Faire payer les robots ?


par  J. SZECHENYI
Publication : août 1985
Mise en ligne : 13 mars 2009

Voici un extrait d’une lettre de l’A.I.D.E. (Association Interprofessionnelle des Demandeurs d’emploi) :

Les progrès technologiques qui devaient permettre à tous les hommes de mieux vivre, les machines, les robots qui devaient lui permettre de travailler moins dans de meilleurs conditions de sécurité et sans fatigue inutile ont été détournés de leurs objectifs premiers. lis ne servent que les intérêts particuliers de quelques-uns : patronat, industriels, financiers, multinationales, gouvernements qui réduiront l’homme à l’esclavage si l’on ne réagit pas immédiatement. (...)
Faisons payer aux robots et à ceux qui les possèdent les salaires qu’ils nous ont volés. Exigeons que les robots soient imposés, qu’ils paient leur part de cotisations sociales, d’autant que compte tenu de l’amortissement de ces matériels, les coûts de production diminueront, seul le prix des matières premières et de l’énergie nécessaire à la fabrication figurerait dans le prix de revient des produits manufacturés.
De telles mesures permettraient de constituer la trésorerie nécessaire pour indemniser au SMIC et non pas seulement aux 2/3 les chômeurs qui n’auraient pas retrouvé un emploi grâce au partage du travail et de la réduction du temps de travail.

En somme, l’A.I.D.E. propose d’imposer les robots pour en faire profiter tout le monde.
Or, ce qui pousse les entrepreneurs à remplacer les travailleurs par des robots, c’est la volonté de réduire leurs coûts de production, de façon à ce que leurs produits restent concurrentiels, ceci en vue d’écouler leurs produits.
Imposer les robots aurait pour conséquences, d’une part, de dissuader les entreprises d’utiliser des robots, et d’autre part, d’entraîner une hausse des prix : pour récupérer la somme perdue par l’imposition des robots, les entrepreneurs augmenteraient le prix de leurs produits.
Cette inflation aurait tendance à réduire le pouvoir d’achat global, même si or augmente celui des chômeurs. La production demeurerait alors freinée par l’insuffisance de la consommation.
Le problème essentiel n’est donc pas de savoir à qui distribuer la monnaie, mais il réside dans la rature de cette monnaie : dans le système actuel, la production est limitée par le fait que la capacité d’achat des consommateurs ne peut suivre la capacité croissante de production des techniques modernes.
Pour que la production ne soit plus limitée par des considérations financières, il faut que la monnaie, telle que nous la connaissons, disparaisse au profit d’une monnaie de consommation de la production.
C’est alors seulement que les robots pourront réellement profiter à tous les membres de la société en produisant en fonction des besoins réels des individus et non au profit à réaliser.
D’un autre côté, la réduction de la durée du travail - très difficile dans le cadre du système actuel, à cause du coût supplémentaire qui s’ensuit pour les entreprises, entraînant inéluctablement une hausse des prix - s’appliquera à tous les travailleurs, grâce à l’utilisation intensive des robots.
Ces derniers, au lieu de créer chômage et misère, rendront le travail moins pénible à l’humanité entière, en la faisant accéder à une société du temps libre où personne n’aura plus à gagner son pal « à la sueur de son front ».