LE S.I.D.A : Comment et pourquoi il veulent nous le filer à tous !


par  J.-P. MON
Publication : avril 1987
Mise en ligne : 21 juillet 2009

TOUT d’abord "ils", ce sont les soi-disant libéraux, la bande à Léo, Giscard, Barre, Chirac ... et même certains socialistes. C’est en effet sous le gouvernement socialiste que ça a commencé avec les efforts déployés pour réhabiliter le profit et l’entreprise, efforts bien relayés par les médias sous le thème "enfin les socialistes deviennent réalistes : ils abandonnent la langue de bois". Ah ! les bonnes langues de vipères ! Mais après tout, les socialistes étaient un peu naïfs et leurs conseillers économiques formés dans les mêmes écoles et imprégnés des mêmes théories désuètes que les économistes de droite. Confiance aveugle des uns et des autres dans les doctrines enseignées telles que : les profits des entreprises font les investissements d’aujourd’hui et les emplois de demain ! Il n’y a qu’à voir ce que ça donne : les profits des entreprises augmentent bien, mais la plupart préfèrent jouer en Bourse ou spéculer (on appelle ça entre gens de bonne compagnie "gérer les risques de change") car cela rapporte plus que de fabriquer en abondance des produits que l’on ne peut vendre par manque de demande solvable. Comme il faut cependant produire à plus bas prix possible pour continuer à exister en tant qu’entreprise, on investit un peu pour rester compétitif, mais comme on n’est pas complètement stupide, on investit dans les techniques les plus performantes, celles qui économisent de la main-d’oeuvre. Etonnez-vous après ça que le chômage continue d’augmenter !
Cette tendance à jouer ses profits en bourse, c’est une des premières manifestations du SIDA !
Avec l’arrivée au pouvoir des soi-disant "libéraux", c’est le déchaînement : développement du "capitalisme populaire" avec les privatisations de Saint-Gobain et Paribas et le matracage publicitaire qui les a précédées ; intoxication permanente sur les chaînes de radio périphériques (écoutez, par exemple, si vous en avez la patience, ce qui suit le bulletin d’information de 22 h 30 sur Europe N° 1). Même France-Inter n’échappe pas à l’ambiance avec la chronique "Votre argent" de G. Milesi. N’oublions pas la glorification des "raiders", ces brillants jeunes gens qui travaillent jours et nuits pour les grosses maisons de changes et gagnent des fortunes colossales en quelques mois (remarquez qu’ils travaillent tellement qu’ils n’ont pas le temps d’en profiter ; l’infarctus les guette..). Mais le pire n’est certainement pas encore arrivé : les télés privées n’en sont qu’à leurs débuts ! La presse écrite n’est pas en reste : tous les quotidiens ou hebdomadaires ont leur supplément financier. Même "le Monde" s’y est mis avec "le Monde des Affaires" dont la lecture est d’ailleurs très instructive on y apprend dans le numéro du 14 mars que : "en janvier dernier, plus de 8 200 clubs d’investissement d’écoliers et lycéens ont participé au concours boursier, "les Masters de l’économie", organisé parles banques régionales du groupe CIC. 1 500 élèves finalistes se sont retrouvés au "Zénith" pour se disputer "l’honneur suprême" d’un voyage à New-York, Saint des Saints de la finance". Bien entendu, on les fera s’extasier sur Wall-Street et le merveilleux indice Dow Jones qui ne cesse de monter malgré les piètres performances de l’économie américaine qui, pour essayer de survivre, cherche des noises à la Communauté européenne, par Reagan interposé, au nom du libéralisme économique, bien sûr ! De ce côté-ci de l’océan, l’industrie ne va pas bien non plus, paraît-il, mais la Bourse a augmenté de 320 % en quatre ans. Qui donc disait que la Bourse reflétait la santé économique d’une nation ? Je me souviens du triste M. Flornoy, alors président de la compagnie des agents de change, qui se lamentait sentencieusement à ce sujet un soir de mal 1981, après l’élection de Mitterrand à la présidence de la République : la confiance était partie, la Bourse allait s’effondrer ! C’était pourtant un expert. Il est toujours aussi triste, car il faut faire sérieux, et il est toujours aussi expert. Je suis sûr qu’il peut vous expliquer pourquoi la Bourse monte, bien que la santé économique du pays ne soit pas bonne. Et les experts comme Flornoy sont légion parmi les chroniqueurs économiques et financiers des médias. Force nous est de reconnaître qu’ils remportent de gros succès dans la propagation du SIDA puisque l’on comptait en France, fin 1986, plus de 7 millions de porteurs.

Mais pour que ça dure, il faut conditionner les gens (leur donner le SIDA) dès leur plus tendre enfance. C’est ce à quoi s’emploient, avec succès, hélas, les banques et les médias qu’elles contrôlent : savez-vous que le président des "Butineurs", le plus jeune club d’investissement de France, qui réunit à Burbure (Pas-de-Calais) des gamins de onze ans et moins, sous la houlette du Crédit Mutuel Artois-Picardie, n’a que huit ans ? Et ce n’est pas un cas isolé  !

Mais, me direz-vous, pourquoi vouloir donner le SIDA à tout le monde ? C’est bien simple : pour convaincre le plus de gens possible de la pérennité des lois économiques et monétaires, en les impliquant dans la pratique de la Bourse. Après quoi, il sera plus aisé de les convaincre de la nécessité de la rigueur pour relancer les profits, etc... En effet, il ne fait guère de doute que les petits investisseurs, les "capitalistes du peuple", comme les appelle Balladur, qui ne disposent pas de beaucoup d’économies, se retireront vite de la Bourse dès qu’ils entreverront la possibilité d’un petit bénéfice, abandonnant ainsi leurs actions aux mains des gros actionnaires, qui sont les vrais "patrons" du pays. (C’est ce qui s’est déjà passé en Grande-Bretagne, où le nombre des actionnaires de British Télécom a diminué de près de la moitié en dix-huit mois). Et voilà le capitalisme sauvé, pensent-ils !

Mais je parle, je parle et je m’aperçois que je ne vous ai pas dit ce qu’était le SIDA. Au cas où vous ne l’auriez pas deviné, il s’agit du "Syndrome Irrésistible de l’Argent".

L’autre SIDA se porte bien aussi, merci, et il ne fait pas que des malheureux. Il constitue un marché juteux pour les fabricants de latex et les gros laboratoires pharmaceutiques qui se livrent une guerre sans merci pour s’assurer l’exclusivité du marché. Pensez-y en choisissant vos actions en Bourse !