Réponse à K...


par  A. PASCAL
Publication : juillet 1982
Mise en ligne : 26 janvier 2009

On peut exceller dans un domaine et pêcher dans un autre. Brillante démonstration par M. Georges Krossovsky (G.R. n° 792).
Après citations de l’ouvrage de notre ami M. Dieudonné, lequel estime que l’Economie Distributive s’annonce avec les actuelles distributions (sans contrepartie de travail) d’indemnités, primes, allocations, pensions, subventions, etc., G. Krassovsky estime qu’il ne s’agit que d’aumônes.
Où a-t-il vu quelqu’un, quelque part faire encore l’aumône  ? Comment ne saisit-il pas que si ces distributions sont faites, c’est uniquement pour que les bénéficiaires consomment ? Sans elles ils cesseraient d’acheter et d’autres cesseraient de vendre, comme l’a si bien démontré J. Duboin. G.K. relève, avec justesse, que certaines de ces indemnités permettent à peine de ne pas mourir de faim. Mais pourquoi cela lui donne- t-il un avant-goût amer de l’E.D.? Si le système capitaliste (qui est rigoureusement l’opposé de l’E.D.) ne se faisait pas, spontanément, des entorses à ses propres principes, le bénéficiaire d’allocations serait, effectivement, mort de faim, entraînant vers la tombe un cortège de jeûneurs obligatoires. Entorse parce que, logiquement, le système f financier actuel devrait servir des salaires à ce qui produit, c’est-à-dire aux machines, aux appareils, aux ordinateurs, à la robotique, à la bureautique, aux engrais chimiques, etc. Hélas, ces engins morts sont incapables de remettre les salaires dans le circuit, ils interrompent le jeu. Comme à la belote, lorsqu’un joueur n’a plus de cartes, si l’on veut poursuivre la partie, il faut redistribuer. Force est donc pour que le système capitaliste ne crève pas, de distribuer le salaire des machines, aux chômeurs et crève-la-faim de tous poils. Appelez ça, aumônes, allocations, charité chrétienne ou subventions, on s’en moque.
G.K. est heurté par le fait que dans l’Avenir annoncé par l’E.D. « Chacun soit rétribué en sa qualité de consommateur et non plus en tant que producteur ». Il la qualifie de « vision idyllique ». Remarquons au passage que G.K. manque d’imagination pour en être réduit au réemploi de l’étiquette la plus élimée collée à l’E.D. « Utopisme » !
Cependant il admet que partis du zéro absolu, les « revenus de consommation distribués » atteignent 40 en 1981. Il n’envisage pas qu’ils puissent régresser. C’est dire, implicitement, qu’ils continuent de progresser puisque rien ne permet de déceler une modification de leur ascension. Donc bientôt 50, 80, 90 et enfin 100 %.
Néanmoins, G.K. confesse : « Une telle société me conviendrait parfaitement, ayant peu de besoins et des goûts modestes ». Il recevrait donc avec gratitude, dit-il, un revenu permettant de satisfaire ses besoins « en exerçant une activité utile à la Société, etc. ». Mais, ajoute-t-il modestement : « J’ai franchement l’impression que les êtres comme moi sont actuellement plutôt exceptionnels  ».
Qu’en sait-il ? Que n’interroge-t-il autour de lui ? Il s’entendrait répondre : « Ah moi, je serais d’accord, mais mon voisin sûrement pas ». Et ainsi de proche en proche. Chacun de nous estime qu’il est bon, intelligent, capable, valeureux mais que, par contre, c’est l’autre qui ne remplit pas les conditions. Mais cet e nuire » reste perpétuellement à découvrir.
G.K. estime qu’il faudrait pour l’E.D. « des gens sages et fraternels, acceptant de travailler bénévolement ». Qui parle de changer l’humaine nature ? Il y aura autant de crétins, de cinglés, de médiocres en E.D. qu’il y en a aujourd’hui, à ceci près qu’il n’y aura plus pour eux nécessité de chercher à dévorer leur frère pour se substanter. Supposons un repas, de nos jours, dans un milieu aisé. Chacun ne mange pas plus que sa faim, sachant que le repas suivant sera également équilibré et assuré. Plaçons les mêmes participants dans un camp de concentration autour d’une gamelle de soupe... et observez la lutte au couteau de ces personnes bien élevées.
Les avides demeureront avides, mais le seuil de satisfaction, sinon de saturation, sera plus aisément atteint. Vêtements, logements, voitures, etc., désirés seront disponibles en fonction de la production, Celle-ci est-elle en baisse en un secteur quelconque  ? En un pays quelconque ?

Notre auteur demande qui décidera, selon quels critères, de la distribution gratuite des biens, villas de luxe, musée à domicile, avion personnel, etc. (Et c’est nous qu’il traite d’utopistes !). Tous les émules de J. Duboin savent que les acquisitions seront faites, comme de nos jours, avec les billets dessinés par la Banque de France, à la différence près que ceux-ci reposeront sur du solide progressif, étant basés sur la Production laquelle est en progression constante et ils ne seront plus thésaurisables.

Lecteur superficiel G.K, réduit l’E.D. à « Un rêve généreux qui mène à l’absurde. Une Société de prise sur le tas » (Quid). Qui n’est sûrement pas pour demain ». Mais, il a la franchise d’avouer : « Il est somme toute heureux qu’il y ait des contingences d’ordre économique pour mettre un frein à certains appétits ».

G.K. soulève encore l’objection du travail nécessaire pour fabriquer, contrôler, réparer les machines. Les études à accomplir pour les réaliser. Les travaux pénibles subsistants, etc. Redites que cela. Les réponses aux objections de J. Duboin y suffisent. C’est précisément en échange de telles activités, qui ne peuvent aller qu’en décroissant, que l’on perçoit le Revenu Social.

En bouquet final G.K. ne discerne dans l’E.D. « qu’un nivellement, le contingentement par tickets, une bureaucratie monstrueuse, un système de coercition transformant la société en un immense camp de concentration ». Pas moins ?

N’est-il pas plus simple pour critiquer de faire dire à son adversaire le contraire de ce qu’il énonce ?