Au fil des jours
par
Publication : août 1985
Mise en ligne : 13 mars 2009
Après tout, on peut peut être se passer de la bénédiction des américains pour mettre en place ce nouvel ordre international. C’est ainsi que pour contourner les contraintes imposées par le FMI et ses banquiers, le Nigéria vient de mettre en oeuvre un système efficace d’accords de compensation particuliers s’étalant, à la différence des accords de troc classiques, sur des périodes relativement longues, de six mois à un an. Le Nigéria a passé ce type d’accords avec des firmes italiennes, dont Fiat et te groupe pétrolier ENI, avec des firmes brésiliennes comme Petrobras et la COTIA, et avec des sociétés françaises tettes que la SCOA et ELF. Le montant total de ces échanges serait à peu près équivalent à 10 % de la production pétrolière du Nigeria. Inutile de dire que cela ne fait pas l’affaire des autres pays membres de l’OPEP.
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Autre remise en cause du pouvoir de la monnaie, -mais
française cette fois- c’est la mise en place prochaine des cartes
« sans-pharmacie ». Résultant d’un accord entre des
syndicats de pharmaciens et la fédération française
des sociétés d’assurance, ces cartes permettront aux assurés
sociaux bénéficiant d’une assurance complémentaire
maladie de ne pas faire t’avance des frais de pharmacie. Le système
pourrait Ultérieurement accueillir les mutuelles et les caisses
nationales d’assurance maladie ainsi que les médecins et les
auxiliaires médicaux. La carte elle-même, à piste
magnétique dans un premier temps, pourrait être rapidement
remplacée par une carte à mémoire. De son côté,
la Fédération nationale de la mutualité française
étudie un réseau du même type auquel ne participerait
pas les assurances privées.
Quoiqu’il en soit, dans l’un et l’autre cas, c’est encore une préfiguration
de la monnaie distributive tette que nous la voyons.
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Pendant ce temps, te ralentissement de la croissance aux Etats-Unis se confirme et te problème pour Reagan est que même les élus de son propre parti ne veulent plus faire porter l’austérité sur les seules dépenses civiles mais aussi sur celles du Pentagone. Le ralentissement de la croissance ayant pour conséquence immédiate un tassement des rentrées financières de l’Etat, la réduction du déficit budgétaire américain n’est pas encore pour demain puisque Reagan ne veut pas augmenter la pression fiscale. Le deuxième moyen de réduire le déficit commercial serait de faire descendre le taux du dollar à un niveau plus raisonnable par une révision des mécanismes monétaires internationaux ou, au moins par des interventions ponctuelles des banques centrales. C’est ce que souhaite le Sénat américain mais Reagan s’y refuse absolument parce que c’est « contraire aux lois du marché ». Ainsi réduits à l’impuissance par l’aveuglement présidentiel et de plus en plus inquiets, les responsables industriels développent leurs actions pour obtenir le renforcement des mesures protectionnistes. Cette tendance se manifeste surtout dans la sidérurgie, l’habillement, les milieux syndicaux... et parmi les parlementaires confrontés à des menaces immédiates dans leurs circonscriptions. C’est pourquoi, malgré le libéralisme de principe du chef de l’Etat, les agriculteurs ont déjà reçu d’importants soutiens (2 milliards de dollars) pour leurs exportations (notamment pour les exportations de blé à destination de l’Algérie). La communauté Européenne va avoir fort à faire pour lutter contre cette concurrence sauvage.
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Cette même communauté s’interroge sur les perspectives nouvelles qu’elle peut offrir aux agriculteurs européens et sur la façon de leur redonner confiance. Réunis dernièrement à Sienne, les ministres de l’agriculture des dix ont conclu qu’il n’existait pas de remède miracle pour rendre du dynamisme à l’Europe verte et qu’il fallait avant tout continuer la politique de maitrise de la production. La commission est convaincue que pour limiter l’accroissement de la production, il faudra pendant de nombreuses années pratiquer une politique rigoureuse sur les prix. Comme tous les agriculteurs ne sont pas capables de supporter un let traitement, la commission propose de faire un usage plus targe qu’aujourd’hui des aides directes aux revenus. On voit donc ainsi, petit à petit, se mettre en place une politique de revenus garantis, indépendants de la production. Cela n’est certes pas très nouveau pour les paysans français dont la production est pratiquement totalement subventionnée par l’Etat. Ce qui ne les empêche pas d’être les plus fidèles défenseurs du libéralisme économique...
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Toujours en France, on lit quelques vérités qui surprennent quand on sait qui les énonce. On nous dit, par exempte, que « dans 70 % des cas la disparition des entreprises est due à l’incompétence de leurs dirigeants ; qu’il est inutile d’attendre d’avoir un certain effectif pour s’ouvrir au dialogue social ; que les ouvriers que l’on paie le moins sont ceux qui coutent le plus cher à cause de l’absence de formation ; qu’on peut s’interroger sur la validité économique d’une entreprise qui ne peut payer le SMIC... » Contrairement à ce que vous pourriez croire, ces propos ne sont pas tenus par de dangereux gauchistes mais par des membres très représentatifs du Centre des jeunes dirigeants d’entreprise », qui est un mouvement patronal. C’est là un discours bien éloigné de celui que l’on entend au sein du CNPF.
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Les gouvernements européens prennent quand même, de temps en temps, quelques mesures de bon sens. C’est ainsi que les gouvernements français et hollandais ont approuvé l’accord conclu entre Gaz de France et Gasunie qui prolonge de dix ans les livraisons de gaz néerlandais à la France jusqu’en 2003 et qui prévoit le paiement de ce gaz en unités de compte européennes (ECU). C’est un exempte à suivre. Pourquoi Air Inter devrait-elle payer ses Airbus en dollars comme c’est encore le cas actuellement ?