Les faux arguments.


Publication : juin 1999
Mise en ligne : 3 décembre 2005

Les défenseurs de la création de fonds de pension affirment que l’industrie française a besoin de capitaux pour investir.

C’est faux puisqu’elles s’autofinancent largement, voici ces taux de 1970 à 1997 :

Et d’autre part la création des fonds de pension ne créera pas d’épargne nouvelle, l’épargne-retraite se subsituerait aux formes d’épargne qui existent, notamment à l’assurance-vie. En France, bien qu’il existe déjà un volume d’épargne conséquent, les quelque 2.500 milliards de l’assurance-vie ne sont que marginalement investis en actions, donc à long terme.

Dans le monde entier, ce sont les actifs financiers (la ”bulle”financière) qui progressent [1].

Et comme le remarque Henri Guaino « Il n’y a aucune preuve qu’il y ait plus d’épargne et de croissance dans les pays où il y a davantage de capitalisation. »

Les fonds de pension, selon leurs laudateurs, permettraient à l’industrie française de revenir sous capitaux français.

C’est faux, parce que la nationalité des détenteurs de capitaux n’a pas d’influence sur la politique des entreprises. Et pour les gestionnaires des fonds, seule compte la rentabilité de ses placements.

Mais alors,
les fonds de pension,
pour quoi faire ?

Aujourd’hui, le financement des retraites est basé uniquement sur le rapport actif /retraité et c’est la décroissance de ce rapport qui pose un problème aux politiques, ils ne peuvent pas laisser la situation en l’état.

La création de fonds de pension est la solution de facilité dans la logique de la “pensée unique” néolibérale et on peut imaginer la pression exercée en ce sens par les institutions financières. Au forum de Davos (mais c’est bien sûr !) un spécialiste a estimé à plus de 200.000 milliards de francs ce qu’il faudra verser aux futurs retraités des pays industrialisés dans les trente prochaines années. En France, les fonds de pension en projet concernent plus de 1.000 milliards de francs.

Les commissions pour frais de gestion de ces fonds, qui reviendraient aux assurances, ne sont donc pas négligeables... D’où la pression exercée par les sociétés d’assurances, car les 963 milliards de francs de pension versés chaque année par la répartition, ne leur rapportent rien parce qu’ils sont gérés paritairement.

Une autre solution existe, conclut alors le groupe de réflexion, « elle consiste à financer les retraites en s’appuyant sur les gains de productivité. Encore faut-il prendre des décisions concernant la répartition de la richesse produite. Pour le financement des retraites, cela veut dire inventer de nouveaux modes de financement. »

Et nos nouveaux amis ont analysé les projets du gouvernement :

Les projets du gouvernement
•Un système par capitalisation facultatif
•avec de fortes incitations fiscales
•accessible à tous
•contrôlé par les partenaires sociaux

Les cotisations des salariés seront volontaires [2] et seuls ceux qui cotiseront pourront profiter du fonds de pension. L’entreprise abondera, ce qui veut dire qu’elle versera aussi au fonds une cotisation calculée à partir du versement du salarié. Mais elle n’y perdra pas, car cette cotisation viendra en déduction de l’impôt sur les sociétés et échappera aux cotisations d’assurance maladie et famille, mais, pour l’instant, pas aux cotisations retraites car alors le système par répartition serait progressivement “cannibalisé” par la capitalisation. Sous forme de réduction d’impôt ou de crédit d’impôt, l’état exercera aussi de fortes incitations fiscales sur les salariés. Les fonds seront gérés par des professionnels de l’assurance, mais ils seront dotés d’un “conseil de surveillance” qui réunira des partenaires sociaux.

Or les fonds de pension existent sous la forme d’assurance-vie avec sortie en rente viagère, il n’y a donc pas besoin d’une loi pour en créer !.

« Alors, a conclu le groupe, on peut se demander pourquoi l’état paierait pour financer un système de retraite par capitalisation au lieu de supporter le système par répartition en alimentant un fonds de réserve. »

Ce que les institutions financières attendent de cette loi, c’est donc l’incitation fiscale.


[1La valeur nominale (conventionnelle et souvent fictive) des actifs financiers détenus par des particuliers (directement ou par des fonds de pension ou de placemets collectifs) a augmenté en six ans (1991-98) de 5.500 milliards, l’équivalent du total de l’épargne personnelle des 25 années précédentes. Un krach priverait de l’essentiel ou de la totalité de leurs revenus, en quelques jours, des dizaines de millions de retraités.

[2Ceux qui 1) en auront les moyens et 2) accepteront le risque de perdre leur placement. Lire à ce sujet Tous au casino ! éditorial de notre N°983. Ce numéro de décembre dernier contient plusieurs articles sur le problème des retraites, nous les avons réunis en un tract A4 recto verso qui est disponible.