Aux confins de l’absurde


par  H. MULLER
Publication : novembre 1985
Mise en ligne : 16 mars 2009

L’imagination n’était guère au rendez-vous à l’émission de R. Portiche animée par Drucker. Horaires à la carte, aménagement d’un espace liberté, banque du temps, gestion du temps libre, décentralisation, mobilité, c’est tout ce qu’ont trouvé les Boissonnat, Albert, Guillaume, Tapie et consorts pour régler le problème des chômeurs et des retraités de l’an 2000 au revenu dangeureusement menacé. L’entreprise s’ouvre à une aimable pagaille, le personnel prenant ses cliques et ses claques comme bon lui semble, pour bricoler chez lui ou aller à la pêche, en croisière, puis, embauché à nouveau, ses fonds épuisés, comptant sur la magnanimité d’un patronat encombré de robots et n’ayant besoin que d’une main-d’oeuvre réduite, qualifiée.
Travailler moins au sein de son entreprise implique bien entendu un gain moindre ; mais là, les salariés ne sont plus d’accord. Que leur suggère-t-on pour arrondir leur revenu ? Travailler au noir, pour les voisins ou pour soi-même en faisant concurrence aux artisans, réparateurs et commerçants. On suppose généreusement que devrait se mettre en place tout naturellement une économie parallèle où chacun trouverait sa pitance, y compris les retraités goutteux, rhumatisants, souffrant d’arthrose ou de sciatique, invités à s’équiper en ordinateurs et machines à coudre afin de confectionner leurs propres vêtements, monter leur mobilier fourni en kits, bref, à se débrouiller par leurs propres moyens. Pour les autres, la mobilité reste le maitre-mot. Tout le monde à la campagne, en caravaning, à la recherche d’un petit travail permettant de survivre.
Est-ce sérieux ? Il est piquant d’entendre ces utopistes qualifier eux-mêmes d’utopistes ceux qui ont d’autres idées en matière de changement, en ce qui concerne la vie en l’an 2000 après une inéluctable révolution économique et monétaire que nos mentors ont le souci de conjurer en racontant des salades.
Le public n’est pas dupe. Il constate que nous sommes entrés dans une ère d’abondance à laquelle il convient d’accommoder des structures économiques devenues désuètes, inadéquates, incapables d’en faire profiter le gros des consommateurs.