De l’or sous les roses
par
Publication : novembre 1981
Mise en ligne : 18 novembre 2008
LES vaincus du dernier Trafalgar électoral affirment que Mitterrand
et ses équipiers seront impardonnables d’échouer, ayant
en mains la totalité ces pouvoirs. Et d’énumérer
: Présidence de la République pour 7 ans ; majorité
absolue à la Chambre ; puissance syndicale ouvrière à
disposition ; en face, rien ou presque : leur simple opposition quasi
symbolique.
Voyons de plus près. Le Président de la République
n’a pas plus de pouvoirs que n’en disposait leur chef, de Gaulle. Plutôt
moins, puisque Mitterrand ne se propose pas de violer la Constitution,
comme le faisait de Gaulle sans se gêner, malgré les cris
de « Forfaiture » lancés par un courageux Président
de Sénat, Gaston Monnerville. Ce serait plutôt le contraire
: Mitterrand fait supprimer la « Cour de Sûreté de
l’Etat », la meilleure trique contre les adversaires politiques
(Canal, Bastien- Thierry, Salan, Zeller, Challe, autonomistes bretons,
corses).
Majorité à l’Assemblée Nationale certes (pas au
Sénat, mais tout autant que les Gaullistes d’antan. Ils y avaient
conquis le glorieux titre de « Godillots du général
» pour voter, avec dextérité, le contraire de ce
qu’ils avaient voté la veille. Il suffisait que leur Deux étoiles
leur en donne l’ordre. Et, comme il était un spécialiste,
de l’ordre et du contre-ordre, dans la même phrase, les godillots
claquaient les talons en permanence.
On verra si les députés socialistes sont ces savates en
votant cemain pour la réédification de la Cour de Sûreté
de l’Etat, pour le maintien ces libérateurs soviétiques
en Afghanistan, etc., à la requête de François.
Quant à la puissante syndicale ouvrière, elle est bien
surfaite. Si l’on peut toujours faire éclater une grève
(même par ces jaunes) la puissance du syndiqué (y compris
celle d’un délégué) est bien pâlote face
à celle de son patron ! Les patrons, en voilà une autre
puissance ! Bien que minoritaires dans le pays, ils détiennent
ces pouvoirs autrement persuasifs. Et de quel côté sont-ils,
les patrons ?
Maladroitement, mais officiellement, le Patron ces Patrons, François
Ceyrac (Administrateur chez Dreyfus, de Wendel, S.A. Fonderie de précision,
Sidelor, Peugeot, etc.) est descendu dans l’arène pour prendre,
au nom du Conseil National du Patronat, position en faveur de Valéry
Giscard, dit d’Estaing.
Voici déjà ces opposants de marque. Mais ce n’est que
la partie visible de l’iceberg. Il en est d’autres. Les « groupes
de pression » existent : betteraviers, trusts industriels, alimentaires,
de presse, de l’industrie lourde, du tourisme, ces alcools, pharmaceutiques,
chimique, atomique, informatique, bancaires, etc. On en oublie et ces
plus massifs. Il est prévu que quelques-uns perdront une part
de leur liberté (sans pour autant perdre leur indemnisation).
Peut-on soupçonner qu’ils se laisseront déposséder
sans réagir ?
En surface, ils joueront la soumission. Dans l’ombre, ils ont déjà
pris leurs dispositions, arrêté leur stratégie.
La Trilatérale n’est pas faite de novices.
Car voilà bien où le pseudo raisonnement ces gaullistes
et gaullo- giscardiens est mensonger. La gauche n’a pas TOUS les pouvoirs.
Comme en 1936, elle a devant elle, invisible, insondable, mais tragiquement
omniprésent, le « Mur d’argent ». Les « 200
familles » ne sont pas un mythe (1).
Ces gens de l’obscurité feutrée ont investi l’Etat dès
avant de Gaulle, et ils l’ont conquis sous Giscard. Ils ont placé
10 000 employés, avec fonction de Conseillers d’Etat, Préfets,
diplomates, officiers supérieurs, chefs ces grands services administratifs.
On ne peut les reconnaître que lorsqu’ils partent à la
retraite et ceviennent administrateurs, P.d.G. où directeurs
chez Dassault, Borel, Trigano, Rothschild, Carrefour, BSN, Gervais-Danone,
Pont-à-Mousson, Rhône-Poulenc, Hachette et autres bonnes
compagnies.
Là est la toute puissance.
Comment expliquer autrement qu’un chef d’Etat étranger, tel Reagan,
puisse se permettre de critiquer le choix de ministres français,
désignés légalement par un Président français,
régulièrement élu par les Français ? Ajoutant
à ses propos déplacés ceux menaçants de
ses adjoints ! Sachant que le sentimental n’a pas cours légal
dans les relations inter nationales, force est d’admettre que ces menaces
trouvent leur source dans les intérêts matériels
froissés, dans notre pays, par l’expérience socialiste
débutante.
Ces intérêts sont donc bien forts pour trouver audience,
aussi vite, auprès du plus haut personnage de la première
puissance de la planète. Cela démontre une solidarité
efficace.
Cela démontre aussi la veulerie ces hommes écartés
du Pouvoir. Ils se pavanent maintenant à la Télé,
énonçant sentencieusement « Nous l’avions prévu,
votre « Changement » ne plaît pas aux USA ».
Eux, dont la litanie était de vouloir une politique nationale
au seul service de la Nation, au premier coup de semonce, les voilà
dans le camp de l’étranger. (Messmer, sincère ou habile,
a condamné les propos américains).
Le Président de la République, l’Assemblée Nationale,
le tiers du Sénat, les syndicats ouvriers et le Peuple Français
peuvent se dresser quasi unanimement, contre le Bloc de l’or, ils n’ont
pas gagné d’avance. L’Avenir est à la lutte.
(1) Lire « Les 200 familles au pouvoir » H. Coston 1977. Ed. DPF Chiré/Montreuil 86190 Vouillé.