Compétitivité, mère du chômage


par  G. MARCHAND
Publication : décembre 1989
Mise en ligne : 15 avril 2009

Notre journal, à plusieurs reprises, a signalé le dernier livre de Guy Marchand. Mais la meilleure façon d’informer nos lecteurs sur ce livre est encore de laisser l’auteur nous en parler :

Le capitalisme libéral, basé sur l’initiative, la concurrence et la propriété, permet de créer des richesses et, ce, depuis des millénaires. Ce capitalisme libéral étant initiateur d’abus, l’Etat, au cours des siècles, a essayé de les réduire sans toutefois éviter les exclus, les misères et les guerres. Ainsi vit l’économie mixte.
Un économiste se croyant plus malin que les autres, Karl Marx, essaya de "faire écrouler le capitalisme" et d’éviter les "rafistolages sans espoir’. Ses disciples ont eu le pouvoir absolu sur un tiers de la population mondiale que Karl Marx prit en référence, à la fin du 18e siècle, pour établir sa théorie. Avec 70 ans de pouvoir absolu, ce système économique, basé sur la rupture avec le capitalisme libéral, n’a pas su produire mais il fit plus de 100 millions de morts, des centaines de milliers de torturés, des dizaines de millions de prisonniers du Goulag, des dizaines de millions de morts de faim, sans compter les innombrables guerres locales pendant 40 ans.
Un tel résultat devrait faire penser, aux penseurs, sur la nécessité utile à prôner de nouveau une telle table-rase.
"Compétitivité, mère du chômage" ne propose pas de "table-rase", mais au contraire une réforme progressive. Ayant défendu plus de 40 ans, et défendant toujours, les critiques de Duboin envers le capitalisme, j’ai été amené à réfléchir, face à l’absence absolue d’étapes intermédiaires, à l’établissement de la monnaie fondante dans un seul pays. Comment réaliser ce changement immédiat sans mettre un policier devant chaque boutique et des armées de douaniers aux frontières ? Une habitude millénaire ne se change pas en quelques minutes, voire quelques heures.
Pour moi, il faut aller vers un système monétaire mondial qui atténue consi-dérablement les abus actuels, même s’il ne les supprime pas complètement. On peut, et on doit, trouver une réforme du système monétaire par touches successives pour, face à la production considérable des robots, supprimer l’exclusion de tranches énormes de la population mondiale. "Ils" ne voudront pas, me diton. D’abord , où trouver exactement les personnes qui se cachent sous le "ils" dans la complexité infinie de l’économie mondiale ? La même chose a été dite pour le désarmement, mais la "trouille" peut devenir un mobile d’action. L’affaire de Cuba a été résolue pacifiquement parce que deux hommes ont eu la trouille de mourir par une guerre nucléaire : Kennedy et Kroutchev. Il en fut de même pour les accords de Washington de décembre 87 : Reagan et Gorbatchev. Si tous ces "ils" prennent un jour conscience qu’ils risquent d’être les victimes du terrorisme ou d’une révolution mondiale de la misère, ils pourront prendre la voie raisonnable de la réforme du système financier en essayant de répondre aux 68 questions posées dans mon livre. Il serait donc utile de créer une commission d’une vingtaine de spécialistes inter-nationaux qui pensent dans la direction de Kaldor, Tinbergen, Pierre-Mendès France ou Charles Warin. Ils devraient être détachés et payés par leurs gouvernements pendant deux ou trois ans. Cette commission serait permanente. Ses études pourraient s’étaler sur 15 ou 20 ans. Elle proposerait des corrections aux sujets critiqués. L’application de ces corrections se ferait par étapes, avec possibilité de revenir en arrière si l’effet escompté n’est pas réalisé.
Et finalement, on arriverait vers un système monétaire mondial adapté à la fantastique production des robots. Ce système serait modulable selon les progrès techniques, mais il resterait toujours compatible avec la répartition la plus équitable possible des richesses produites en faveur de tous les citoyens de la planète en commençant par les plus défavorisés.