Surtout, n’économisez plus le pétrole !

Éditorial
par  M.-L. DUBOIN
Publication : août 1985
Mise en ligne : 13 mars 2009

Si, contrairement à ce qu’affirmait «  La Grande Relève », dont la couverture du n° 764 était intitulée : « Le bluff sur le pétrole », vous avez cru à une époque que la grande crise économique que nous vivons avait pour cause une crise catastrophique et définitive de production de pétrole (car c’est alors ce que tous les experts en économie affirmaient) vous avez aujourd’hui les moyens de faire le point : avec la même unanimité, les médias expliquent que les pays industrialisés ont si bien su s’adapter à cette « crise » que la catastrophe qui nous menace aujourd’hui est celle de SOUS-CONSOMMATION de pétrole ! Pourquoi  ? Mais parce que les producteurs ne pouvant plus vendre au prix qu’ils espèrent, celà signifie pour eux une baisse de revenus. Bien entendu, ce n’est pas vraiment celà qui inquiète nos experts. Ce qui les affole, c’est que ces producteurs ayant été de si bons clients à l’époque où le renchérissement du prix du pétrole fut pour eux un pactole, ils ont fait l’objet de toutes les prévenances de la part des plus grosses banques américaines, européennes ou japonaises. Celles-ci ont alors consenti de très gros crédits à tout ce qui était lié à la production de pétrole (au Mexique, par exemple) parce qu’elles en attendaient d’énormes profits. Et maintenant que le pétrole se vend moins bien, ce qui inquiète l’opinion c’est de penser que ces malheureuses banques vont avoir du mal à toucher les intérêts qu’elles espéraient. Donc : consommez du pétrole, adieu les économies d’énergie, il y va de l’avenir du système du marché capitaliste !
Cette démonstration flagrante des perversions de l’économie de marché a une retombée inespérée : un éclair de lucidité de la part de P. Fabra qui écrit dans « Le Monde » du 9 Juillet :
Une chose est en effet constamment oubliée dans les rapports officiels, et notamment ceux qui émanent du Fonds Monétaire  : c’est qu’un fournisseur ne peut impunément tripler ou quadrupler son prix de vente qu’à la condition d’être assuré que ses clients trouveront l’argent pour le payer... C’est la permissivité du système financier international qui a fourni au double coup de force de l’OPEP les moyens pour réussir. Selon le schéma popularisé par les experts du FMI, la hausse brutale du prix du pétrole accroissait dans la même proportion les recettes des pays producteurs, et comme ceux-ci ne pouvaient dans un laps de temps aussi court augmenter leurs importations... il en résultait l’accumulation à leur profit d’énormes excédents financiers. Ces surplus furent déposés auprès des banques... Celles-ci ont alors entrepris de les prêter aux pays importateurs, dont les déficits ont ainsi pu être financés pour le plus grand bien de l’économie internationale. Cette opération dénommée de « recyclage » a valu aux banques qui en ont extraordinairement profité les louanges publiques du FMI jusqu’en 1981.

Et si nos experts ou au moins le journaliste du Monde, en profitaient pour oser imaginer ce qui se passerait pour l’humanité si les échanges internationaux ne pouvaient plus se faire que sans les intérêts monétaires des banques, sur la base de simples contrats d’échanges de biens ou de services, éventuellement à terme, mais toujours « au comptant  » ?