Nos voeux

Éditorial
par  M.-L. DUBOIN
Publication : janvier 1988
Mise en ligne : 16 juillet 2009

Le"krach d’octobre dernier a montré les dangers qu’il y a à laisser les financiers diriger l’économie mondiale sur des coups de poker, dans ces casinos modernes que sont devenus les marchés boursiers.
Les conséquences de l’hégémonie du dollar et des banques américaines sur le commerce international commencent à être bien dénoncées. Le Président Mitterrand profite des "réunions au sommet" des pays industrialisés pour parler de la nécessité d’un nouvel ordre économique. Quelques rares journalistes, tels ceux du "Monde Diplomatique" (*) ont le courage de s’attaquer aux règles du "jeu" financier pour en dénoncer les effets catastrophiques. L’énorme récession, qui en sera la conséquence, et que le monde va connaître, très probablement, dès l’an prochain, va ouvrir encore d’autres yeux.
Comme, dans le même temps, les progrès techniques auront encore permis de produire plus, l’absurdité du système sera encore plus évidente.
Nous allons donc avoir encore plus d’arguments à faire valoir, et l’occasion de montrer la nécessité d’une économie distributive fondée sur une monnaie non thésaurisable, gagée sur la production, donc destinée essentiellement à faire parvenir celle-ci aux consommateurs.
Beaucoup de nos interlocuteurs, comme toujours, seront bien d’accord avec nous. Mais ils nous objectent, comme on objecte aux pacifistes  : "C’est impossible parce qu’un pays tout seul ne peut pas commencer". Suivra alors un exposé sur les contraintes de la mondialisation de l’économie, l’impossibilité de fermer les frontières et la "loi" de la compétitivité. Autrement dit  : "inutile de lutter, nous sommes condamnés à suivre dans un monde devenu absurde : on n’a pas le choix : la "loi" immuable du marché est telle que ce sont les pays où l’être humain est sacrifié sur l’autel de la rentabilité qui imposent leur idéologie : les autres doivent s’aligner, faire mieux, faire pire plutôt, pour GAGNER !". Gagner des marchés, bien entendu.
Allant à contre-courant, nous continuerons à revendiquer le droit de choisir. De choisir la qualité de la vie. Alors, poursuivons plus à fond la discussion et demandons ce qui se passerait si la France, ou l’Europe, décidait, pour faire un tel choix, de sortir de la compétition, préférant la culture à l’esclavage ? D’accord, les fabrications japonaises et coréennes envahiraient nos propres marchés parce qu’elles seraient proposées moins cher que les nôtres. Dans un premier temps, nous les achèterions et notre balance commerciale serait déficitaire.
Et après ?
C’est à cet "et après" qu’il faut avoir le courage de réfléchir. Si les Japonais cessaient alors de nous vendre leurs produits, que se passerait-il ? Est-ce que cela ferait leur affaire ? Ne serait-ce pas l’occasion de forcer une entente au plan mondial pour mettre au point un système d’échanges sur contrats équitables, conviviaux, venant remplacer la loi de la jungle qui sévit encore ?
Pour faire valoir notre droit de choisir notre mode de vie, réfléchissons-y. C’est ce que je vous souhaite pour l’an nouveau.

(*) Voir "Le triomphe de la déraison" de C. Julien et encore celui de F. Clairmonte sur "L’art et la manière de convertir une dette en pactole" dans le numéro de décembre.