Et si demain on rasait pour rien ?


par  A. CHIFFON
Publication : décembre 1989
Mise en ligne : 15 avril 2009

Pas de dictature ! dit Amélie... Ah non ! Mais est-ce qu’il n’y a pas déjà une dictature pour tant de gens qui n’ont aucune ressource ? Amélie préconise comme étant démocrate, le plus grand choix d’objets possibles, comme autrefois il y avait trois classes dans les transports en commun.
Ca signifie que certaines personnes, parce qu’elles ont cru pouvoir choisir d’être capables, ambitieuses, intégrées, âpres au gain ou au travail, prétendraient acquérir dans le système actuel un objet personnel, plus joli, plus efficace... que l’objet de celles qui, par leur non-choix, devront se contenter d’un objet de qualité très inférieure, voire s’en passer. Quand j’étais gosse, j’ai toujours vu nos grands-pères se servir du fameux "coupechoux", pour se raser. C’était joli, il y avait tout un rituel, ça pouvait être dangereux... Ils ignoraient qu’allait naître le hideux petit rasoir à manche de bakélite, et lame crantée, à placer (attention aux doigts ! ) entre le corps du rasoir et une fine plaque métallique. Puis un autre rasoir apparut, prétentieusement "design", avec une forme aérodynamique, qu’il fallait brancher sur la prise électrique (nucléaire) ou à piles (alcalines et non biodégradables). Ceux qui croient qu’il existe un choix, donc un libre-arbitre, rejoignent ceux qui peuvent payer : ils ont donc sauté sur ce rasoir, sans blaireau, sans mousse, sans "cuir" pour le repasser.. Ils ignoraient qu’un autre rasoir, sans doute plus populaire, le Bic jetable, allait naître : retour à la mousse à raser, mais en bombe aérosol (qui bousille l’ozone).
Les adeptes du plus grand choix possible voudront un rasoir électrique de chez un grand parfumeur pour hommes... Et les adeptes du RMI, de la prison, du SMIC, de la longue maladie, de la famille nombreuse non désirée, les adeptes de l’ignorance ou d’une tare génétique auront, eux, le choix, entre la grosse barbe ou le rasoir moche, dangereux, inefficace, parce que bon marché.
Ainsi, toute une catégorie de gens, parce que leurs moyens leur permettent ce qu’ils croient être un choix, en profitent pour prétendre qu’ils font preuve de goût, de distinction et, bien sur, de mérite. Ce sont les mêmes qui sont absolument contre l’égalité des revenus, tenant à pouvoir se différencier des autres, à faire par leurs achats la preuve qu’ils sont d’une autre essence. Cette idée de la supériorité (sur qui ?) du libre-arbitre de l’humain, et de la supériorité de certains sur d’autres, est une philosophie toujours revendiquée par les mêmes.

Eulalie répond à Augustine :
Ne confonds pas égalité et minimum. L’égalité d’un revenu social maximum, en économie distributive, garanti permettra à tous effectivement de choisir, donc de faire preuve d’astuce ou de distinction. Par contre, avec des revenus minimum, pas de choix, on ne peut acheter que le moins cher et il est donc impossible de manifester son bon goût...

(1) Augustine Chiffon a existé, elle a participé aux luttes de la Commune, auprès de Louise Michel, tout comme Eulalie Papavoine, si vous en entendez parler, et tant d’autres, immatriculées pour le bagne !! (cf. pages 355, 392 et 400 de "La Commune" Ed. Stock Plus).