Propos sur le chômage
par
Publication : novembre 1981
Mise en ligne : 18 novembre 2008
Le sort de la France n’est pas directement entre nos mains. Il dépend de ce que vont décider (ou non) nos élus dans les jours qui viennent... C’est donc spécialement à leur intention que je fais cet exposé qui insiste sur des choses dont les lecteurs, pour la plupart, doivent être convaincus depuis longtemps.
LE présent article n’est pas la suite directe de mes premiers
« Propos sur le Chômage » dont le texte a paru dans
le numéro de la « Grande Relève » de juillet
dernier.
La conclusion de cet article exposait la nécessité d’une
« Expérience de Transition » qui consistait à
mettre au point le fonctionnement d’une petite « Economie Distributive
limitée aux chômeurs et à leurs familles (c’est-à-dire
à moins de 10 % de la population française).
Je voulais vous démontrer qu’en limitant ainsi nos ambitions,
l’expérience est tout à fait possible dans un délai
relativement court.
C’est certainement ce que vous attendiez que je vous expose aujourd’hui,
mais depuis l’avènement au « Pouvoir Absolu » des
Socialistes, si l’on ne peut pas se plaindre qu’ils soient restés
inactifs (loin de là !), il me paraît beaucoup plus urgent
d’essayer de « leur ouvrir les yeux » car ils ne semblent
pas encore avoir compris « le vrai problème » auquel
il est vital de donner une priorité absolue.
Leur activité a été courageuse et parfois efficace,
mais elle a pris souvent des directions inattendues, et leur façon
d’aborder le problème du Chômage est stérile.
Or il y a quelques « Mesures-de-Salut-Public » (le mot n’est
pas trop fort !) que le gouvernement doit prendre sans délai,
s’il veut éviter, à très brève échéance,
les pires désordres et une catastrophe irréversible.
IL FAUT PENSER, EN PRIORITE, AU CHOMAGE ! MAIS EN SE GARDANTD’Y PENSER AVEC DES IDEES FAUSSES
Depuis quatre mois, notre très sympathique Président,
notre très sympathique Premier Ministre ainsi-que les très
sympathiques Ministres et Secrétaires d’Etat, clament sur-tous
les tons que leur première préoccupation est le Chômage...
Parfait !..
Et pourtant, si aujourd’hui une personne « curieuse et bien intentionnée
» demande à l’un de ces « très sympathiques
personnages » comment le gouvernement compte maîtriser ce
mal endémique - dont il est facile de prédire qu’il fera
« crever », à très brève échéance,
tous les pays occidentaux à régime économique «
échangiste »
il répondra que toutes les mesures qui ont été
prises et que prend actuellement le gouvernement sont inspirées
par cette constante et permanente préoccupation de « résorber
le chômage ».
Vous avez bien lu : Ils espèrent résorber le chômage.
Et voilà, exprimée avec la plus naïve candeur, la
plus monumentale « Idée Fausse » !
Car, il est tout à fait vain de penser à « résorber
le chômage » et il est tout à fait absurde d’espérer
qu’on pourra l’empêcher de se produire à l’avenir et de
se développer. C’est aussi absurde que de s’imaginer qu’on pourra,
demain, empêcher la pluie de tomber !
Le chômage est une conséquence des applications grandissantes
du « Progrès Technique » exactement comme la pluie
est la conséquence de la condensation de la vapeur d’eau contenue
dans les nuages.
On ne peut empêcher ces phénomènes de se produire
quand existent les conditions qui les provoquent.
Dans le numéro de la « Grande Relève » de
juillet dernier, André DUMAS a très judicieusement cité
des passages qui sont essentiels dans l’oeuvre du grand savant et philosophe
évolutionniste Pierre TEILHART DE CHARDIN, membre de l’Académie
des sciences depuis 1950 et reconnu unanimement comme l’un -des plus
éminents penseurs contemporains.
Dans « La place de l’homme dans la nature » (Seuil 1949)
il écrivait : « ,Rien n’est plus injuste ni plus vain que
de protester contre le chômage grandissant auquel nous conduit
inexorablement la machine » et DUMAS extrait d’une autre de ses
oeuvres « L’activation de l’énergie » (Seuil, 1947)
: « Je pense au phénomène du chômage qui inquiète
tellement les économistes mais qui, pour un biologiste, est la
chose la plus naturelle au monde ».
Comme on le voit ce « grand esprit contemporain » abonde
dans le sens de Jacques DUBOIN qui a eu le mérite d’exprimer
dans toute son oeuvre (avec toutes les preuves à l’appui) les
mêmes thèses... mais avec au moins une décennie
d’avance.
Nous avons tous ici adopté depuis toujours les conclusions de
ces deux grands penseurs et nous sommes, comme eux, bien certains de
cette « Vérité », de cette incontestable « Evidence » :
« Le progrès technique » - que rien ne pourra jamais
endiguer - augmentant sans cesse « le coefficient de productivité
» de chaque travailleur sera, chaque jour davantage, générateur
de chômage.
Et nous affirmons, comme une conséquence, que :
Aucune mesure, aucune décision gouvernementale, dans le Régime
Economique Actuel, ne pourra jamais « résorber le chômage
» ni même l’empêcher d’augmenter.
Oui, c’est pour nous (et quelques rares économistes clairvoyants)
une élémentaire « Evidence ».
Mais, nous vivons depuis bien longtemps dans une ère démente
et paradoxale, instaurée par GISCARD D’ESTAING et BARRE :
L’ère des « Evidences Méconnues »
Ce qui m’inquiète le plus, me stupéfie et m’indigne est
de voir se perpétuer cette ère depuis plus de quatre mois
par M. Mauroy.
Et c’est très grave, car nous avons malheureusement pu constater
à La « Grande Relève », que les Conseillers
Economiques de nos dirigeants (et spécialement celui de notre
Président) s’entêtent à méconnaître,
avec un souverain mépris, les plus limpides de ces « Evidences
». Comme incompréhension et aveuglément, ils pourraient
« rendre des points » à M. BARRE.
N’ont-ils pas, gravées dans leur esprit depuis une récente
émission de télévision, les images pourtant stupéfiantes
de cette usine de sidérurgie japonaise entièrement automatisée
qui, sous la surveillance de quelques dizaines d’ouvriers spécialisés,
arrive à produire journellement une quantité d’acier utilisable
pour l’industrie, supérieure à ce que produisaient un
an plutôt des usines non automatisées où s’affairaient
près d’un millier d’hommes ?
N’ont-il pas été convaincus en voyant plus récemment
au journal télévisé, le reportage très court
mais bien éloquent sur le fonctionnement d’une partie automatisée
de la chaîne de montage de la nouvelle Renault 9 ?
C’était à n’en pas croire ses yeux.
La télévision devrait passer fréquemment ces deux
reportages édifiants car il faut que le public tout entier -
et, parmi ce public, tout spécialement les néfastes conseillers
économiques de nos Grands Hommes Politiques qui n’ont pas encore
compris la réalité du problème - il importe, dis-je,
que tous les Français soient par cette répétition
d’images incontestables, tout à fait convaincus avec nous que :
Aucune relance des affaires, aucun programme d’expansion ne peut aujourd’hui
permettre de résorber le chômage, dans une proportion tant
soit peu appréciable. Il se développera de plus en plus,
quoi qu’on fasse, puisque le « Progrès Technique »
ne peut cesser de faire progresser constamment le coefficient de productivité
de chaque ouvrier...
En ce qui concerne l’utilisation des robots dans la grande industrie,
l’article de P. SIMON nous confirme (dans la Grande Relève d’octobre)
que l’industrie américaine qui en possède aujourd’hui
3 500 prévoit que son équipement arrivera en quelques
années à atteindre le chiffre impressionnant de 14 000
! Comment, après cela, ces « sourds-aveugles » dont
je fais le procès, peuvent-ils encore prétendre que l’on
peut trouver un moyen simple pour « Résorber le chômage
» ?
Etes-vous bien d’accord avec moi maintenant, quand j’affirmais plus
haut que « vouloir Résorber le chômage » est
une « idée fausse » ?