Pa ! Dak
Publication : janvier 1990
Mise en ligne : 3 avril 2009
L’argent est partout dans le sport, mais le comble
est atteint par le Paris-Dakar, comme le dit Philippe Noiret : "II
y a certaines choses qu’on ne devrait pas avoir à expliquer.
Si les gens ne sentent pas spontanément que ce spectacle est
déplacé, je crois qu’il sera très difficile de
le leur faire comprendre. Je trouve personnellement que cette horde
est d’une incongruité obscène. Elle est le symbole de
notre société de consommation dans tout ce qu’elle a de
plus voyant mais de plus violent aussi.. Elle prend pour terrain de
jeu un continent dont la plupart des pays manquent des choses les plus
étémentaires, les plus essentielles." ou comme le
dénonce encore plus nettement l’Abbé Pierre : "Ce
n’est pas scandaleux de faire du sport ; ce qui est scandaleux, c’est
de le faire avec des moyens de milliardaires, sous les yeux des crève-la-faim" :
L’ensemble des coûts de ce rallye atteint 500 millions de Francs.
Cette somme, qui est réduite en poussières, est fabuleuse
par comparaison au budget de l’éducation des pays où passe
la course : 267 millions au Mali, 333 millions en Mauritanie.
Or cette opération publicitaire n’est qu’en partie financée
par des "sponsors", pour qui elle s’avère juteuse.
Le reste est financé par les contribuables et c’est ce qui est
intolérable : l’Etat, avec l’aide d’entreprises publiques, apporte
son aide à l’organisation (moyens de transports, de transmission
et des milliers de policiers pour le départ entre Paris et le
port d’embarquement) son appui aux équipages (le CEA et la COGEMA
ont affrêté en 1988 une voiture pour promouvoir l’uranium
français dans les sables africains) et enfin une aide diplomatique,
c’est-à-dire sa caution morale, puisque le Ministre de l’Intérieur
en 1987 et 1988 était intervenu pour permettre au rallye de traverser
l’Algérie puis le Mali où le ParisDakar apparait comme
une manifestation quasi-officielle, cautionnée par le Gouvernement
français ! Des dizaines de villes, départements ou régions
utilisent le Paris-Dakar pour leur promotion : le Conseil général
de LoireAtlantique pour 400.000 F. , les Sablesd’Olonne pour 55.000
F. soutiennent le rallye 1990. Alors que les associations qui travaillent
en Afrique se plaignent des destructions de pistes occasionnées
par le passage des bolides, les camions sont à nouveau autorisés
cette année (les voitures les plus puissantes avaient été
interdites les deux années précédentes).
Ce rallye symbolise la division du monde en deux parties : celle des
riches, de l’Européen conquérant, aventurier, gagneur,
prêt à toutes les douleurs pour se dépasser et écraser
les autres, et celle des pauvres qui regardent en ramassant les miettes.
Pis encore, certains y laissent leur vie : en 1988, six Africains sont
morts à cause du rallye, en 1989, la mort d’une fillette a fait
moins de bruit que le tirage au sort du gagnant.
Ce jeu de massacre n’est plus supportable. Nombreuses sont les associations(1)
qui appellent à une campagne de protestation, et nous nous y
associons pleinement.
II faut pour cela que chaque lecteur écrive, en franchise postale, à.
Monsieur le Secrétaire d’Etat
auprès du Ministre d’Etat
de l’Education, de la Jeunesse
et des Sports
78, rue Olivier de Serres
75739 - PARIS CEDEX
Voici le modèle de lettre proposé
Monsieur le Ministre,
La 11 e édition du rallye Paris-Dakar met une
nouvelle fois en évidence le caractère indécent
de cette compétition, dans laquelle le sport cède le pas
à la publicité et où l Afrique est transformée
en un vaste terrain d’aventure.
Des associations africaines et européennes contestent cette course
depuis des années.
En tant que citoyen, je suis personnellement contre cette compétition
qui reçoit chaque année le soutien fiancier ou moral de
ministères ou de collectivités territoriales.
En votre qualité de Ministre de tutelle des compétitions
sportives, je vous demande de bien vouloir prendre publiquement position
au nom du Gouvernement sur ce sujet au cours du 11 e Paris-Dakar, et
de vous engager à ce que les pouvoirs publics ne soutiennent
plus cette course.
Cette décision sera, je l’espère, entendue par les collectivités
territoriales qui soutiennent le rallye.
Veuillez croire, Monsieur le Ministre, en l’expression de ma considération
distinguée.
Lettre qu’il faut signer en indiquant le nom et l’adresse
de l’expéditeur.
Proposez cette campagne autour de vous et envoyez des communiqués
de presse aux médias locaux. Il faut montrer que les distributistes
ne sont pas d’accord avec le Paris-Dakar.
(1) par exemple l’association "Agir Ici" à qui nous devons cette information.