qu’en raison de l’élévation des prix de ces ressources, certaines réserves dont l’exploitation s’avère aujourd’hui non rentable, sables bitumineux, bitumes divers, gaz de schistes, gisements de grandes profondeurs pourraient alors s’en trouver accessibles. "Aux Etats-Unis, ils se sont rendus compte que la production d’énergie était déterminante pour l’économie, ils ont vus les conséquences de la hausse du prix du pétrole et ont investi dans le gaz de schiste. Je ne dis pas que c’est une bonne idée, non seulement le gaz de schiste est désastreux pour l’environnement mais en plus les gisements ne sont pas si prometteurs qu’on a voulu le faire croire et l’exploitation sera très limitée." [8]
Il existe bien le procédé Fischer-Tropsch pour fabriquer du pétrole brut de synthèse à partir de charbon ou de gaz. Par contre, il présente le désavantage d’un bilan CO2 très lourd et son rendement énergétique global demeure un point faible." [9]
Pour calculer la rentabilité financière, il est possible d’utiliser l’EROI (Energy Return On Energy invested), qui est le ratio de l’énergie utilisable rapportée à la quantité d’énergie dépensée pour l’obtenir. Ce moyen montre que les sources d’énergies renouvelables ne favorisent pas le remplacement du pétrole dans l’immédiat dans un but d’amélioration de l’efficacité énergétique.
Quant aux domaines où la technologie avance le plus vite, tels que l’informatique ou les biotechnologies, ils n’ont pas engendré à ce jour d’amélioration sensible de l’efficacité énergétique globale de l’économie [10].
Les énergies considérées comme renouvelables
Parmi celles dont la mise en œuvre peut être rapide :
L’éolien est trop intermittent pour être utilisable pour l’industrie. "Comme en outre stocker des quantités massives d’électricité n’est pas possible aujourd’hui, recourir à l’éolien "autant que possible" signifie, en pratique (et c’est bien comme cela que procède les pays très engagés) :
- que les éoliennes sont reliées au réseau, et fournissent de l’électricité quand il y a du vent,
- que, nécessairement, une autre forme de production d’électricité est utilisée les jours sans vent.
Les chiffres montrent par ailleurs que les pays qui ont investi massivement dans l’éolien, comme le Danemark, n’ont pas beaucoup changé la structure de leur approvisionnement énergétique, ni leurs émissions de gaz à effet de serre. L’engouement auquel nous assistons actuellement pour l’éolien n’est donc pas fondé pour des ordres de grandeur en rapport avec le problème". [11]
Le bois : sous diverses formes (granulés, sciure ou copeaux, bûches), cette ressource n’est renouvelable et neutre en CO2 que si son exploitation est organisée, la quantité de bois utilisée étant compensée par la même quantité produite. "Il se trouve que, dès à présent, avec "juste" 10% de l’énergie mondiale, l’utilisation du bois est déjà une source de déforestation significative (10% à 20% du bois consommé dans le monde provient déjà de la déforestation)" [12].
"54,5% environ des objectifs en matière d’énergies renouvelables pour 2020 (électricité, chauffage et carburant destiné au transport) proviennent de la filière de la bioénergie, dans laquelle la biomasse forestière jouera un rôle déterminant. [13] "Ceci signifie une augmentation probable de la consommation de bois aux fins de production d’énergie, de 346 millions de m³ en 2010 à 573 millions de m³ en 2020 pour atteindre 752 millions de m³ en 2030". [14]
Le biogaz : il peut être produit par fermentation de déchets organiques (boues de stations d’épuration, déchets d’ordures ménagères, effluents d’élevage…). Cette source d’énergie est neutre en ce qui concerne le rejet de CO2 préalablement capté par les végétaux. Il permet d’économiser des ressources fossiles, mais surtout d’éviter le rejet de méthane dans l’atmosphère, gaz ayant un effet de serre 23 fois plus élevé que le CO2. Cependant, malgré des utilisations pour le chauffage et la production d’électricité et un projet pour les transports, cette source d’énergie reste un appoint intéressant mais insuffisant.
"Les biocarburants posent un gros problème, si on cultive de plus en plus pour alimenter les réservoirs des voitures et les cuves de fioul, on crée une telle demande de produits agricoles que les prix alimentaires explosent". [8]
L’énergie solaire photovoltaïque : propre, potentiellement illimitée, connaît un coût d’investissement initial actuellement prohibitif. Son mode d’utilisation est à rapprocher de celui de l’éolien.
La géothermie : cette technique exploite la chaleur du sol, dont la température augmente avec la profondeur. Certains sites présentent un profil de température plus avantageux, avec une température plus élevée à proximité de la surface, rendant la géothermie financièrement réalisable. L’Islande est le pays le plus prometteur. Dans l’avenir, l’utilisation du magma terrestre pourrait se montrer avantageux pour l’exploitation de vapeur à haute température utilisée pour faire tourner des turbines. Une vingtaine de puits produiraient en électricité l’équivalent d’une centrale thermique [15] . En France, ces sites ont fait l’objet d’un recensement. Cette source d’énergie peut être aussi considérée aujourd’hui comme un appoint intéressant mais insuffisant.
L’hydroélectricité fournit en Europe 10% de cette énergie. L’ensemble des sites répertoriés est déjà construits et en fonctionnement. Ce domaine peut encore connaître une expansion sur des continents en développement sachant, tout de même, qu’il est destructeur de sites et oblige au déplacement de populations.
L’hydrogène n’est pas une source d’énergie, mais plutôt un vecteur : il faut davantage d’énergie, pour en produire une quantité donnée, que cet hydrogène lui-même pourra fournir. De plus, pratiquement tout l’hydrogène produit commercialement aujourd’hui provient du gaz naturel, dont l’extraction connaîtra un pic quelques années seulement après le début du déclin de l’extraction pétrolière.
Il convient de tenir compte que ces énergies renouvelables ne sont utilisables généralement que pour la production de chaleur et d’électricité et ne possèdent pas le pouvoir de remplacer le pétrole dans la production des matières plastiques, des ordinateurs, des produits phytosanitaires comme les pesticides, herbicides et engrais chimiques, comme des bitumes et goudrons, pour certains transports tels l’aérien ou le maritime. "Les renouvelables ne peuvent non plus pas grand chose pour la sidérurgie, qui consomme à elle seule 15% de l’énergie de l’industrie, car cela représente pour l’essentiel du charbon nécessaire à la réduction du minerai de fer… Le fait de ne plus avoir de pétrole ou de gaz naturel comme matière première pour la chimie conduirait à une baisse des productions " [16].
"En ce qui concerne les transports, les biocarburants, l’éolien, l’hydroélectrique et même le nucléaire ne peuvent assurer la mobilité connue actuellement permise par l’utilisation du pétrole" [16]. Pour se chauffer, se laver et ce qui sert au confort de l’habitat, la marge de manœuvre est plus importante avec le bois, le biogaz, le solaire et l’électricité après, néanmoins consentir à des efforts importants dans l’isolation des bâtiments et dans les économies d’énergie domestique.
En conséquence, "l’abondance énergétique prendra fin avec les combustibles fossiles, les renouvelables seules étant totalement incapables de les remplacer au présent niveau, même si elles ont bien entendu leur place dans l’approvisionnement du futur." [16]. Même en les développant au maximum de leur potentiel, elles auraient de la peine à couvrir la demande d’aujourd’hui". [17] Une réduction par 3 ou 4 de notre consommation d’énergie serait souhaitable pour une alimentation énergétique en renouvelables, mais peut-on y penser quand l’idéologie de la croissance est maintenue, quand la démographie connaît elle aussi la croissance ? Et il faudra aussi prendre en compte les dégradations des équilibres éco-systémiques engendrés par le réchauffement climatique.
L’agriculture
Même pour se nourrir, remplacer l’utilisation du pétrole entrainerait une réforme complète de l’agriculture. Productrice de 18% des GES, industrialisée, fortement mécanisée, elle est devenue dépendante des carburants. "L’énergie consommée n’a cessé d’augmenter sans augmentation correspondante des récoltes à cause de la dégradation des sols, de la demande croissante de gestion des "nuisibles" et des coûts pour l’irrigation. L’agriculture intensive moderne n’est pas durable. L’agriculture améliorée technologiquement (OGM par exemple) augmente l’érosion du sol, pollue et surconsomme les eaux souterraines et de surface, et même (essentiellement à cause de l’usage des pesticides) provoque de sérieux problèmes d’environnement et de santé publique. Au niveau mondial, on utilise plus d’engrais azoté par an que la nature ne peut en produire. De même, l’eau est pompée des nappes phréatiques à rythme supérieur à celui qu’elles ne se remplissent. Les stocks de minerais importants comme le phosphore ou le potassium s’approchent rapidement de l’épuisement… La fin de cette décennie pourrait voir des prix de la nourriture se développer sans contrôle. La décennie suivante pourrait voir apparaître des famines à niveau jamais subit par la race humaine…" [18]
La nourriture n’est un problème que si nous conservons le standard actuel de notre mode de vie et ses étalages de supermarché. D’après des études sérieuses [19], une conversion vers l’agriculture biologique permettrait d’obtenir la capacité à nourrir la population mondiale et une orientation plus végétarienne de notre mode d’alimentation apporterait des bénéfices pour la santé et l’environnement.
Des économies d’énergie et de ressources peuvent être réalisées dans ce domaine : ainsi, "selon la FAO (rapport "Global food losses and food waste", de 2011), l’élimination des pertes au cours des différentes étapes, de la ferme à l’assiette, permettrait d’augmenter d’environ 50 % la nourriture disponible à la consommation, sans accroître la surface de cultures". [20]
Le nucléaire
Il s’agit d’un des domaines les plus prometteurs pour palier à la disparition des énergies fossiles et il a l’avantage de produire peu de GES. Par contre, il est le plus controversé en tant que dépendant d’une ressource non-renouvelable, l’uranium, et surtout pour les risques de pollution extrêmement grave qu’il fait courir au monde entier. Ainsi, les accidents médiatisés comme Tchernobyl et Fukushima Daiichi ont freiné le développement de l’énergie nucléaire dans le monde. "Outre son coût, l’industrie nucléaire s’est heurtée successivement à plusieurs problèmes majeurs, dont aucun n’a jusqu’ici trouvé de solution définitive : les passerelles entre le nucléaire civil et militaire, le risque d’accident majeur, l’accumulation de déchets radioactifs à vie longue et la menace terroriste internationale". [21]
Sans oublier les pollutions rejetées en fonctionnement normal et celles engendrées au cours de l’extraction de l’uranium.
Afin de réduire les émissions de CO2 et de palier aux pénuries de ressources fossiles en matière de production d’électricité, "il s’agirait de multiplier d’un facteur 10, voire davantage, la capacité du parc actuel qui compte environ 440 réacteurs (pour, au 18 avril 2014, une puissance installée du parc nucléaire mondial de 372,8 GW) dont un grand nombre se trouve sur des sites à haut risque de catastrophes naturelles ou de bouleversements politiques et dont la moitié environ devraient être construits avant l’avènement de la Génération IV". [22]
La production d’électricité au rythme actuel en exploitant la fission de l’uranium 235 (réacteurs de 1e à 3e générations) avec un coût d’extraction de moins de 130 $/kg de l’uranium est possible durant un peu moins de 100 ans. D’après les prévisions, le marché de l’uranium pourrait commencer à se tendre vers le milieu du siècle. D’où la mobilisation de nombreux pays sur ces réacteurs "surgénérateurs" qui constituent une réponse définitive vis-à-vis de ce risque de pénurie.
Si la technique et surtout la sécurité des réacteurs de 4e génération à Neutrons Rapides parviennent à être maîtrisées, les stocks d’uranium appauvri en uranium 235 provenant des réacteurs de 1e à 3e génération considérés et stockés comme des déchets (Environ 250 000 tonnes d’uranium appauvri actuellement entreposées en France), en combinaison avec les réserves d’uranium naturel, permettront, à partir du siècle prochain, d’envisager une production d’électricité pendant plusieurs millénaires. Ces réacteurs à Neutrons Rapides(RNR) utilisent en effet directement l’isotope U238 dit "fertile", qui est plus de 100 fois plus abondant que l’uranium 235.
Le CEA n’envisage pas le déploiement industriel de cette filière avant 2040, date pour laquelle il est nécessaire de se tenir prêt compte tenu des enjeux énergétiques.
Malgré ces promesses industrielles, le nucléaire reste l’objet de nombreuses critiques et même d’abandons de cette filière par de nombreux pays, refusant de subir l’angoissante menace des risques encourues. La nouvelle génération de réacteurs ne présente pas à ce jour de quoi rassurer. "La possibilité d’explosion nucléaire du cœur d’un surrégénérateur libérant une grande quantité d’énergie sous forme explosive et à la diffusion d’aérosols de plutonium hautement toxiques dans l’atmosphère, a été reconnue explicitement, tant par le C.E.A. français [22], que par la très officielle Commission Royale britannique sur la pollution de l’environnement" [23]. Doit-on poursuivre des idéologies progressistes comme le développement économique, la hausse du PIB par habitant, le consumérisme qui demandent le recours à des ressources énergétiques présentant de tels risques ?
Les déchets
Ils représentent l’envers du décor de la civilisation industrielle et consumériste. En plus de ceux en provenance de la filière nucléaire, dorénavant, ils sont partout, encombrants les océans et les pays émergents. "Le mal qui nous ronge peut sembler "propre" parce que nous expédions notre trop plein d’immondices vers les pays émergents, incapables pour le moment de maîtriser le mode de développement occidental et déjà submergés par leurs propres déchets. [24]
"…les diverses autorités responsables de la lutte contre la pollution s’efforcent de nous insuffler la conviction que le salut dépend d’un perpétuel recyclage de déchets, [mais un bilan gain / dépenses montre que] nous devons utiliser une quantité supplémentaire de basse entropie bien plus considérable que la baisse d’entropie obtenue par ce qui est recyclé." [25]
La croissance verte
Certains experts et auteurs, dont l’un des chefs de file est Jeremy Rifkin, considèrent que le progrès technique va permettre le découplage entre activité économique et besoin d’énergie, nouvelle ère qu’ils intitulent "3ème révolution industrielle" ou "croissance verte" qui conduirait à un nouveau cycle de Kondratiev/ Schumpeter. Il est vrai que les progrès techniques permettent de réduire les dépenses énergétiques : lampes économes, mini-ordinateurs, mini-caméras vidéo, éoliennes et capteurs solaires, matériaux ultra résistants, on ne compte plus les innovations qui permettent de consommer toujours moins de matière et d’énergie pour chaque service rendu. De même, l’automobile a fortement réduit sa consommation de carburant. Mais la conjugaison de la croissance et de l’effet rebond a rapidement anéanti ces économies pour se traduire par un effet opposé. Les baisses d’impacts et de pollution attendues sont systématiquement anéanties.
Cet effet est aussi reconnu dans le rapport du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) : "Partout dans le monde, les processus de production sont devenus plus économes en énergie (...). Cependant, vu l’augmentation des volumes produits, ces progrès sont nettement insuffisants pour réduire les émissions de dioxyde de carbone à l’échelle mondiale" [26].
Les Technologies de l’Information et de la Communication réputées peu dévoreuses d’énergie ont fait naître le grand espoir d’une nouvelle révolution industrielle. En fait, "Les TIC représentent entre 5 et 10% de la consommation mondiale d’électricité, en progression de 6% par an. En France, 14% de la consommation électrique, soit près de 7 réacteurs nucléaires, et 5% des émissions annuelles de gaz à effet de serre. L’arrivée des TIC a représenté, entre 1990 et 2005, un accroissement de 635kWh par ménage et par an, annulant totalement les gains énergétiques obtenus sur tous les autres équipements domestiques sur la même période". "Le numérique est le seul domaine dans lequel on trouve que remplacer le renouvelable (papier) par de l’épuisable (métaux, …) est une stratégie durable." [27] .
"L’opinion courante qui voudrait que les sociétés industrielles soient en train de se dématérialiser parce que la part des services augmente est un mythe. Il n’y a pas de services sans énergie ou sans matière. …une large partie des services (au sens de l’INSEE) sont de gros consommateurs d’énergie." [28]
La biodiversité
Nulle part au monde, l’objectif fixé par les gouvernements en 2002, à savoir de faire cesser la perte de biodiversité avant 2010, n’a été atteint, que ce soit au plan international ou au plan national. Le niveau d’action actuel est sans commune mesure avec l’ampleur de la menace et les solutions de conservation doivent être considérablement renforcées pour empêcher l’extinction.
Le Programme de l’UICN 2013-2016 est motivé par le fait que les populations, les communautés, les gouvernements et les acteurs du secteur privé sous-utilisent le pouvoir potentiel de la nature et les solutions qu’elle peut apporter pour relever les défis mondiaux du changement climatique, de la sécurité alimentaire ou du développement économique et social.
Ainsi, "le règne du calcul est tel que la biodiversité entre dans la comptabilité économique. Sa valeur monétaire est calculée en fonction des services rendus… Si la valeur monétaire des services rendus par une espèce est inférieure à celle fournie par une activité qui la supprimerait, en toute rationalité économique, l’espèce disparaîtra". [29]
Dans le même registre, "Le chaos climatique est aussi une opportunité nouvelle. Il offre la possibilité de nouveaux marchés à l’échelle du monde, avec les perspectives du capitalisme vert. La terre, l’atmosphère, les forêts, deviennent des ressources séparées, réduites à leur capacité de captation du carbone ou de réduction de la consommation des énergies fossiles. La valeur de la forêt amazonienne est compté en calculant les tonnes de carbone captées et en leur appliquant le prix du carbone sur le marché. Peu importent ceux qui y habitent et qui l’entretiennent depuis des siècles. Peu importent la biodiversité qu’elle contient car la tonne de carbone est devenue l’étalon suprême et unique." [29]
Le réchauffement climatique
"La conclusion est pour le moment claire : à l’échelle des temps historiques, l’effet de serre d’origine humaine est sorti du "bruit de fond" pour devenir le premier facteur de variation du climat et pourrait l’être de plus en plus à l’avenir". [30]
"Pour le CO2, la concentration jamais atteinte depuis 650.000 ans au moins, le rythme inconnu jusqu’alors de l’augmentation de sa concentration, permettent d’affirmer que c’est bien l’homme et en particulier ses activités "modernes" qui est la cause de l’augmentation de ce gaz dans l’atmosphère.
Pour le méthane, le passé lointain nous offre aussi une base de comparaison qui permet d’affirmer que nous sommes bien en cause dans l’élévation récente….le méthane est actuellement à 1700 parties par milliard, après avoir oscillé entre 350 et 700 parties par milliard sur les 650.000 ans qui viennent de s’écouler". [31]
"Le constat est clair : nos émissions de gaz à effet de serre (surtout de CO2) augmentent de plus en plus vite, particulièrement depuis dix ans." [32]
La réaction se fait attendre. A quel niveau faudra-t-il que la Nature se manifeste pour que l’Homme* réagisse.
"Une division par 3 des émissions mondiales offrirait plus de 70% de chance de rester en deçà des 2°C. Inversement, la poursuite des émissions sur un rythme plus soutenu réduirait fortement les chances d’atteindre ce niveau, puisqu’il y aurait alors plus de 9 chances sur 10 de dépasser cet objectif de température". [33]
De toute façon, les émissions de GES régresseront lorsque les combustibles fossiles seront épuisés. Par contre, plus leur niveau dans l’atmosphère sera élevé, plus les conséquences seront importantes et de longue durée en raison de l’inertie du système planétaire. Ne pas réagir plongerait l’humanité dans une situation inconnue à laquelle il est fort probable qu’elle ne puisse s’adapter. La confiance envers les facultés de la techno-science serait-elle devenue suicidaire ?
Selon l’Agence internationale de l’énergie [34], il n’existe pas de scénario crédible permettant une baisse des émissions de CO2 suffisante pour stabiliser le climat uniquement à base de renouvelables et d’économies d’énergie.
Les pièges à carbone
Les forêts, les tourbières et les puits océaniques de carbone ne suffisent plus à absorber les émissions humaines de CO2. La séquestration connaît donc un intérêt croissant, théorique vers la fin des années 1990, puis expérimental à partir de 1996 (voir le système de stockage Sleipner).
Du dioxyde de carbone préalablement "capté", lors de l’extraction d’énergies fossiles, ou en sortie de chaudière ou turbines à gaz, puis comprimé est enfouit dans le sous-sol, massivement et de manière sécurisée.
"Le nombre de sites se prêtant au stockage géologique sûr semble limité, or pour espérer un effet significatif pour le climat, il faudrait en enfouir environ 3,5 milliards de t/an, soit l’équivalent de 28,6 milliards de barils de pétrole (à titre de comparaison on extrait du sol dans le monde 27 milliards de barils de brut/an)" [35].
Un rapport (15 juin 2012) publié par l’Académie américaine des sciences, concluait aussi que cette séquestration géologique du CO2 "peut potentiellement induire des tremblements de terre importants" (plus important qu’avec la fracturation hydraulique telle qu’utilisée pour le pétrole ou le gaz dans les schistes bitumineux). [36]
Ainsi, cette technique n’en est qu’à ses balbutiements, et il est fort douteux qu’elle puisse être d’un grand secours dans les proches décennies décisives à venir.
La démographie
"Et si l’on en croit les données démographiques, il y a de fortes chances pour que la Terre soit peuplée de 10 milliards d’êtres humains avant le milieu du siècle". Quatre milliards de bouches supplémentaires à nourrir, dont la plupart se trouveront sans doute dans les mégalopoles du Tiers-Monde. Quatre milliards d’hommes qu’il faudra loger, chauffer, éclairer alors que 800 millions de personnes souffrent toujours de faim à l’heure actuelle, qu’un milliard et demi n’ont pas accès à l’eau potable et deux milliards ne sont pas raccordés aux réseaux d’électricité !" Une autre contradiction du développement durable consiste à vouloir que les pays "émergents" connaissent la prospérité occidentale. Or, en 2050, si chaque habitant des pays en développement consomment autant d’énergie qu’un Japonais en 1973, la consommation mondiale d’énergie sera multipliée par quatre ! [37] Et si leur niveau de vie atteignait celui des américains aujourd’hui !
[38]
"L’accroissement continu de la population et de la consommation ne peut se poursuivre indéfiniment sur une planète limitée". [39]
"Le terme durable s’entend comme infini, suivant une courbe dont la tendance se veut croissante. Une croissance infinie dans un monde fini, aux ressources limitées, est-ce compatible ? Le projet compte sur l’équilibre entre la croissance productiviste et la capacité de la Nature à absorber l’impact écologique des activités humaines. Cela revient à s’en remettre à l’espoir que les capacités de la nature et les besoins de l’économie de type capitaliste vont concorder. Il s’agit donc d’un pari, que les nouvelles technologies permettront une production croissante soutenable, consommant peu de ressources énergétiques non-renouvelables." [40] .
L’effet rebond
L’espoir envers les économies d’énergies, l’utilisation des renouvelables, omet la probabilité dans un système marchand de l’apparition de l’effet rebond, qui est défini comme étant "l’augmentation de la consommation liée à la réduction des limites à l’utilisation d’une technologie, ces limites pouvant être monétaires, temporelles, sociales, physiques, liées à l’effort, au danger, à l’organisation…" [41] . D’où le corollaire suivant : dans le cas d’une régulation par le "marché" et une incitation permanente à la consommation, et c’est le cas, les économies d’énergie ou de ressources, initialement prévues par l’utilisation d’une nouvelle technologie, sont partiellement ou même complètement compensées après adaptation du comportement des utilisateurs. Exemples : l’automobile consomme moins de carburant donc on va plus loin ou on s’en sert davantage. Les ampoules basse consommation permettent d’augmenter les points lumineux et la durée d’éclairage. Les gains réalisés grâce aux économies d’énergie pourront être utilisés pour voyager. Les moyens de transport rapides, censés économiser du temps, amènent un accroissement des distances parcourues qui, non seulement ne font plus alors gagner de temps, mais augmentent d’autant plus l’usage de ce moyen de transport et les impacts qui en découlent. Les produits électroniques de tailles et prix réduits nous permettent d’en offrir à chaque membre de la famille. Le développement du solaire et de l’éolien même permettent d’augmenter toujours plus notre consommation d’énergie malgré la raréfaction de certaines ressources. [42]
Selon le "Postulat de Khazzoom-Brookes, des coûts de l’énergie plus élevés, que ce soit par des taxes ou des pénuries induites par les producteurs ont pour effet de réduire la demande initialement, mais à plus long terme ceci encourage une meilleure efficacité énergétique. Cette réponse en efficacité compense partiellement l’augmentation des prix et donc la réduction de la demande est affaiblie. Le résultat final est un nouvel équilibre entre l’offre et la demande à un niveau plus élevé de l’approvisionnement et de la consommation que s’il y avait pas eu de réponse en efficacité" [43].
La baisse de la consommation des ressources, par unité de bien produit, est déjà largement compensée par l’augmentation générale de la production de ces biens. Les prélèvements de ressources naturelles et les pollutions continuent à croître, les rapports du Programme des Nations Unies pour le Développement le prouvent.
Le Capitalisme à l’affût
En réalité, le Développement Durable, face à la dégradation menaçante de l’environnement, cache la priorité de l’oligarchie dominante de profiter de la situation pour relancer le capitalisme en le rafraîchissant dans une couleur à la mode, le vert.
Le capitalisme possède le don et surtout le manque de scrupules pour tirer profit de toutes les situations, même les plus graves. Il suffit de consulter le livre "La stratégie du choc" de Naomi Klein [44] pour s’en convaincre. Ainsi, tapi derrière la catastrophe environnemental, il se donne une apparence de respectabilité en étudiant et proposant sur le marché des profits des tas de techniques supposées réduire l’impact écologique mais en réalité la prédation et la dégradation de la planète continuent à la même échelle. La croissance de la production, de la consommation, du profit, de la démographie, constituent les ingrédients vitaux pour le capitalisme. “On ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui les ont engendrés” disait Einstein. Comment pouvoir raisonner, moraliser, un loup en liberté dans une bergerie ou un renard invité dans un poulailler ? C’est sans doute ce qu’il faudrait que comprenne Al Gore muni de ses "gentilles" résolutions proposées dans son "Initiative Stratégique pour l’Environnement". Le respect de l’environnement et le choix d’une Nature en bon état ne se feront pas seulement avec de bons sentiments pendant que trône un souverain avide de tout ce qui peut être estimé en valeur d’échange.
D’ailleurs, en témoigne la franchise des déclarations suivantes :
" Le développement durable est pour l’entreprise un mode d’expression de sa liberté". "Développement durable. Un accélérateur de croissance pour les Entreprises.", Site Internet du Medef.
"Le développement durable n’est ni une utopie ni même une contestation, mais la condition de survie de l’économie de marché." Louis Schweitzer, PDG de Renault, Enjeux Les Echos, décembre 2004.
"La notion de développement durable est en parfaite cohérence avec la raison d’être de Procter & Gamble : améliorer la qualité de la vie des consommateurs du monde entier grâce à nos produits et nos services afin de développer nos affaires et de faire ainsi prospérer nos employés, nos actionnaires et les communautés au sein desquelles nous opérons." Site Internet de Procter & Gamble (multinationale de la chimie).
"Depuis la Conférence de Rio en 1992, sur le développement durable, la notion de respect de l’environnement vient désormais s’ajouter à la conception de l’agriculture moderne. Ainsi, les agriculteurs français et ceux du monde entier doivent relever le défi d’une alimentation saine et abondante dans un environnement préservé. Les biotechnologies sont un des moyens parmi d’autres de résoudre les enjeux futurs de nos sociétés." Monsanto.
C’est ainsi que la "Nomenklatura" internationale parle du développement durable et l’adopte à des fins de publicité et de profit. Le succès universel de ce slogan montre le peu de considération en faveur de l’environnement en comparaison de l’intérêt pour le profit et l’enfermement dans la mentalité industrielle. Que penser des "décisions prises parallèlement au Grenelle : relance autoroutière, construction de réacteurs nucléaires, inscription de maïs transgéniques au catalogue des semences, homologation de certains insecticides tueurs d’abeilles, inauguration d’incinérateurs, report de la taxe carbone et de la taxe "poids lourds", déclaration d’utilité publique octroyée à un projet d’aéroport situé sur une zone humide,… ?
"Nos politiciens et experts seraient-ils donc atteints de schizophrénie lorsqu’ils réussissent ainsi à embrasser à la même bouche l’écologie et la consommation ?" [40]. Le capitalisme est insatiable. Tant que l’énergie est disponible plus la production s’accroît, la consommation de même incitée par la publicité.
En réalité, le développement durable né d’une intention louable de réagir au déclin de l’environnement a perdu tout son crédit du moment qu’il n’a pas l’intention de se détacher de l’économie capitaliste. Il n’est devenu qu’une imposture commerciale de plus qui se permet de récupérer la réalité d’une situation pour mieux duper les peuples et les amener à consommer l’esprit léger et à accepter des compromis dangereux comme l’énergie nucléaire.
Il s’est fait récupérer par cet allié manipulateur et se présente désormais plutôt comme un pur produit de "marketing" destiné à reverdir artificiellement la grisaille de l’économie néo-libérale. Claude Allègre a d’ailleurs dévoilé la stratégie de l’imposture : "Il faut que l’écologie soit le moteur de la croissance" et "La bonne voie est : tout ce qui ne rentre pas dans l’économie ne rentre pas dans la marche de la société" [45]. Il ne fait pas de doute que cette croissance encouragée par un capitalisme prédateur ne permettra pas d’envisager une réelle coopération respectueuse avec la Nature dans un délai suffisant pour sauver ce qui peut encore l’être.
"C’est parce que la société vernaculaire a adapté son mode de vie à son environnement qu’elle est durable, et parce que la société industrielle s’est au contraire efforcée d’adapter son environnement à son mode de vie qu’elle ne peut espérer survivre" [46].
Que penser de la résolution initiale du Développement Durable, de livrer aux générations prochaines une planète en bonne santé ? Elle fait plutôt penser aujourd’hui à ce genre de promesse électorale jamais tenue. Qu’allons-nous laisser à nos descendants : des déchets chimiques et nucléaires hautement toxiques par millions de tonnes, des continents de plastiques voguant sur l’océan, une biodiversité massacrée, des terres appauvries et polluées, une forêt ravagée, des ressources épuisées, une population surabondante, etc…Sympathique héritage ! En général, les parents qui dilapident le capital familial mettent les générations suivantes en difficulté quitte à ne plus pouvoir remonter la pente faute de conditions favorables.
Aujourd’hui, les "rêveurs", les utopistes ont changé de camp. "La "fuite en avant " consistant à parier qu’on trouvera bien des solutions techniques permettant de pallier les destructions massives en cours, nous semble de l’ordre du déni et de l’inconscience ou de la folie." [33]
Le dernier rapport de l’ONU à propos du développement durable [47] constate que le modèle de développement global actuel n’est pas durable et qu’en conséquence, la communauté internationale a besoin d’une "nouvelle économie politique".
Le danger du totalitarisme écologique
Face à l’urgence de mettre en place les impératifs du Développement durable, le sectarisme des possédants et de leurs sbires risque de dépoussiérer les uniformes des mouvements totalitaristes. "La finitude des ressources impose un "retour de l’Etat" et de la régulation publique, et de nouvelles répartitions des rôles du public et du privé". [48]
La poursuite effrénée de la croissance à tout prix pour la sauvegarde de l’idéologie capitaliste se traduit par des appels à la mobilisation générale sur le front de la guerre économique, par des exhortations au sacrifice dans la conquête des profits et des ressources, à la solidarité nationale pour aider les grandes entreprises et les banques. Derrière l’espoir entretenu se cache une compensation qui n’est jamais énoncée : celle du contrôle accru et de plus en plus envahissant de la vie quotidienne. Les technologies de surveillance, de contrôle à la personne, n’ont jamais été aussi nombreuses et élaborées. Même les lois évoluent dans ce sens sous le prétexte des menaces de terrorisme, de complots, d’atteinte à la personne, de l’immigration, du chômage, etc…
Ainsi, parmi les trois voies possibles, le développement durable a pour objectif de maintenir l’idéologie économique capitaliste de type patriarcal anthropocentrique en place par une utilisation opportuniste du malaise environnemental moyennant quelques aménagements symboliques hypocrites. L’humanité sera-t-elle capable d’éviter le triste sort de la civilisation Maya ou de celle de l’île de Pâques ?
En conclusion d’analyse sur la crédibilité du Développement Durable, première solution proposée, sa difficulté à respecter ses promesses provient de cette tentative vouée à l’échec de marier la protection de la Nature, la réduction drastique de l’empreinte écologique des activités humaines avec un régime économique nommé capitalisme néo-libéral dont la raison d’être est basée sur l’exploitation et la destruction de la Nature. Incompatibilité qui handicape fortement une intention pourtant louable et nécessaire. L’appellation "Développement Durable", cet oxymore, ne trompe plus personne. Si vraiment, comme il le prétend, le capitalisme possède pour mission le bien être général, la situation actuelle montre qu’il a dépassé dès lors son seuil de compétence et l’urgence d’une réaction salutaire conduirait la raison, s’il en reste, à s’en défaire. C’est seulement à cette condition que le Développement Durable (mais en définissant un autre développement) pourrait connaître la réussite.
(Partie IV. Quel avenir avec le transhumanisme ? - GR 1159)
[*] Le terme "Homme" est ici préféré à celui d’Humanité en raison de sa connotation masculine puisque la société occidentale dominante (la mondialisation accentue cette situation) est de type patriarcal (voir GR1155).
[1] GR1155 et GR1156. "L’heure du choix a sonné".
[2] Rapport Meadows & al.( le Club de Rome).
[3] Projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte NOR : DEVX1413992L/Bleue- http://www.developpement-durable.gouv.fr/-La-transition-energetique-pour-la-.html.
[4] Vincent Cheynet, "Contre le développement durable", 4 janvier 2005, intervention devant les élèves du Master "Ethique et développement durable", Lyon III.
[6] Dominique Méda, "Au-delà du PIB. Pour une autre mesure de la richesse", Flammarion, Champs-Actuel, 2008.
[7] Richard Heinberg, "Pétrole : la Fête Est Finie ! L’avenir des sociétés industrielles après le pic pétrolier", Éditions Demi-Lune Collection : Résistances Réactualisation- 15 octobre 2008.
[8] La Décroissance, juillet-août 2014 Entretien avec Oskar Slingerland.
[9] Wikipédia
[10] Voir par exemple le rapport du CEDD sur la Croissance Verte : http://bit.ly/103o8De.
[11] Jean-Marc Jancovici, "Combien d’éoliennes faudrait-il installer en France pour produire la totalité du courant consommé ?" première version : juin 2000 - dernière modification : juillet 2014 site de l’auteur : www.manicore.com.
[12] Jean-Marc Jancovici, "L’équation de Kaya" dernière version : février 2014 site de l’auteur : www.manicore.com.
[13] U. Mantau et al., Final Report — Real Potential for Changes in Growth and Use of EU Forests, EUwood Project : Call for Tenders. No. TREN/D2/491.
[14] http://ec.europa.eu/energy/renewables/studies/doc/bioenergy/euwood_final_report. (FERN.org janvier 14.
[15] http://fr.fromquarkstoquasars.com/2014/03/lenergie-geothermique-une-percee-au-coeur-du-volcan/26 mars 2014.
[16] Jean-Marc Jancovici, "Pourrions nous vivre comme maintenant avec juste des renouvelables ?" date de dernière modification : septembre 2005 site de l’auteur : www.manicore.com
[17] The wolf at the door petro-pic.org.uk Sources Alternatives d’Énergie
[18] Dale Allen Pfeiffer "Nous mangeons du pétrole" carfree.fr 3 octobre 2003.
[19] Brian Halweil : "l’agriculture biologique peut-elle nous nourrir tous ?" http://www.notre- planete.info/actualites/actu_990_agriculture_biologique_nourrir_tous.php
[20] Est-il possible de concilier capitalisme et développement durable ? E-mail : info(at)intal.be Adresse : Intal, 53, Chaussée de Haecht, 1210 Bruxelles
[21] Sortir du nucléaire N°30 mars 2006
[22] bulletin d’informations scientifiques et techniques n° 208, novembre 1975, p. 33-34
[23] 6e rapport, septembre 1976, paragraphe 15
[24] "Bertrand Méheust : "La politique de l’oxymore"
[25] Nicholas Georgescu Roegen : "La Décroissance", Ed : Sang de la Terre.
[26] Rapport mondial sur le développement humain 2002, De Boeck, 2002, Bruxelles, p.28 cité par Jean-Marie Harribey dans "développement et croissance".
[27] Fabrice Flipo : La Décroissance juillet-août 2014 L’horreur numérique.
[28] Jean-Marc Jancovici, "L’économie pourrait-elle décroître ?" dernière version : juillet 2014 site de l’auteur : www.manicore.com.
[29] Geneviève Azam : "Le temps du monde fini", Ed : LLL.
[30] Jean-Marc Jancovici, "Le réchauffement de la planète a-t-il commencé ?" dernière modification : octobre 2011 site de l’auteur : www.manicore.com
[31] Jean-Marc Jancovici, "Les émissions humaines de gaz à effet de serre ont-elles vraiment changé quoi que ce soit ?" dernière version : août 2007 site de l’auteur : www.manicore.com
[32] 5eme rapport du GIEC : sortir des énergies fossiles est indispensable.
[33] Novembre 2009 CROISSANCE VERTE Patricia Crifo, Michele Debonneuil, Alain Grandjean Conseil économique pour le développement durable www.developpement-durable.gouv.fr
[34] Agence Internationale de l’Energie : http://www.iea.org/
[35] RTBF (2012) Climat : le risque sismique rend hasardeux le stockage géologique du CO2 2012-06-19.
[37] Les enjeux du Développement Durable Créé le 20 janvier 2003 Actualisé le 4 avril 2006.
[38] Une croissance infinie dans un monde fini
[39] Simon Charbonneau : "Résister pour sortir du développement" Editions Sang de la Terre, mai 2009.
[40] Jean Aubin, "Croissance infinie. La grande illusion". Ed:LME
[41] François Schneider : "point d’efficacité sans sobriété mieux vaut débondir que rebondir". Le Silence, numéro 280, février 2002.
[42] Atelier « consommation soutenable et effet rebond » au 7e ERCP Lund, Suède, Mai 2001, http://www.iiee.lu.se/ercp.
[43] Wikipédia : l’effet rebond
[44] Naomi Klein : "La stratégie du choc", Ed. : Actes Sud.
[45] propos cités par Hervé Kempf dans "Pour sauver la planète, sortez du capitalisme", page 112.
[46] E. Goldsmith, Le défi du XXIe siècle, Le rocher, 1994, p.330.
[47] "Resilient People, Resilient Planet : A Future Worth Choosing"30 janvier 2012, https://en.unesco.org/system/files/GSP_Report_web_final.pdf
[48] Rapport final au Ministre d’Etat, Ministre de l’Energie, de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Aménagement du Territoire présenté par Jean-Martin FOLZ Président du groupe d’étude. http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_final_comop_31.pdf