La critique sociale en question
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Mise en ligne : 28 février 2009
Les formidables bouleversements des sociétés et des mentalités du 18ème siècle ont permis l’émergence d’une critique audacieuse qui restera déterminante pour la lutte contre les ignorances et les préjugés. Ainsi, les penseurs des lumières avancèrent l’idée que tous les régimes de pouvoir exercés ou subis par les hommes au cours de l’histoire n’avaient eu ni les dieux ni la nature pour origine, mais étaient le fruit des pensées, des actions et des intérêts des hommes eux-mêmes.
Certains en tirèrent des conclusions pratiques plus radicales, formant l’idée révolutionnaire que le pouvoir pouvait cesser d’être exercé par une minorité au sein des sociétés (comme il l’avait toujours été) et qu’on devrait un jour le faire partager par le plus grand nombre.
L’humanité en marche vers cet idéal d’émancipation vertueux se heurte à l’opposition violente des tenants de l’exploitation de l’homme par l’homme qui tentent de pérenniser leur pouvoir dans des formes sans cesse renouvelées. Il apparaît aujourd’hui, de plus en plus clairement, que le système qu’ils nous imposent conduit à l’impasse d’un monde écologiquement inhabitable et anthropologiquement impossible.
Mais cet immense défi pour l’humanité ne pourra être relevé que si les générations qui viennent en prennent pleinement conscience et acceptent de s’opposer au mouvement suicidaire qui nous entraîne. C’est en reprenant à leur compte avec courage et détermination la résistance et les luttes qu’exigeront les circonstances futures qu’ils pourront, et eux seuls, sauver le monde de la barbarie et du désastre annoncé.
I - Les consciences prisonnières du marché
Galilée fut contraint par l’Inquisition, en 1633, d’abjurer toutes ses idées pour que la terre continue à rester immobile au centre de l’univers. C’était ça ou le bûcher. Pour les tenants du dogme, il fallait conjurer le risque de “désenchantement du monde” par la science et la modernité, afin que la gloire du divin continue d’enchaîner les pas de l’homme à son mystère.
Cette lutte pour s’assurer la maîtrise des consciences était d’autant plus impitoyable qu’elle devait maintenir le peuple en situation d’accepter pour naturelle, donc légitime, son état de grande pauvreté.
La société contemporaine, fruit de l’évolution des modes de production vers la recherche du profit privé maximum, a nécessité des changements considérables de statut des hommes productifs. De l’esclavage au servage et jusqu’au salariat, l’évolution de la valeur de la force de travail s’est considérablement accrue pour correspondre aux nécessités des formes modernes de production.
Avec la mondialisation du système capitaliste de production et d’échanges, dans les entreprises et les services, les cultures méthodologiques et gestionnaires ont pris le pas sur les métiers. Elles permettent une direction hyper centralisée et technocratique, largement déconnectée des réalités de l’entreprise et des hommes qui y travaillent. Il s’agit essentiellement, pour les responsables, de faire procéder aux ajustements permettant de répondre aux critères de compétitivité et aux exigences de profit à court terme, quelle que soit la nature des activités en question.
En accentuant encore la division du travail entre les décideurs, les concepteurs et les exécutants, et en intensifiant l’exploitation des salariés, ces rapports de production exacerbent les contradictions fondamentales du capitalisme. Les processus de production des richesses de toute nature sont de plus en plus socialisés et mondialisés, c’est à dire qu’ils requièrent la contribution la plus large de toutes les composantes matérielles, intellectuelles et humaines de la société, de l’amont des moyens de production proprement dits (recherches et développements scientifiques, techniques, méthodologiques…) aux services publics et privés (système bancaire, assurances, transports, éducation, santé…). Par contre, les profits sont accaparés, pour l’essentiel, par une caste de plus en plus concentrée et richissime.
En s’employant à annihiler toute contestation démocratique grâce aux différentes structures planétaires illégitimes qu’elle finance et contrôle pour dominer le monde, la caste des oligarques bascule progressivement dans les pratiques mafieuses de prévarication, de coercition, de violence guerrière et de dissimulations financières massives dans les paradis fiscaux. Tous les gouvernements des grands pays industriels leur sont assujettis et les simulacres de démocratie élective sont de bien peu de poids pour faire valoir les aspirations des peuples.
Dans leurs exercices vertigineux de pouvoir, les oligarques sont, bien sûr, divisés par les rivalités inter impérialistes et les instabilités systémiques du capitalisme, mais ils ont su utiliser à leur profit l’outil moderne de domination que constitue le marché. En le poussant toujours plus loin dans ses possibilités, ils ont réussi à faire mieux que les inquisiteurs : ils ont transformé la conscience des hommes, moyen de la critique sociale, en marchandise sous contrôle.
(à suivre…)