Au fil des jours

Chronique
par  J.-P. MON
Publication : juin 1999
Mise en ligne : 3 décembre 2005

Suppressions d’emplois

Quelques lecteurs trouvent déprimante cette rubrique sur les suppressions d’emplois. Je vais cependant la continuer parce qu’elle présente un triple intérêt pour étayer les thèses de l’économie distributive : elle montre d’abord que les suppressions d’emplois et le chômage qui en découlent ne sont pas un phénomène typiquement français comme voudraient le faire croire les hommes politiques de droite ; ensuite, qu’elles ne concernent pas que les emplois peu qualifiés mais touchent aussi les technologies avancées ; enfin qu’elles imposent de repenser la liaison travail-revenu, si on veut éviter une explosion sociale mondiale.

En voici, hélas, une nouvelle série, d’après des informations publiées par le journal le Monde entre le 17 avril et le 7 mai.

• Le président du groupe japonais Nissan a annoncé que 5.000 salariés du personnel administratif devront partir dans les 3 ans à venir.

• Le groupe électronique japonais Mitsubishi va arrêter la fabrication des magnétoscopes en Europe et va fermer son usine de Livingston en Ecosse, ce qui entrainera la suppression de 240 emplois.

• Le numéro un japonais de la distribution de produits pétroliers, Nippon Mitsubishi Oil a annoncé le 26 avril la suppression d’un millier d’emplois, soit 20% de ses effectifs.

• Mattel, le fabricant de la célèbre poupée Barbie, va supprimer 3.000 emplois.

• A l’usine Dior de St-Jean-de-Braye (Loiret) le dernier plan de restructuration va toucher 400 personnes sur les 1.600 qui travaillent sur le site.

•La direction du groupe d’électronique de défense SFIM a annoncé un plan social concernant la suppression de 442 postes sur les 1.200 que compte son site de Massy-Palaiseau.

•Le groupe américain AMP, fabricant de connecteurs électriques et électroniques, a annoncé le 29 avril la suppression de 8.000 emplois (16,7% de son effectif total) dont 1.500 en Europe.

• Après avoir fait 3,5 milliards de bénéfice en 1998, le groupe de luxe LVMH supprime 800 emplois. le groupe veut investir 30 milliards de francs pour acquérir Gucci, entrer dans le capital du Crédit Lyonnais et réaliser 20% de rentabilité sur ses capitaux investis.

• IBM France va supprimer 1.150 emplois sur 3.000 dans son usine de Corbeil-Essonnes.

• National Semiconductor, le fabricant américain de semi-conducteurs, va vendre son usine de Portland et supprimer 550 emplois.

• En Indonésie, le nombre de chômeurs a atteint 20 millions en 1998. Selon le ministre de l’emploi il pourrait encore augmenter de 2 millions cette année.

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N’était-ce pas évident ?

Dans un rapport annuel publié le 26/4 à Washington, la Banque mondiale estime que « l’horizon s’assombrit encore pour les populations pauvres de la planète alors que les efforts pour lutter contre la pauvreté, améliorer la santé et l’éducation sont mis à mal par les conséquences de la crise asiatique » et, ajoute-t-elle, « les efforts pour améliorer les conditions-clé du développement sont en danger à l’aube du troisième millénaire... »

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Le “bogue” de l’an 2000

Pour que le fameux “bogue de l’an 2000” [1], ne provoque pas de catastrophe dans la nuit de la prochaine Saint-Sylvestre, le Pentagone a déboursé quelque 16 milliards de francs pour faire vérifier son parc d’un million et demi d’ordinateurs et ses 28.000 systèmes automatisés. Sur les 9.900 systèmes cruciaux utilisés par l’armée américaine, 2.400 se sont révélés atteints et, à ce jour, 88% d’entre eux ont été corrigés.

Mais les missiles de croisière Tomahawks tirés en ce moment par les Américains sur la Serbie, ont été puisés dans le stock de ceux qui n’avaient pas encore été corrigés. (C’est toujours ça d’économisé !) Pire, ces missiles de croisière souffrent d’une autre maladie liée au dispositif qu’ils utilisent pour se repérer en vol. Ce défaut se manifestera dans la nuit du 21/8/1999, date à laquelle le compteur du dispositif de guidage prévu pour durer 1.024 semaines, reviendra à zéro. Les missiles seront alors totalement déboussolés2. Certains le sont peut-être déjà si l’on en juge par le nombre de “dégâts collatéraux ” observés à ce jour, tels que la destruction de l’ambassade de Chine.

En ce qui concerne les Russes, les experts occidentaux se demandent si leurs 6.450 ogives nucléaires et 15 à 20.000 armes tactiques seront affectées ou non par le bogue. On pense que si rien n’est fait, 51.000 des 96.000 ordinateurs de la défense russe sont susceptibles de tomber en panne le premier janvier prochain.

Les Français ne sont d’ailleurs pas en reste : notre “très cher” porte-avion flambant neuf, Charles de Gaulle, dont la piste d’atterrissage s’est révélée trop courte en cas de grosse mer, est aussi équipé de systèmes affectés du bogue. C’est le cas de l’indispensable système d’aide au commandement Aidcom Mer... Même le Rafale, bien que le dernier né de chez Dassault, présente « huit points sensibles à l’an 2000 », comme disent pudiquement les techniciens.

Plus généralement, d’après un rapport du FMI, le bogue de l’an 2000 représente un risque économique important mais, parallèlement, les dépenses investies pour corriger les systèmes informatiques ont eu une influence positive sur la croissance [2]. Ouf, on respire !.


[1Il s’agit d’un défaut qui affectera les micro-processeurs conçus il y a quelques années et qui leur ferait perdre la date au passage de l’an 2000.

[2d’après Le Monde Interactif 5/5/99.