89 !
par
Publication : janvier 1989
Mise en ligne : 19 mai 2009
L’année qui commence va susciter bien des réflexions
sur la révolution. Mais, hélas, plus sur celle qui s’est
produite avec violence il y a deux cents ans que sur celle que nous
sommes en train de vivre, plus importante, plus vaste et plus lourde
de conséquences et dont la majorité de nos contemporains
ont à peine conscience.
En 89, un petit nombre de privilégiés profitaient seuls
des richesses du monde tandis qu’une écrasante majorité
était réduite à la misère. Il en est de
même aujourd’hui où le pouvoir exorbitant des gens de finances
est aussi abusif, aussi injustifié et peut-être encore
plus énorme que celui des nobles en 1789. Par contre, ce qui
rend ces privilèges encore plus intolérables, c’est l’énormité
des potentiels de production. Ils étaient inimaginables il y
a deux siècles. Ils nous offrent enfin la possibilité
d’abolir la misère. Et nous ne saisissons pas cette possibilité !
La révolution du XXe siècle est accomplie dans les moyens
techniques. La révolution des esprits est à peine commencée.
Justement la perspective de l’Europe de 1993 se présente, et
la lutte est déjà engagée : il y a d’un côté
les affairistes qui déploient tous leurs moyens, et ils sont
énormes, pour qu’elle leur profite. Et à eux seuls. De
l’autre côté il y a nous, les femmes et les hommes de bonne
volonté qui ont une chance à saisir pour que l’Europe
constitue une société humaine, conviviale, un monde intelligent,
respectueux des individus, de leur épanouissement, de leur développement,
de leurs cultures, de leur environnement. Une Europe qui offre un espoir
entre deux blocs « totalitaires », chacun à leur manière.
La tâche qui nous incombe est énorme. Mais nous sommes
nombreux à avoir tout à y gagner. Nous ne réussirons
que si chacun d’entre nous, à titre individuel, se sent responsable
de sa réussite. Et il ne suffit pas de critiquer les absurdités,
ni de dénoncer les abus. Et les discours politiques ont fait
la preuve de leur vanité. Il s’agit de faire réfléchir,
d’amener nos semblables à prendre conscience des possibilités
qui s’offrent, de proposer quelque chose de nouveau.
C’est la tâche que se sont assignée les distributistes,
et depuis bien des années. Hélas, même parmi les
lecteurs de ce journal, une grande majorité attendent que « les
autres » agissent. Beaucoup nous encouragent, nous soutiennent
financièrement, et c’est, hélas, indispensable. Mais fort
peu, trop peu, collaborent. Nombreux sont ceux qui n’osent pas, alors
que notre journal présente cette originalité d’être
ouvert au débat, puisqu’il n’est assujetti à aucune force
occulte comme c’est le cas, par exemple, de tous les journaux qui, vivant
de la publicité, ne sauraient déplaire à leurs
annonceurs.
Alors le voeu que je forme au seuil de 89 c’est de voir tous nos lecteurs
prendre des initiatives, agir, réfléchir, collaborer par
l’intermédiaire de la Grande Relève, pour construire une
Europe plus juste, plus humaine, plus ouverte, bref, une Europe distributive.