Course dangereuse
par
Publication : mars 1990
Mise en ligne : 30 mars 2009
Il me semblait, en Novembre (1) dernier, que pour répandre
nos thèses, il fallait maintenant que l’essentiel de nos efforts
soit consacré à "démystifier les processus
de la création monétaire" et "faire comprendre
la nécessité d’en repenser les mécanismes" ;
de les adapter aux besoins et aux moyens de notre époque.
L’actualité toute récente vient encore de conforter cette
conviction, car il apparait qu’une course s’est engagée entre
la réunification de l’Allemagne, conçue pour en faire
un bloc économique imposant sa puissance aux autres, et la formation
d’une Europe unie sur des bases humainement plus saines.
Ainsi, deux points de vue radicalement opposés s’affrontent,
dans cette course mise en évidence par le refus du Chancelier
Kohl d’avancer la date de la conférence prévue à
propos de l’Union économique et monétaire de la Communauté
Européenne.
D’un côté, les affairistes de l’Ouest voient dans la réunification
de l’Allemagne la formation d’une puissance économique dont ils
seraient évidemment les bénéficiaires. Peu leur
importe si pour arriver à ce renforcement de leur pouvoir, il
faut étouffer l’espoir de démocratie des peuples de l’Est
, sous ce qui sera présenté comme "la nécessité",
les "contraintes économiques", la "loi d’airain"
ou la "loi du marché", "l’austérité
nécessaire" ou "le chômage inévitable",
etc... Refrains connus, que les politiciens ont mis dans leur répertoire
en s’inféodant à "l’économisme" (2) en
vigueur.
De l’autre côté, il y a des gens qui veulent que l’Europe
se fonde sur des bases saines, c’est à dire susceptible d’offrir
au monde l’exemple vivant d’une société équilibrée,
dont l’idéal ne soit plus la croissance à tout prix, mais
l’épanouissement des êtres humains, tous considérés
comme des citoyens à part entière. Et ces penseurs, que
les autres prennent par conséquent pour des utopistes sans moyens,
se voient obligés de lutter aussi contre tous ceux qui voient
dans des nationalismes exacerbés le moyen de défendre
leurs intérêts contre les trop puissants affairistes.
Penser l’Europe dans ce contexte est une gageure que n’effraie pas l’association
(3) "Europe 1993". Mais il faudrait pourtant, sous peine d’inutilité,
qu’elle sache prendre la mesure du danger qu’il y aurait à laisser
aux affairistes le pouvoir monétaire. Car c’est bien l’arme toute-puissante
de "l’économisme" en question. Le Président
de la Banque Fédérale de l’Allemagne Fédérale
en a, lui, judicieudement pris la mesure, en défendant une "Banque
Centrale indépendante" des injonctions politiques qui pourraient
venir d’un parlement Européen. Les Gouverneurs d’une Banque Européenne
doivent, à ses yeux, disposer d’une véritable autonomie,
et, pour celà, être nommés "pour une durée
suffisamment longue" et ne pas pouvoir être démis
de leurs fonctions, leur indépendance personnelle étant
assurée par "un revenu financier adapté, pendant
et après leur mandat" .... En élaborant un projet
pour une Europe des citoyens, on ne peut pas se dispenser d’une réflexion
approfondie sur la création monétaire, ni trop se prémunir
contre le pouvoir des banques. Saluons à ce propos le formidable
courage du député européen J. Ziegler dénonçant
dans son livre "La Suisse lave plus blanc" les moyens couramment
utilisés, et en toute légalité, pour blanchir,
entre autres, l’argent de la drogue.
Citons également, dans le cadre de cette réflexion sur
le pouvoir bancaire et monétaire, le travail que Katia De Brabandere,
vient de publier en Belgique, dans le N°1 de janvier 1990 de sa
remarquable revue intitulée "Coopé
rance". (4)
1) Voir l’éditorial de la Grande Relève
N°884
2) le mot , je crois, est de Claude Julien
3) Dont nous avons souvent parlé, en particulier en citant dans
notre N°884 une proposition sous le titre "L’émergence
d’une économie plus distributive", discutée par des
lecteurs dans le N°885.
4) "Coopérance , coopération et interdépendance",
les Nouvelles Coopératives ASBL, 21 Bld des Archers. 1400 NIVELLES.
Belgique.