Au fil des jours
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Publication : août 2013
Mise en ligne : 11 novembre 2013
Alerte
Dans un document publié sur son blog de Médiapart, Attac a lancé le 8 juillet un cri d’alerte : « la France sabote la taxation des transactions financières ! » (TTF). Comme le rappellent les auteurs de l’article [1], l’introduction de cette taxe à l’échelle européenne avait été proposée par la France sous la présidence Sarkozy, mais comme il était vite devenu évident qu’elle ne serait pas acceptée par les 27 États membres de l’UE, 11 pays avaient choisi la méthode de la « coopération renforcée »pour la faire adopter en s’appuyant sur un projet de directive de la Commission. C’était un grand pas en avant et la France avait activement soutenu cette initiative, à laquelle François Hollande s’était montré favorable pendant sa campagne électorale. En février dernier, quand le groupe de travail a commencé ses négociations, la France, représentée à l’époque par le Ministère du Budget (Cahuzac), semblait devoir jouer un rôle constructif. Mais après la “chute” de Cahuzac, c’est le Ministère des Finances qui a pris en charge le dossier. Et depuis lors, tout en déclarant publiquement défendre la TTF, la France a, en réalité, fait machine arrière en exigeant en coulisse des exceptions dont l’ensemble rendrait la taxe inefficace. Comme il fallait s’y attendre, les banquiers ne sont pas restés passifs. Le premier d’entre eux (Goldman Sachs) a lancé le signal en publiant en mars dernier une “étude” [2] grotesque qui a été immédiatement reprise par les banquiers français. Ainsi le 15 avril, le Medef et la Fédération française des banques mettaient-ils en garde M. Moscovici contre une taxe « destructrice de richesses, qui affaiblira gravement la compétitivité des entreprises ». Le directeur général de Natixis reprenait sans hésiter les chiffres ridiculement surestimés par Goldman Sachs, selon lesquels la taxe coûterait 7 milliards d’euros par an à sa banque : « un montant supérieur à notre chiffre d’affaires » prétendait-il. Et M. Hocher (Crédit Agricole), ne craignait pas d’évoquer le chiffre de 17 milliards d’euros de pertes pour sa seule banque !
Ainsi, cédant à la pression de Goldman Sachs et des banquiers français, la France a décidé de réduire à presque rien le projet européen de taxe sur les transactions financières. Bercy a proposé (lors de la réunion du groupe de travail des onze pays du 22 mai), de modifier le projet sur des points essentiels : exonération quasi-totale des transactions sur les produits dérivés, taxation des opérations après compensation, taxation des seuls vendeurs, et pas des acheteurs. C’est le réduire à néant. Et le 11 juillet, devant un parterre de banquiers, M. Moscovici déclarait que cette proposition de taxe sur les transactions financières avancée par la Commission européenne était « excessive » et il promettait aux banquiers « d’améliorer la proposition de la Commission » en ajoutant : « Il faut être pragmatique et réaliste ».
La réaction des banques confirme la pertinence de la proposition de TTF portée par Attac et d’autres associations. Elle montre bien qu’une partie, très importante, du profit des banques provient d’opérations spéculatives sans aucune justification économique réelle.
Ainsi, avec sa « réforme » bancaire dictée par les banquiers, le gouvernement français sabote le projet de la Commission, et fait un pas de plus dans sa soumission aux intérêts de la finance.
Les confessions du FMI
La publication sur le site du Wall Street Journal du contenu d’un de ses documents internes qui aurait dû rester « strictement confidentiel » a conduit le 5 juin le Fonds Monétaire International (FMI) à le rendre public. Dans ce document, le FMI admet avoir sous-estimé les dommages que causeraient ses prescriptions d’austérité à l’économie grecque. On peut y lire en substance « qu’il y a eu des échecs notables, que la confiance des marchés n’a pas été rétablie et que l’économie grecque a été confrontée à une récession bien plus forte que prévu ».
Pour mener à bien son plan de “sauvetage” de la Grèce, le FMI s’était associé en 2010 à la Commission européenne et à la BCE pour mettre au point un premier plan d’aide d’un montant de 110 milliards d’euros. D’après les projections initiales du FMI, le PIB de la Grèce devait reculer de 5,5% sur la période de 2009 à 2012 et le taux de chômage se stabiliser à 15% en 2012. En réalité le PIB a chuté de 17% et le taux de chômage a atteint 25% et il continue à croître.
Le document précise aussi que les incertitudes sur le sauvetage de la Grèce étaient « si importantes que les équipes du FMI ne pouvaient pas absolument garantir que la dette publique était soutenable ». Le FMI estime aussi que le refus des européens de procéder rapidement à une restructuration de la dette (qui n’a finalement eu lieu qu’en 2012) n’a fait qu’exacerber la crise en permettant à de nombreux créanciers privés de « s’échapper » du pays sans subir la moindre perte et de « passer le fardeau » aux États, donc aux contribuables. Le FMI considère enfin que la Commission « n’avait aucune expérience sur la gestion de crise ».
Rappelons à ceux qui auraient oublié que le directeur du FMI à l’époque n’était autre que Dominique Strauss-Kahn, … celui-là même que le Sénat vient d’auditionner pour ses très grandes compétences en matière économique et financière !
[1] Dominique Plihon, porte parole d’ATTAC France et Peter Wahl, président de WEED Allemagne
[2] Financial Transaction Tax : How severe ? sur internet à l’adresse : http://www.wiwo.de/downloads/8281810/1/GoldmanSachs.pdf