Réplique à mon banquier


Publication : avril 2011
Mise en ligne : 5 mai 2011

Nous avons savouré l’humour de la lettre suivante, trouvée par une lectrice sur la Toile. Mais est-ce que son destinataire sera capable de l’apprécier et d’en tirer quelque utile réflexion ?

Cher Monsieur,

Je vous écris pour vous remercier d’avoir refusé le chèque qui m’aurait permis de payer le plombier le mois dernier. Selon mes calculs, trois nanosecondes se sont écoulées entre la présentation du chèque et l’arrivée sur mon compte des fonds nécessaires à son paiement. Je fais référence, évidemment, au dépôt mensuel automatique de ma pension, une procédure qui, je dois l’admettre, n’a cours que depuis huit ans.

Il me faut d’ailleurs vous féliciter d’avoir saisi cette fugace occasion et débité mon compte des 30 Euros de frais pour le désagrément causé à votre banque. Ma gratitude est d’autant plus grande que cet incident m’a incitée à revoir la gestion de mes finances. J’ai remarqué qu’alors que je réponds personnellement à vos appels téléphoniques et vos lettres, je suis en retour confrontée à l’entité impersonnelle, exigeante, programmée, qu’est devenue votre banque.

À partir d’aujourd’hui, je décide de ne négocier qu’avec une personne de chair et d’os. Les mensualités du prêt hypothécaire ne seront dorénavant plus automatiques mais arriveront à votre banque par chèques adressés personnellement et confidentiellement à un(e) employé(e) de votre banque que je devrai donc sélectionner. Soyez averti que toute autre personne ouvrant un tel pli consiste en une infraction au règlement postal. Vous trouverez ci-joint un formulaire de candidature que je demanderai à l’employé(e) désigné(e) de remplir. Il comporte huit pages, j’en suis désolée, mais pour que j’en sache autant sur cet employé(e) que votre banque en sait sur moi, il n’y a pas d’alternative. Veuillez noter que toutes les pages de son dossier médical doivent être contresignées par un notaire, et que les détails obligatoires sur sa situation financière (revenus, dettes, capitaux, obligations) doivent s’accompagner des documents concernés. Ensuite, à ma convenance, je fournirai à votre employé(e) un code PIN qu’il/elle devra révéler à chaque rendez-vous. Il est regrettable que ce code ne puisse comporter moins de 28 chiffres mais, encore une fois, j’ai pris exemple sur le nombre de touches que je dois presser pour avoir accès au service téléphonique de votre banque. Comme on dit : l’imitation est une flatterie des plus sincères.

Laissez-moi développer cette procédure. Lorsque vous me téléphonez, pressez les touches comme suit. Immédiatement après avoir composé le numéro, veuillez presser l’étoile (*) pour sélectionner votre langue. Ensuite :

 le 1 pour prendre rendez-vous avec moi,
 le 2 pour toute question concernant un retard de paiement,
 le 3 pour transférer l’appel au salon au cas où j’y serais,
 le 4 pour transférer l’appel à la chambre à coucher au cas où je dormirais,
 le 5 pour transférer l’appel aux toilettes au cas où ...
 le 6 pour transférer l’appel à mon GSM si je ne suis pas à la maison,
 le 7 pour laisser un message sur mon PC. Un mot de passe est nécessaire. Ce mot de passe sera communiqué à une date ultérieure à la personne de contact autorisée mentionnée plus tôt,
 le 8 pour retourner au menu principal et écouter à nouveau les options de 1 à 7,
 le 9 pour toute question ou plainte d’aspect général. Le contact sera alors mis en attente, au bon soin de mon répondeur automatique,
 le 10, à nouveau pour sélectionner la langue. Ceci peut augmenter l’attente mais une musique inspirante sera jouée durant ce laps de temps.

Malheureusement, mais toujours suivant votre exemple, je devrai infliger le prélèvement de frais pour couvrir l’installation du matériel utile à ce nouvel arrangement.

Votre humble cliente, Mme X (âgée de 86 ans).

janvier 2011