Une découverte enthousiasmante

Exemple de démocratie participative
par  C. FIRMIN
Mise en ligne : 30 juin 2010

Le second exemple est un témoignage encourageant : Cathy Firmin, après avoir lu Les Affranchis de l’an 2000, rêvait de trouver une commune où seraient appliqués les principes de l’économie distributive qui y sont décrits…

Et elle a découvert que la démocratie directe fonctionne depuis des décennies, en France, à Vandoncourt, dans le Doubs ! C’est pour elle la preuve que ce que nous proposons est tout à fait réalisable, dès lors qu’existe la volonté des gens concernés.

Elle espère que cet exemple donnera envie à d’autres d’approfondir le sujet et, surtout, de tenter l’expérience dans d’autres villes.

C’est parce que je regarde avec tristesse cette société du spectacle permanent tenue en endormissement par des préoccupations capitalistes de base : qui va gagner aux élections, aux jeux, à la guerre, aux affaires, qu’une profonde remise en question m’a conduite un jour à découvrir l’économie distributive, puis Vandoncourt.

Ayant décidé d’arrêter de participer à cette mascarade, la vie m’a ouvert les portes d’un autre univers d’hommes et de femmes qui, comme moi, aspirent à un autre monde.

C’est au cours d’une université d’été en Ardèche, organisée par la Coordination de la Nouvelle Education Populaire, que j’ai appris que nos relations économiques et sociales pouvaient être toutes autres. J’ai découvert l’économie distributive. Ce ne fut pas une révélation mais une confirmation. Les écrits de Marie-Louise ont mis en mots et perspectives un monde auquel j’aspire depuis l’enfance. Alors je me suis auto proclamée « coordinatrice de l’émergence d’une nouvelle organisation humaine post capitaliste » !

À présent, motivée par la perspective de participer à mettre en place une économie distributive en France, je me suis mise en quête d’expériences qui s’inscrivent dans cette perspective. Très vite, je m’aperçus que le pilier principal, “la démocratie directe, participative”, était le moins expérimenté. Un ami militant me fit part de son souvenir de l’expérience du village de Vandoncourt, une commune de 820 habitants où depuis 40 ans, les villageois, sous la bienveillance de leurs Maires et Conseillers municipaux, donnent leur pouvoir à la population. Ils ont réparti les compétences municipales en huit Commissions extra-municipales souveraines : Enseignement, Voies et réseaux divers, Budget, Centre Communal d’Action Sociale, Culture, Urbanisme, Activités Rurales, Emploi Jeunesse Économie Sociale et Solidaire). Les habitants, et pas seulement les citoyens, s’inscrivent à celle(s) de leur choix et décident des orientations avec une entière liberté (choix des priorités, recherche d’information pour guider les choix et montage des budgets). Huit Conseillers sont désignés pour rapporter les décisions des commissions au Conseil municipal qui les valide. La transversalité s’exprime ainsi à tous les niveaux. Siègent également trois collèges (jeunes entre 15 et 25 ans, aînés de plus de 55 ans et associations) dont l’objectif est de faire émerger les besoins de toutes les couches de la population. Enfin, 28 associations très actives ont à la fois un rôle de réflexion sur les orientations futures, de relais avec l’école, d’acteurs culturels très dynamiques et, plus étonnant, de financeurs des projets municipaux !

L’essentiel

Toutes les personnes que j’ai rencontrées à Vandoncourt ont insisté sur l’importance de deux choses qui ont favorisé la pérennité du système : d’une part la disponibilité et la qualité de l’information, parfaitement transparente et pédagogique, à tous les niveaux et d’autre part l’effort pour dépasser les tabous (propriété, argent, communication) en apprenant à s’écouter les uns les autres et ainsi, mieux décider ensemble. Ce qui m’a impressionnée c’est la qualité d’écoute générale des villageois, la compétence et en même temps la modestie de ceux qui savent oublier leur position sociale pour rester à l’écoute des besoins exprimés. Cette dernière qualité semble déterminante pour définir la compétence première d’un Maire en Démocratie Directe. C’est certainement ce qui a manqué aux équipes municipales environnantes qui ont en vain tenté l’expérience. Elle est pourtant tout à fait reproductible et peut servir de transition vers une démocratie locale directe, comme l’envisage notre Constitution de 1789 dans son article 6, et, rêvons grand, à la mise en place d’une économie distributive !

Certes, le rôle de l’argent dette n’a pas été remis en cause à Vandoncourt, mais l’intelligence collective y a permis la construction du plus grand bâtiment basse consommation (BBC) municipal de France (à ossature en bois et remplissage/isolation en paille) qui hébergera, entre autres, un atelier municipal de transformation d’aliments. Elle leur a aussi permis d’opter pour des bâtiments publics mieux isolés, dotés d’une chaufferie alimentée par des plaquettes de bois produites par la forêt communale dans le but d’offrir aux citoyens les plus modestes des logements sociaux moins chers à chauffer. Mais bloqués par la législation, ils regrettent la complexité du montage des partenariats privé/public qui ne permettent pas d’étendre cette chaufferie aux habitations privées situées à proximité… !

Le budget est géré en bon père de famille par les villageois, ce qui a permis à la commune de ne pas s’endetter. Pour cela, les habitants ont souvent participé physiquement à la construction de nouvelles infrastructures, le circuit d’alimentation en eau potable, par exemple.

Ainsi, sans faire d’économie sociale et solidaire, sans prétention écologique affichée, les Damas (ainsi se nomment-ils en référence à la variété de pruniers locale qui fait leur fierté) élaborent des stratégies pour permettre aux plus modestes du village de se loger le moins cher possible dans des bâtiments de qualité, ils préfèrent les énergies renouvelables locales et ils refusent d’endetter leur commune.

Il serait intéressant de poursuivre les investigations et de connaître plus en profondeur leurs motivations. C’est pourquoi ce premier contact que mon ami et moi avons eu avec l’équipe municipale, une institutrice du village et quelques personnes rencontrées au hasard, est une première prise de contact à approfondir.

Le maire, étonné de notre engouement pour leur expérience, s’est montré très intéressé par le concept de base de l’économie distributive. Je serai très heureuse de savoir ce que lui a inspiré la lecture des Affranchis de l’an 2000 que nous lui avons offert, quelques mois après notre visite, alors qu’il exprimait son regret de ne pas l’avoir trouvé dans les librairies du Doubs [1].


[1NDLR Rappelons que si ce livre n’est plus dans toutes les librairies… c’est parce qu’il y a plus de 25 ans que les éditions Syros l’ont publié ! Il a cependant été réédité au Canada, en 1996, et nous en avons encore quelques exemplaires disponibles au journal. Marie-Louise Duboin envisage d’en publier une suite pour aller plus au fond de la description des mécanismes possibles d’une économie distributive.