Enfonçons le clou à propos d’Hayek


par  L. MALLET
Publication : janvier 1989
Mise en ligne : 19 mai 2009

Suite à l’article d’Henri Muller « la société de droit selon F. Hayek » paru dans la Grande Relève de juin, je pense qu’il faut montrer les autres facettes de cet économiste (polémiste) remis au goût du jour.
Né en 1890, il fut le dernier ministre des finances de l’empire austro-hongrois. En 1930, il doit s’exiler une première fois en GrandeBretagne à cause de la montée du nazisme en Autriche. Là, il est le premier opposant sérieux de Keynes, ce qui lui valut son deuxième exil aux Etats-Unis. Il est à l’origine des théories américaines anarchocapitalistes, le nouveau courant néolibertarien. Dans son ouvrage « Droit, législation et liberté », Hayek développe une théorie de la répartition du revenu fort instructive quant à la « philosophie » (!) sociale libérale.
Hayek affirme qu’il y a une liaison entre la répartition du revenu (national) et la production (le produit national). Dans un système productif, où la répartition du revenu est rigidement déterminée, la production est faible (ex. le système féodal était lié à une production faible). Hayek va tenter de démontrer que le système le plus performant est celui où la répartition personnelle n’obéit à aucune loi. Ce système de revenu indéterminé (pour chacun) est le système capitaliste. Pourquoi l’indétermination individuelle est plus productive que la détermination individuelle ? Au niveau des stimulants matériels, le travail de l’individu serait fonction de l’espoir d’augmentation de son revenu. Si son revenu baissait, cela ne changerait pas son espoir de gains ultérieurs. La société doit éduquer ses membres dans cette perspective. Cet espoir de gains futurs est le moteur de la société capitaliste. Il est le stimulant, le facteur d’efficacité maximum.
Cette indétermination des gains n’empêche pas le calcul économique.
Les lois de Pareto permettent d’apréhender l’indétermination par des courbes dissymétriques de probabilité. Pour Hayek, les prix ne suivent jamais les lois de Gauss (courbe en cloche symétrique) car ils ne sont que l’expression de cette indétermination de la répartition. Un même bien aura un prix différent selon le pouvoir d’achat du demandeur (les prix ont tendance à baisser face à de forts pouvoirs d’achat).
Le principe déterminé, il nous faut voir comment une société doit fonctionner pour satisfaire ce principe. Hayek appelle cette société la « catallaxie »... c’est une société dans laquelle les individus doivent être des joueurs. Il faut que tous les comportements économiques soient axés sur le jeu. Ce jeu suppose une règle du jeu fixe, la même pour tout le monde.
Il est intéressant de voir qu’il faut qu’il y ait indétermination individuelle et détermination sociétale. Mais, ces règles du jeu, les lois ne peuvent émaner de l’Etat, l’Etat ne peut être garant de cet état de catallaxie. L’Etat étant l’émanation d’un pouvoir ne pourra qu’établir la règle à son avantage. Dans ce cas là, la répartition individuelle ne sera plus indéterminée. L’espoir de gagner ne sera plus réparti collectivement. Dans notre catallaxie, chacun va tenter de réunir les conditions les plus favorables pour gagner. La société est ainsi poussée en avant. Un esprit de compétitivité assurera le rendement maximum de chacun.
La répartition individuelle n’est que le résultat du hasard. Il y aura toujours des gagnants et des perdants mais ils ne seront jamais les mêmes (sinon le jeu serait truqué). Dans ce système, les pauvres ont intérêt à jouer. Nous voyons la clairement que le fondement de la catallaxie (représentation idéale du capitalisme) est la pauvreté : la vie politique, économique et sociale n’est qu’un immense jeu dans lequel on peut aussi bien perdre que gagner. Un peu de spéculation, beaucoup de hasard et nous avons là le système idéal (?)
Avec ce résumé des thèses d’Hayek, on sent bien un arrière goût de néo-libéralisme : le chef d’entreprise entreprenant, une aide aux pauvres, la plus faible possible... Il est simple de voir le fossé avec l’économie des besoins (réels). Il est amusant de voir la façon dont Hayek théorise le fonctionnement de la société capitaliste, mais on ne perd pas de vue l’hypocrisie avec laquelle il affirme que les gagnants ne doivent
(sans suite)
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